J'ai eu l'honneur de préfacer la très belle pièce de
Françoise Longeard,
La fin de l'été, publiée aux Éditions Sans Nom, maison d'édition indépendante, implantée dans la région de Toulouse.
En place d'un nouveau commentaire qui risque d'être récidivant, je préfère vous livrer un extrait de cette préface, tout en vous incitant à découvrir la grâce de ce texte intimiste dans lequel se joue, à la lisière de l'élégie, un drame universel.
« À la lecture de certains textes, ce qui est immédiatement perceptible et retient l'attention c'est la voix de l'auteur. Nous y reconnaissons le propre de ce qui fait la singularité d'une langue, son style, sa musique, son vocabulaire, ses thèmes. Voilà ce que «
La fin de l'été », la pièce de
Françoise Longeard, inspire de prime abord. Cette voix, proprement incarnée à travers les deux personnages de la pièce, en l'occurrence deux soeurs, est l'unique ressort de ce théâtre de paroles qui, le temps d'un été, n'a de cesse de brasser les questions familières ayant trait à la vie, à l'existence humaine. Car ce dont il s'agit ici concerne un des marqueurs essentiels de la condition humaine : le deuil. La pièce commence à la mort du dernier parent et se déroule dans le sillage de cette mort. [...]
Il y a de toute évidence une grâce mélancolique du texte qui serre le coeur à chaque tableau. Ceux-ci, au nombre de six, nous apparaissent nettement comme des mouvements lancinants de répétition-variation au cours desquels les deux soeurs, Luce et Jill, font le tri. [...]
Le tri posthume est propre à révéler à ces deux orphelines ce que sera le monde d'après. Un monde où la cabane représente un bastion aussi bien d'autonomie que de dépendance persistante envers l'épopée familiale. Car la cabane, faite de bric et de broc, s'avère comme un mélange de révolte et d'espièglerie enfantine, à mi-chemin du dedans et du dehors, du proche et du lointain, de soi-même et d'autrui, comme un entre-deux primitif infrangible, différant inlassablement l'épreuve du renoncement et l'éternelle question du départ et du dépassement.
De l'alternance de la double énonciation qui se chevauche et s'entrecroise, l'impression donnée est celle de la balançoire : un bercement doux et sans fin de l'une à l'autre, à la manière des gestes consolateurs, qui donne ce rythme si particulier au texte, accordé à l'élégie. Ce bercement, oeuvré comme une alternative, est au coeur du dispositif narratif : habiter le monde, encore. Oui, mais comment ?... dans le ventre de la cabane ou le plus loin possible du portail de la maison ? »