Citations sur La Chair (57)
Au début, elle était résolue à ne plus jamais le revoir. Mais, à mesure que les jours passaient, une sorte de trou avait grandi à l'intérieur d'elle, une sensation de faim ou d'asphyxie, la certitude désolante d'être incomplète. Avec le temps, la folie de l'amour, du désir d'amour, avait commencé à s'allumer dans sa tête. (p. 57)
Eh bien, parce que dans mes biographies je fais la même chose qu'avec les personnages de mes romans. Tu te mets dedans, tu sais. Tu vis à l'intérieur de ces vies. Nous avons tous en nous toutes les possibilités de l'être humain (...)
Tu t'imagines alors à l'intérieur de cette autre existence, tu te laisses porter par elle, tu laisses le personnage te raconter son histoire, t'envelopper dedans. (p. 146)
A cette mauvaise femme [leur mère]. Il fallait être méchante pour les appeler Soledad et Dolores. Et le pire, c'est qu'elles avaient toutes les deux obéi à la terrible injonction de leur prénom. Elle, toujours si seule. Et Dolores, plongée dans la douleur psychique, qui est la plus cruelle de toutes. (p. 80)
Mais cette obsession mortelle était-elle vraiment de l'amour ? Tous les amours étaient-ils obsessionnels ? Ou peut-être les obsessions se déguisaient- elles en apparence d'amour pour avoir l'air de quelque chose de plus beau qu'un simple déséquilibre mental ? (p. 16)
La vie est un petit espace de lumière entre deux nostalgies : celle de ce que vous n'avez pas encore vécu et celle de ce que vous n'allez plus pouvoir vivre.
Toute la société allait par deux; les gens normaux ne s'en rendaient pas compte, mais aux spectacles, dans les restaurants, dans les lieux de vacances et chaque jour férié, le monde se remplissait de couples. Tout le monde était deux, plus ou moins beaux ou laids, plus ou moins vieux ou jeunes, hétérosexuels ou homosexuels, avec ou sans enfants, atrocement ensemble de tous les côtés. Alors que Soledad, faisant honneur à son prénom, était toujours seule. Il est vrai qu'elle s'appelait Alegre [joyeuse]: quelle aberration.
"Dieu , avant de détruire ses victimes, les rend folles ."
EURIPiDE.
Tu t’imagines alors à l’intérieur de cette autre existence, tu te laisses porter par elle, tu laisses le personnage te raconter son histoire, t’envelopper dedans… C’est comme surfer, tu sais. Comme grimper sur le dos d’une vague puissante et éclaboussée d’écume et la laisser t’emporter et te conduire jusqu’à la plage, pérora pseudo-poétiquement la romancière.
- Tu fais du surf ?
_ Non !
- Mais alors comment peux-tu savoir pour la vague et l’écume et tout ça ? se désespéra Soledad, incapable de contenir son irritation.
Montero éclata de rire avec une joie sincère et ses yeux pétillèrent :
- Ça aussi, je l’imagine.
(...) Pablo a été mon premier amour et je crois que j'ai reporté sur lui des besoins démesurés, maintenant je le comprends et j'en suis vraiment désolée. (...)
Elle savait que son besoin d'amour n'avait pas de fin, que sa capacité d'affection était insondable et que cette carence lui causait une douleur si aiguë qu'elle pouvait en perdre la raison. (p. 162-163)
Qu'est-ce qui était le pire, que l'on ne vous ait jamais aimé ou bien que l'on ne vous aime plus?