Citations sur Dictionnaire des Yôkai (17)
Quand il se met à pleuvoir alors que le ciel est encore bleu, on dit que ce sont les renards qui font la noce. Quand on voit des lumières alignées la nuit dans la campagne on dit aussi que les renards s’en vont faire la noce.
Une vie humaine moyenne de soixante-dix ans est bien trop courte pour étudier les yôkai en profondeur. Il faudrait au moins trois cents ans pour réussir à comprendre le début du commencement. Mais on naît, on va à l'école pendant dix ou quinze ans, puis on se tue au travail pour gagner son pain. Voilà de quoi est faite la vie de la plupart des gens. Le quotidien occupe toute la place, et même si on d'intéresse aux yôkai, on ne peut pas approfondir comme on veut notre connaissance les concernant. Il faut appendre un métier, élever ses enfants, les envoyer à l'université... On ne peut pas non plus rester sans toit... Il faut faire ça et ça, et très vite l'énergie de soixante-dix ans de vie est entièrement mobilisée à "vivre" seulement.
En fait, beaucoup de gens perçoivent les yôkai pendant leur enfance, quand ils ont relativement le temps. Mais ça en reste là et ils ne pensent plus sérieusement à ces choses quand ils sont grands. Plus précisément, ils n'ont plus le temps. Kumagusu Minakata a dit : "En somme, il faut être pur. Un cœur occupé par l'argent ou la célébrité ne peut rencontrer les fantômes ou les yôkai. C'est en regardant le monde avec un cœur aussi limpide que ce ciel parsemé d'étoiles qu'ont voir quantité d'êtres étranges. Les humains ont ce potentiel."
p.399.
Quand quelqu’un croit que les blaireaux et les renards se métamorphosent, on se moque de lui, sans chercher plus loin. Évidemment, ce n’est pas comme ça qu’on arrivera à comprendre quoi que ce soit.
p.44.
Il existe de nombreuses légendes de tengu, kappa, blaireau ou renard qui initient les humains à ce qu’ils méconnaissent. En réfléchissant, même les chiens et les chats, immobiles et silencieux, ont parfois l’air d’en savoir plus que nous sur les secrets de la vie. Souvent, quand je vois un vieil arbre de forme bizarre au fond d’une montagne, je me demande s’il ne se métamorphose pas la nuit. C’est sans doute ce genre de sentiment qui crée les légendes avec des arbres ou des blaireaux.
p.226.
KOKURI BABÂ
Un jour, un bonze qui avait perdu son chemin frappa à la porte de ce temple. La vieille sortit et lui dit :
- J’ai commis tant de crimes que je ne peux même plus mourir en paix.
- Non, lui répondit le bonze, si vous êtes consciente de votre péché, vous avez encore la possibilité de trouver la paix de la mort. Racontez-moi ça.
- Je profane les tombes du temple et me nourris des cadavres. Depuis que j’y ai goûté, je ne peux me passer de cette saveur.
- C’est donc toi la fameuse Kokuri Babâ !
- Exactement.
Elle n’eut plus tôt répondu qu’elle étrangla le bonze et le dévora. Voilà pourquoi elle reste toujours dans ce monde, car le monde des morts ne veut pas d’elle. Depuis, on appelle Kokuri Babâ une vieille femme d’apparence horrible comme un yôkai.
p.71.
On dit qu’aucun signe d’une autre dimension ne peut nous parvenir. Mais ce genre d’apparitions sont peut-être des signaux d’un autre monde déguisés sous l’apparence du hasard. Nous, les vivants, trop préoccupés à manger, avons tendance à n’négliger l’interprétation de ces signes.
p.26.
Se mettre du noir sous les yeux est peut-être apprécié pour une star de cinéma, mais si on exagère, on se transforme carrément en Aonyôbo. Comme quoi, ce yôkai poursuit toujours sa carrière de nos jours.
p.328.
Et n’oublions pas Okuriôkami, le « loup qui accompagne ». De nos jours, l’expression désigne un homme qui abuse d’une femme en faisant semblant de l’accompagner par courtoisie.
p.297.
Aujourd’hui, les terrains marécageux sont remblayés, ce climat de mystère a disparu. Ce n’est que quand l’aspect de la nature porte au respect que les hommes la respectent. Quand la nature est détruite, comment voulez-vous sentir qu’une âme l’habite ?
p.215.
Une fois, j’ai été convié à une « réunion spirite ». Le maître déclara :
- Les arbres, les vers aussi ont un esprit qui erre après leur mort avec les esprits humains. Ça en fait une quantité incalculable.
Alors j’ai posé une question :
- Mais alors, maître, est-ce que tous ces esprits, y compris ceux de nos ancêtres, nous surveillent même quand on dort ou qu’on fait quelque chose en secret ?
- Tout à fait.
Et selon lui, certaines personnes peuvent voir ces esprits.