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Toujours dans ce volume, comme dans les trois premiers, l'excellente écriture d'Henry de Montherlant.

Quant au fond.... Costals suit son chemin de don Juan un peu décati, pusillanime et froussard, enivré de lui-même. Il décide de se marier, puis rompt ses fiançailles avec Solange Dandillot. On finit par avoir une certaine estime pour madame Dandillot mère, bien patiente, vraiment, et pas procédurière pour deux sous...

Notre héros, à force de fréquenter les petites femmes de Paris ou de Marrakech, manque d'attraper la lèpre. Malheureusement, il en réchappe. Mais la lectrice et surtout le lecteur en tirent la conclusion : attention, les femmes c'est la lèpre du monde civilisé, et en plus c'est contagieux.

L'avait qu'à pas y'aller.

Le remède à tout ceci est simple et je suis sûre que Montherlant, comme les armées grecques et romaines, y avait bien réfléchi : pour conserver sa virilité au vrai mâle, seules les amours masculines conviennent. La femme, esclave par nature, déteint trop.

Le talon d'Achille de Costals n'est autre en définitive que son hétérosexualité intrinsèque.

La fin de l'oeuvre nous fait découvrir dans un appendice empli de fiel quelques écrits de Costals sur les femmes, que Montherlant met obligeamment à notre disposition. Et voici que la face obscure du personnage se révèle à nos yeux : nous le pensions gentiment névrosé et pervers. La réalité est plus cruelle : Costals est un forcené de la haine, Costals est en proie au délire. Son mépris affiché pour "le sexe" (comme on disait à l'époque, comme si seules les femmes en avaient un) par notre écrivaillon mondain, n'était qu'un voile pudique jeté sur la fosse septique de son âme. A tel point que si on remplaçait le mot "femme" par le mot "juif", on aurait affaire à un pamphlet antisémite de la pire espèce : il y a dans ce texte hystérique des outrances qui rappellent celles de Céline, mais heureusement Montherlant s'arrête avant l'appel au meurtre (encore que Costals ayant accepté d'épouser Solange avait décidé de l'assassiner lorsqu'il en serait las, le divorce étant impossible à l'époque sans l'assentiment du conjoint).

Je me suis donc amusée à ajouter entre parenthèse le mot juif au mot femme dans les exemples qui vont suivre, afin de montrer la similitude des deux "racismes". Nous savons que Montherlant était antisémite. Jusqu'à quel point était-il misogyne et l'auteur prête-t-il ses propres opinions à un personnage qu'il ridiculise souvent par ailleurs ? C'est l'éternel débat de la distance entre l'auteur et son oeuvre, mais on peut déduire sans risque d'erreur qu'il était un homme bien ancré dans son époque. Pour autant, la parution de ce roman provoqua un scandale à sa sortie, en 1939.

Voici :

"Longtemps, dans une situation sociale anémiée, la femme (le juif) a sauté avec transport sur la doctrine que la douleur est une promotion ou un profit " ;

"Le besoin, presque inné en toute femme (juif) de se contrefaire (les forts ne mentent pas, ou guère). (...) " Et toutes les races, serviles par nature, ou asservies, mentent".

"Cette infériorité morale de la femme (du juif), dont nous avons noté quelques traits, qui se double d'un nombre considérable d'infériorités physiologiques (dans un livre de médecine que j'ai sous les yeux, la sèche énumération de ces infirmités physiologiques occupe dix lignes, la femme (le juif) en a conscience."

And so on...

Il n'est certes pas difficile de fabriquer des pamphlets racistes, dans la plupart d'entre eux les mots "juifs", "femmes", "nègres" sont interchangeables. D'une pierre trois coups.

Pour finir, une expression en ce moment à la mode m'a sauté aux yeux, une expression dont à vrai dire je ne sais trop ce qu'elle signifie : "Un peuple féminin comme la France (...)", commence Costals dans une de ses envolées.

Tiens tiens, notre sémillant et omniprésent amuseur populaire, celui dont le regard halluciné reflète déjà les feux de Bengale de l'anticipation du pouvoir, aurait-il Montherlant comme livre de chevet ?

Selon les propos du petit monsieur "vénère" de nos écrans, l'homme serait un guerrier et l'influence que les femmes auraient sur lui et l'ensemble du corps social serait par trop émolliente : une société doit être guerrière ou entrer en décadence.

Ce livre est un petit trésor de réflexion pour les études de genre, comme la psychologie des tueurs en série l'est pour l'étude des pulsions humaines dites "normales" : les traits y sont grossis comme au microscope, on peut les étudier commodément.
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«Les Lépreuses» est le quatrième et dernier volume de la série des «Jeunes Filles» et je dois avouer que j'ai fermé le livre en étant partagée et perplexe, ne sachant pas trop quoi en penser ou plus exactement avec des sentiments contradictoires.

Depuis le début, Montherlant nous brosse un personnage principal relativement antipathique. Nous suivons en effet Pierre Costals, écrivain aux moeurs libertines, qui éprouve un rejet farouche envers le mariage. Soyons honnête, des femmes, il aime surtout le désir, le plaisir et la jouissance qu'elles lui procurent. Pas vraiment de sentiments, mais à sa décharge, il est clair avec ça et ne leur fait donc jamais de fausses promesses. Il n'y a que sa pitié pour certaines qui lui apporte au final des ennuis. L'auteur nous dévoile donc dans ce dernier tome l'issue, somme toute assez logique, des diverses relations féminines qu'on l'a vu suivre (Andrée et Solange).

Je pensais donc avoir à peu près cerné ce personnage solitaire qui a décidé de consacrer son temps exclusivement à son oeuvre et à son fils, et ne pouvait donc pas perdre son temps avec les exigences d'une femme, et à fortiori celles du mariage. On peut ne pas être d'accord, mais c'est un choix personnel qui s'entend et se respecte.

Mais là où l'auteur fait mal, c'est dans le petit appendice tout à la fin du livre. On y découvre un Costals qui définit la femme comme un être inférieur et méprisable, voire nuisible. J'ai été choquée car je n'avais pas ressenti aussi violemment cette misogynie. Je comprends mieux la subtilité du titre à présent.

Comme j'ai regretté d'avoir lu cet appendice ! Dans un premier temps, je n'ai pas vu l'intérêt de l'auteur à le mettre, sinon provoquer et surprendre le lecteur. Ensuite, je me suis interrogée sur ma naïveté. Après tout, je n'ai peut-être pas voulu voir cet aspect haineux auparavant car je n'aime pas détester les personnages principaux des livres que je lis. Il y a certainement un peu de ça, mais pas que. Non, l'auteur veut vraiment qu'on le déteste. Il ne veut pas que son héros nous apparaisse sympathique. Mission accomplie.

J'ai découvert un auteur de talent avec une écriture fluide et agréable, mais également riche et soignée. Cultivé, il sait utiliser et détourner les mots, les phrases et autres citations, et ainsi les mettre à profit pour nous transmettre sa vision perçante et souvent juste sur les hommes et les femmes.
Dans cette série, Montherlant est cruel envers les femmes, c'est clair, mais l'est également envers ceux de son sexe. Il dénonce aussi le mariage avec l'hypocrisie qui l'entoure (concessions familiales et paraître) ainsi que l'étouffement qu'il génère (obstacle à la réalisation de soi-même et de ses objectifs personnels). On pourrait en dire bien d'autres choses encore, mais je tenais surtout à exprimer mon ressenti dans ce billet.

Merci à jeeves_wilt pour cette recommandation et surtout pour son précieux accompagnement au fil de ces lectures, nos échanges m'ayant permis de mieux appréhender l'univers d'Henry de Montherlant.
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Dans ce quatrième et dernier volume, Costals va-t-il épouser Solange ? En goujat qui se respecte, Costals cumule les avanies, les insolences et les petites trahisons auprès de sa donzelle, laquelle, naguère si naïve, apprend la séduction et la manipulation pour se faire épouser.

La mère, en connaisseuse du genre hippogriffal, va à la rencontre de l'écrivain et négocie : ma fille, voyez-vous, vous sera d'une aide indispensable ! Par exemple, elle entretiendra la maison et tapera vos textes à la machine…

Montherlant montre du doigt : voilà comment le mariage devient un outil d'intégration sociale, au détriment des sentiments amoureux. À force de s'obstiner, Solange en fait une fixation dénuée de sens. Mais sans cesse prise et rejetée par Costals comme une poupée, elle dépérit.

De son côté Costals, habile jongleur des sentiments et des femmes, cumule les aventures, souvent risquées, avec d'autres femmes. À trente-cinq ans, il vit intensément, frénétiquement, et sent une menace sourdre. C'est l'heure de faire des comptes, et pour Costals, ils sont vite faits : la littérature prime sur tout le reste ; s'il avait juste le temps d'achever la suite logique de son oeuvre, il serait heureux. On filtre, à travers Costals, l'inquiétude De Montherlant qui, au faîte de son oeuvre, se voit dépassé par la postérité. En homme inquiet, plus grave qu'à l'accoutumée, Costals se consacre à son journal intime – diversifiant encore le mode de narration. En quatre volumes, son portrait est remarquablement fouillé ; sa personnalité changeante et complexe ressort avec vivacité bien après avoir refermé le livre.

C'est ici que Montherlant, toujours prompt à s'immiscer dans les actions et les mensonges de ses personnages, jette tout ce qu'il a à dire des hommes et des femmes. Au résultat, aucun des deux n'échappe à son oeil connaisseur.

Sûr de son talent, il s'amuse, il taquine : quel écrivain barbant aurait pu consacrer une oeuvre sur les jeunes filles et leurs relations sans ennuyer le lecteur ? Montherlant l'a fait, et avec brio. Au détour, il règle quelques détails avec ses détracteurs : le roman est-il un genre périmé ?

Si la vision du couple est négative, l'autre apparaissant comme une entrave à l'épanouissement, elle comporte certaines vérités sur le « chimérisme féminin ». Montherlant l'oublié, la victime d'une injustice littéraire, dissèque les comportements sociaux, les préjugés, les goûts, le rapport à l'autre sexe, à la famille, à l'amour. Des succédanés se font passer pour des dépeceurs de moeurs, mais lui, il n'a pas d'égal.

La critique et les citations sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/les-lepreuses-4-4-henry-de-montherlant-a80136600
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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le dernier volet des quatre de Montherland: toujours les memes points forts à savoir le style, l'intrigue bien ficelée et le rythme constant et cette vision assez negative de l'auteur sur les femmes en général constante dans son oeuvre globale: un livre bien monté, agréable à lire bref une bonne lecture !
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Évacuées les fiançailles avec l'inerte Solange Dandillot, le coup passant si près pourtant, Costals s'en est allé courir la moukère quelque part dans l'Atlas. Revenu de sa bordée avec une macule sur l'épiderme, et sachant que l'hétaïre était porteuse de la lèpre à un stade certes pas rédhibitoire pour le rapprochement des corps, l'écrivain est persuadé d'être atteint de la maladie de Hansen. Autre calamité, comparable dans ces manifestations repoussantes et horrifiantes, la dénommée Andrée Hacquebaut, continue son pourchas par lettres interposées, monceaux d'élucubrations, sur Costals. de guerre lasse, non content de ne pas y répondre, l'objet de ses assiduités n'ouvre plus lesdites missives, les reléguant dans une boîte à chaussure ad hoc.

C'est par les Lépreuses que s'achève la tétralogie des Jeunes filles. C'est à l'évidence le mémorial littéraire à la phallocratie. Si cela vous avait, dans les deux premiers opus, un petit air gaillard d'impertinence et de goujaterie pas antipathique, le dernier volet théorise presque le principe de la misogynie, de manière totalement assumée. Même pour un lecteur bien pourvu et non suspect de féminisme, passer le petit côté transgressif et ravigorant du début, c'est un peu fort de café.
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Mais quel affreux personnage ce Costals (Montherlant lui-même ???), qui se joue des femmes, les déteste, du moins en apparence, mais ne peut s'en passer !
Tellement lucide aussi et honnête vis à vis de lui-même, d'un égoïsme monstrueux, certes, impitoyable vis-à-vis des femmes à tel point que l'on se demande s'il s'agit de provocation délibérée de la part de l'auteur. Notamment avec l'appendice (des réflexions épouvantables de misogynie) qu'il a jugé utile d'insérer à la fin du roman. Un roman qui serait à mettre à l'Index pour les intégristes féministes, s'il était encore lu. Et ce serait fort dommage, vu la qualité et l'élégance de l'écriture, l'analyse poussée des sentiments des personnages, l'humour noir, la description de cette société des années 30, et après tout des hommes tels que Costals existent, pourquoi ne pas ne parler ?
La lecture du cycle des Jeunes Filles a été pour moi un pur régal et une découverte.
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L'écriture de l'intériorité humaine, un baromètre de l'âme d'un perfide, d'un homme dur qui laisse derrière lui des héroïdes, mais pas impunément, au prix de sa vie. Montherlant fait de Costals l'homme que nous sommes tous, même en étant femme et parvient à nous décocher une petite flèche pour cet homme profondément malade de désir. S'il n'a pas la lèpre, ce sont ses lèvres, irrémédiablement malade des femmes qui le condamne à l'angoisse, et, quant à nous, nous en tirons une belle leçon quant à la vertu, non pas chrétienne, mais la valeur d'autrui. Ce Don Juan moderne échappe de peu à ce que nous aurions aimé comme mal pour lui, et ainsi, nous-mêmes nous sommes des Costals, insensibles à la douleur du personnage, à celle des femmes teintées de pathétique, et comme lui, on fermerait la page et classerait sans ouvrir l'aveu (très bref) de faiblesse de Costals.
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J'écris cette critique directement après la lecture des 4 tomes des jeunes filles, et cet avis concerne les 4 tomes.
Ce livre m'a immensément partagée : dans la globalité, j'ai beaucoup aimé le style d'écriture, la richesse de certains caractères et apprécié une lecture plutôt agréable dans la moyenne. Au bout de 4 tomes, il est cependant vrai que cela devient redondant selon moi : se limiter à 3 tomes n'aurait pas fait de mal.
Dans ces conditions, ma note aurait dû être plus élevée et j'aurais dû conseiller cette lecture. Pourquoi ne le fais-je pas ?
Tout simplement à cause de la misogynie inhérente à ces récits. Si pour le tome 1 et 2, je m'étais évertuée à penser que ce dégoût prononcé de la femme était simplement un trait de caractère de Costals, il en devient tout autre dès le tome 3, et ma lecture en est devenue profondément désagréable. Parfois cela frisait le grotesque, et j'ai même ris avec cette comparaison : les femmes seraient comme les vaches(femelles) qui se montent dessus bêtement, dans le simple but d'imiter les taureaux (les mâles..).
Bien que j'aie fait mon possible pour ne pas trop laisser déteindre mon avis sur l'auteur sur mon avis sur l'oeuvre, il n'en demeure pas moins que la fin de ma lecture des 4 tomes me laisse un goût amer, accentué par ma lassitude d'un récit qui s'éternise à la fin.
Je sais que ce livre a été écrit à une époque différente, et que vu les nombreuses citations, de nombreux hommes écrivains ou penseurs jugeaient aussi âprement la femme. Malheureusement, cette haine clairement avouée, presque avec de la fierté de choquer car sûr d'avoir raison, m'a quelque peu dégoutée.
Avis donc pour le moins mitigé.
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