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Jean Armand Campignon (Traducteur)
EAN : 9782877304849
225 pages
Editions Philippe Picquier (25/04/2000)
4/5   1 notes
Résumé :
A vingt-huit ans, pressée par l'urgence, celle qui écrit comme si elle ne s'était " jamais arrêtée de combler la mer " remonte à la source de son enfance. Violence paternelle et instabilité de la mère, à l'école les brimades pour cette fille d'émigrés coréens oppressée par un terrible sentiment de colère et de solitude : le roman familial hante Yu Miri, qui exorcise son passé pour reprendre pied sur le rivage.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La critique de @hordeducontrevent sur les Fables et légendes coréennes de Anne-Claire Duval a ravivé en moi des souvenirs.

En 2016-17, j'ai été membre d'une association pour la promotion de la Corée, une expérience passionnante.

En 2019, dans le cadre d'un club de lecture consacré au Japon, j'ai lu le Berceau au bord de l'eau.

Je reprends ici mes notes éparses.

Le Japon est un pays particulièrement xénophobe. Jusqu'à l'époque du Meiji (1868-1912), il vivait en totale autarcie sans aucun échange avec le reste du monde. La fin du protectionnisme est marquée par une politique d'expansion :
-1894-95 Guerre sino-japonaise
-1895 Annexion de Taiwan
-1904-5 Guerre russo-japonaise
- 1905-1945 Colonisation de la Corée

De nos jours, le pays du Soleil Levant a une politique d'immigration draconienne. Il y a très peu d'étrangers. La plus grosse communauté est coréenne : 650 000 en 2013. Les coréens sont méprisés. Beaucoup vivent en ghetto (Okubo, Tokyo, quartier coréen).

Miri Yu est fille d'émigrés coréens. le Berceau au bord de l'eau est un roman autobiographique. Son récit suit l'ordre chronologique de sa naissance le 22 juin 1968 à ses vingt-huit ans. L'autrice insiste pour nous dire qu'elle colle autant que possible à la réalité, que si elle la trahit c'est parce que sa mémoire est défaillante.

Son père parlait parfois du « Genkainada » (je reprends une note en bas de page 20) :

« Mer au nord-ouest de l'île de Kyüshu, parsemée de nombreuses îles posées comme des pierres de jardin permettant le passage entre le Japon et la Corée et se prolongeant à l'ouest par le détroit de Tsushima et le Chenal d'Iki ; redoutable l'hiver pour ses tempêtes et ses vagues furieuses. Clandestinement, légalement ou recrutés de force comme travailleurs, des millions de Coréens ont dût franchir cette mer dans le courant du XXème siècle pour venir chercher fortune au Japon ».

Le berceau au bord de l'eau est un témoignage poignant. Rien ne nous est épargné sur la misère, la saleté, la violence, les tentatives de suicide de Miri Yu, les problèmes familiaux, les difficultés d'intégration…

Voici la description du logement familial :

« Ce que nous avions loué n'était en fait qu'une petite bâtisse sans étage, à vocation de remise, construite sur le terrain occupé par la maison du propriétaire.
Par un grand trou béant dans le mur de la salle d'eau entraient des limaces qui allaient se coller sur le petit bac à savon et de gros grillons aux longues pattes que l'on retrouvait inertes, flottant dans l'eau de la baignoire. Mais murs et plafonds étaient aussi criblés de trous dans les autres pièces et à chaque grosse averse c'était un véritable branle-bas de combat. Nous dormions avec tout ce que nous possédions de récipients, bouilloires, casseroles et bassines, disposés aux points névralgiques et quand la pluie s'intensifiait, le martèlement des gouttes tombant dans tous ces récipients devenait une cacophonie si lancinante que nous n'arrivions pas à nous endormir ». (p.21)

La famille de Miri Yu s'efforce de masquer ses origines. Les prénoms sont japonisés. « Miri » c'est le « Hanbe » (grand-père) qui avait cherché des idéogrammes dont la prononciation soit identique en Corée et au Japon. « Saule », nom de famille se lit « Yu » en coréen et « Yanagi » en japonais.

Harcelée à l'école, livrée à elle-même chez elle, témoin de violences domestiques, Miri devient une enfant dure et perverse qui s'amuse à torturer des fourmis et jouit de les voir souffrir, qui ne s'émeut pas de la mort des bébés chatons dont les yeux ne sont pas encore ouverts, tués par son père (se référer à la citation correspondante).

Le berceau au bord de l'eau n'est pas qu'un nid de violence, c'est aussi un lieu de poésie où l'âme coréenne se réveille. Je n'ai pas le livre sous les yeux, juste quelques pages que j'ai photocopiées.

« Juste au milieu de l'arrière-jardin s'élevait un plaqueminier qui semblait délimiter les territoires des deux maisons. le long de l'étroit sentier menant à l'arrière-cour fleurissaient, rouges, roses ou blanches, des impatientes plantées par mon père. Dès qu'on les touchait, leurs capsules éclataient, pour projeter leurs graines au loin ». (p.21)

Miri Yu est une écrivaine sensible : elle décrit bien la violence intérieure générée par les traumas familiaux. C'est très cru mais il y a aussi de belles évocations sur les traditions coréennes. C'est un beau roman qui nous sert d'entrée dans l'âme coréenne.

Triste sort pour la brillante civilisation coréenne.

L'invention de l'imprimerie est faussement attribuée à Gutenberg :

« le Jikji est le plus ancien livre au monde, connu à ce jour, imprimé au moyen de caractères métalliques mobiles. Son impression en 1377 à Cheongju, dans l'actuelle République de Corée, est antérieure de 78 ans à celle de la Bible de Gutenberg ». (Extrait de la notice de la BNF).

Les japonais ont pillé le patrimoine culturel coréen.

Les coréens du Sud, maintenant sous l'emprise des Etats-Unis, s'efforcent de reprendre leur identité.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il m'arrivait ainsi, d'arracher la tête d'un criquet pour, de la main droite, la donner à dévorer à une mante religieuse qu'immobilisait ma main gauche. Ou bien de faire tenir à mon petit frère une autre mante religieuse afin d'organiser une petite séance de cannibalisme. Ce doit être la raison pour laquelle les mantes religieuses restaient toujours bien vigoureuses alors que les autres insectes mouraient d'inanition les uns après les autres. Déposant alors les petits corps à proximité d'une fourmilière, je restais jusqu'au coucher du soleil à contempler les efforts désordonnés des fourmis tirant les carcasses à hue et à dia pour les faire entrer dans leur trou. D'autres fois encore, courant prendre la loupe à la maison, je me divertissais à rôtir quelques fourmis que j'avais affaiblies en les écrasant légèrement du doigt. Il s'en élevait un mince filet de fumée accompagné d'une odeur de cheveu brûlé, puis je prenais beaucoup de plaisir à envoyer voler au loin ces petites carcasses de fourmis calcinées et allégées.

Je me souviens aussi d'un jour - c'était certainement l'été - où une chatte de gouttière avait mis bas en dessous de la véranda. Mon père, ayant repéré de petits miaulements, prit une lampe de poche et se leva. Il fit déguerpir la maman-chat de quelques coups de balai, attrapa les chatons dont les yeux n'étaient pas encore ouverts, les fourra dans un carton et disparut. Mon frère pleurait, moi je suivis subrepticement mon père et vis qu'il abandonnait les chatons dans le terrain aux herbes folles, devant la maison. Lorsque j'allai voir le carton le lendemain, les chatons étaient morts. Quelques jours plus tard, j'allai examiner une nouvelle fois le carton, probablement déformé et, ramolli par la pluie tombée la veille ; les corps des chatons qui en dépassaient grouillaient d’asticots. Je ne sais pourquoi, mais les cadavres d'insectes ou de chatons ne m'ont jamais fait un effet macabre, ils n'ont même jamais suscité en moi la moindre peur. (p.22-3)
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Ce que nous avions loué n’était en fait qu’une petite bâtisse sans étage, à vocation de remise, construite sur le terrain occupé par la maison du propriétaire.
Par un grand trou béant dans le mur de la salle d’eau entraient des limaces qui allaient se coller sur le petit bac à savon et de gros grillons aux longues pattes que l’on retrouvait inertes, flottant dans l’eau de la baignoire. Mais murs et plafonds étaient aussi criblés de trous dans les autres pièces et à chaque grosse averse c’était un véritable branle-bas de combat. Nous dormions avec tout ce que nous possédions de récipients, bouilloires, casseroles et bassines, disposés aux points névralgiques et quand la pluie s’intensifiait, le martèlement des gouttes tombant dans tous ces récipients devenait une cacophonie si lancinante que nous n’arrivions pas à nous endormir. (p.21)
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Genkainada : mer au nord-ouest de l’île de Kyüshu, parsemée de nombreuses îles posées comme des pierres de jardin permettant le passage entre le Japon et la Corée et se prolongeant à l’ouest par le détroit de Tsushima et le Chenal d’Iki ; redoutable l’hiver pour ses tempêtes et ses vagues furieuses. Clandestinement, légalement ou recrutés de force comme travailleurs, des millions de Coréens ont dût franchir cette mer dans le courant du XXème siècle pour venir chercher fortune au Japon. (note en bas de p.20)
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Juste au milieu de l'arrière-jardin s'élevait un plaqueminier qui semblait délimiter les territoires des deux maisons. Le long de l'étroit sentier menant à l'arrière-cour fleurissaient, rouges, roses ou blanches, des impatientes plantées par mon père. Dès qu'on les touchait, leurs capsules éclataient, pour projeter leurs graines au loin. (p.21)
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