Cette bande dessinée m'a bien plu. Très bien documentée, elle témoigne du gâchis qu'a été le mariage entre Louis VII et Aliénor d'Aquitaine. D'un côté une soumission permanente confinant au délire pour un Louis amoureux mais à l'opposé de l'idéal masculin de sa femme et une Aliénor, hautaine, plus disposée à manipuler et à mépriser son époux qu'à le comprendre. Au final un couple mal assorti qui a conduit le Royaume dans une succession d'erreurs, d'humiliations et de désastres. Entre autres, la guerre insensée contre la Champagne, l'incendie de l'église de Vitry et le massacre d'innocents – épisode sur lequel s'ouvre et se ferme ce 1er volume – et la calamiteuse deuxième croisade avec l'assaut contre Damas, seul allié des Francs du Royaume Latin de Jérusalem. Un mariage qui a uni deux êtres qui se vont se tirer mutuellement vers le bas et qui ne se relèveront et se révéleront qu'une fois séparés.
Aliénor deviendra ce personnage de légende, honoré par moultes biographes, reine et bâtisseuse au côté d'Henri II de l'empire Plantagenêt. Louis reviendra à sa véritable nature : la simplicité et, roi aimé de ses sujets, instaurera la politique que reprendront les grands rois capétiens et dont la philosophie peut se résumer ainsi : s'appuyer sur le peuple et les légistes plutôt que sur les grands feudataires, privilégier la diplomatie aux prouesses sur les champs de bataille.
Dans ce 1er tome, le lecteur pourra estimer excessive, voire caricaturale la description du couple royal, avec Louis, immature et sans volonté, véritable marionnette dont une Aliénor orgueilleuse, autoritaire et capricieuse tire les ficelles. Et pourtant, pour qui connait l'histoire de cette époque, la psychologie des personnages est bien restituée (cf « le Roi disait que j'étais le diable » de
Clara Dupont-Monod). de plus, il ne faut pas oublier leur âge – tous deux sortent de l'adolescence - et leurs parcours respectifs - Aliénor est la fille ainée, issue de la prestigieuse lignée des Ducs d'Aquitaine, habituée à commander, Louis, né après Philippe, n'était pas appelé à régner mais se destinait aux ordres. La mort accidentelle de Philippe le mena au trône de France alors qu'il n'y était pas préparé.
Tout cela est donc bien rendu, avec un graphisme soigné mettant en valeur les personnages (Suger, La Reine Adélaïde) et leurs sentiments.
Entorses à la vérité historique, le personnage, fictif, de Vincent et le rôle joué par le trouvère Marcabru apportent une touche supplémentaire à une intrigue déjà riche.
Seul bémol le titre, racoleur (et injustifié) de cette collection.