AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Confessions d'un masque (165)

J'observais le jeune homme avec une attention insolite de la part d'un enfant de quatre ans. Bien que je ne m'en rendisse pas clairement compte à l'époque, il représentait à mes yeux la révélation d'un certain pouvoir, le premier appel que me lançait une voix étrange et secrète. Il est significatif que ceci se soit d'abord manifesté à moi sous la forme d'un vidangeur: l'excrément est un symbole de la terre et c'était sans doute l'amour malveillant de la Terre Nourricière qui m'appelait.
Commenter  J’apprécie          20
La véritable douleur n'est ressentie que graduellement.

(p.214)
Commenter  J’apprécie          20
Je commençai par tourner une page vers la fin du volume. Soudain apparut, à l’angle de la page suivante, une image dont je ne pus m’empêcher de croire qu’elle était là pour moi, à m’attendre.

C’était une reproduction du Saint Sébastien de Guido Reni, qui fait partie des collections du Palazzo Rosso, à Gênes.

Le tronc noir et légèrement oblique de l’arbre servant de poteau d’exécution se détachait sur un fond de forêt sombre et de ciel crépusculaire, ténébreux et lointain, dans le style de Titien. Un jeune homme d’une beauté remarquable était attaché nu au tronc d’arbre. Ses mains croisées étaient levées très haut et les courroies qui lui liaient les poignets étaient fixées à l’arbre. Aucun autre lien n’était visible et le seul vêtement qui couvrît la nudité du jeune homme était une grossière étoffe blanche nouée lâchement autour des reins.

Je crus deviner que le tableau représentait le martyre d’un chrétien. Mais comme il était l’œuvre d’un peintre épris de beauté, appartenant à l’école éclectique issue de la Renaissance, même cette image de la mort d’un saint chrétien dégageait une forte odeur de paganisme. Le corps du jeune homme – on aurait pu le comparer à celui d’Antinoüs, le bien-aimé d’Hadrien, dont la beauté a été si souvent immortalisée par la sculpture – ne montre aucune trace des épreuves du missionnaire ou de la décrépitude qu’on trouve dans les représentations d’autres saints ; au contraire, il n’y a là rien d’autre que le printemps de la jeunesse, rien que lumière, beauté et plaisir.

Son incomparable nudité blanche rayonne sur un fond de crépuscule. Ses bras musclés, les bras d’un garde prétorien accoutumé à bander l’arc et à manier l’épée, sont levés selon un angle gracieux et ses poignets liés sont croisés juste au-dessus de sa tête. Son visage est légèrement tourné vers le ciel et ses yeux grands ouverts contemplent avec une profonde sérénité la gloire céleste. Ce n’est pas la souffrance qui erre sur sa poitrine tendue, son ventre rigide, ses hanches légèrement torses, mais une lueur d’un mélancolique plaisir, pareil à la musique. N’étaient les flèches aux traits profondément enfoncés dans son aisselle gauche et son côté droit, il ressemblerait plutôt à un athlète romain se reposant, appuyé contre un arbre sombre, dans un jardin.

Les flèches ont mordu dans la jeune chair ferme et parfumée et vont consumer son corps au plus profond, par les flammes de la souffrance et de l’extase suprêmes. Mais il n’y a ni sang répandu, ni même cette multitude de flèches qu’on voit sur d’autres représentations du martyre de saint Sébastien. Deux flèches seulement projettent leur ombre tranquille et gracieuse sur la douceur de sa peau, comme l’ombre d’un arbuste tombant sur un escalier de marbre.

Mais c’est plus tard que toutes ces interprétations et ces observations me vinrent à l’esprit.

Ce jour-là, à l’instant même où je jetai les yeux sur cette image, tout mon être se mit à trembler d’une joie païenne. Mon sang bouillonnait, mes reins se gonflaient comme sous l’effet de la colère. La partie monstrueuse de ma personne qui était prête à éclater attendait que j’en fisse usage, avec une ardeur jusqu’alors inconnue, me reprochant mon ignorance, haletante d’indignation. Mes mains, tout à fait inconsciemment, commencèrent un geste qu’on ne leur avait jamais enseigné. Je sentis un je ne sais quoi secret et radieux bondir rapidement à l’attaque, venu d’au-dedans de moi. Soudain la chose jaillit, apportant un enivrement aveuglant.

Un moment s’écoula, puis, en proie à des sentiments de profonde tristesse, je portai mes regards autour du pupitre devant lequel j’étais assis. Un érable, en face de la fenêtre, jetait alentour un reflet brillant – sur la bouteille d’encre, sur mes livres de classe et mes cahiers, sur le dictionnaire et sur l’image de saint Sébastien. Il y avait un peu partout des taches d’un blanc de nuage – sur le titre imprimé en lettres d’or d’un manuel, sur le flanc de la bouteille d’encre, sur un angle du dictionnaire. Certains objets laissaient échapper des gouttes molles, comme du plomb, d’autres luisaient d’un reflet terne, comme les yeux d’un poisson mort. Par bonheur, un mouvement réflexe de ma main pour protéger l’image avait empêché que le livre ne fût souillé.

Ce fut ma première éjaculation. Ce fut aussi le début, maladroit et nullement prémédité, de mes « mauvaises habitudes ».
Commenter  J’apprécie          20
J’avais entendu dire que les membres de la race d’hommes appelés poètes étaient invariablement rejetés par les femmes.
Commenter  J’apprécie          20
Il faisait preuve d'une étrange habilité pour décorer sa perversité du beau nom de révolte.
Commenter  J’apprécie          20

Sonoko était maintenant dans mes bras. Respirant très vite, elle devint rouge comme le feu et ferma les yeux. Ses lèvres étaient d'une beauté enfantine. Mais elle n'éveillaient aucun désir. Pourtant je ne cessais d'espérer qu'il se produirait, quelque chose au-dedans de moi d'un moment à l'autre - sûrement quand je l'embrasserai, alors sûrement je découvrirai ma "normalité", mon amour véritable.
Commenter  J’apprécie          20
Les adultes ne peuvent supporter les jeux monotones qui font les délices des enfants.
Commenter  J’apprécie          20
J'ignorais qu'aimer c'est à la fois rechercher et être recherché.
Commenter  J’apprécie          20
Dans une relation réciproque, telle que l'amour, chaque partenaire doit donner exactement ce qu'il exige de l'autre.
Commenter  J’apprécie          20
Et je savais que, loin de désirer la mort, la seule chose qui m'avait permis d'envisager la vie militaire, c'était la ferme conviction - née d'une foi dans l'art primitif de la magie, commune à tous les hommes - que moi seul ne pouvais jamais mourir.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (2089) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Mishima

    Quel est le vrai nom de Yukio Mishima ?

    Yukio Mishima évidement !
    Kenji Matsuda
    Kimitake Hiraoka
    Yasunari Kawabata

    15 questions
    95 lecteurs ont répondu
    Thème : Yukio MishimaCréer un quiz sur ce livre

    {* *}