AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Nouvelles complètes, tome 2 (7)

"On n'écrit pas les livres qu'on veut", disait un homme de lettres. Faut-il admettre qu'on ne lit pas non plus n'importe quel livre ? Certains ouvrages paraissent choisir leurs lecteurs ; ils ont une façon sournoise ou entêtée, exigeante et parfois proprement démoniaque, d'être toujours là, dans les catalogues, en vue sur les tablettes, bien à la hauteur du regard, ou sous vos doigts, ou sur le couvre-lit, ou dans la valise ; ils déménagent tout seuls et manoeuvrent, semble-t-il, sous vos yeux, à travers les classements, sans qu'il soit possible de surveiller leurs glissements, de surprendre leurs manigances ; ils ne vous laissent tranquilles qu'après vous avoir forcé la main ; ils paraissent vous faire sommation, avertissement et contrainte. Résiste-t-on, ils insistent : autant s'avouer tout de suite perdant. On les prend pour avoir la paix.
La fatalité de mademoiselle de Briséchalas voulait justement qu'elle se laissât toujours séduire : elle était l'éternelle victime de ce tyran : le livre qui veut être lu. (p. 831)

Le Prisonnier de Cintra - À la Fleur d'Oranger.
Commenter  J’apprécie          148
Dès l'antichambre, cette mère redoutée déjà les glaçait en effigie, sur socle de velours cramoisi, en buste de marbre de Carrare par Saint-Gaudens (ce Saint-Saëns de la sculpture américaine) ; au premier palier, elle encore, gainée de satin argent, peinte en pied par Sargent (souliers de satin assortis à la robe), et dans le petit salon immortalisée par Bouguereau, tous bijoux au vent, la tiare de diamants posée droit sur une frange en faux cheveux, le bras, hors de la cape de chinchilla, appuyé au rebord de sa loge du Metropolitan ; sur un guéridon, le Ladies Home Journal étalait en hors texte la pointe sèche d'Helleu qui la représentait immensément chapeautée par Heitz Boyer.
En chair et en os, enfin, devant la cheminée d'onyx Mrs. Ferrymore attendait ses enfants, suspendue par un fil à plomb invisible, droite comme un té, droite toujours sur sa chaise, droite dans son lit, droite même au galop, ne penchant jamais, si peu que ce fût, à gauche, les boutons du corsage de l'amazone rigoureusement en face de la crinière.
Jeremiah s'inclina devant sa mère. (p. 711)

Fin de siècle - La Présidente.
Commenter  J’apprécie          140
Tincé avait pris pleine conscience de lui-même. Il traçait de longues perspectives dans son avenir. Une étonnante joie de vivre lui faisait trouver la journée courte. Cet effondrement d'une société dont il apercevait à ses pieds les décombres, pour l'instant il ne voulait en dégager d'autre leçon que la fuite. L'Europe, pour lui, ce n'était plus l'Ancien Monde, c'était déja l'autre monde, la Révolution, une première attaque d'apoplexie. On changerait les régimes, les médecins, mais on ne changerait pas l'âme du malade ; les régales, privilèges, fermes, tailles, bénéfices, s'appeleraient désormais taxes, droits, perceptions, contributions ou reprises du Trésor, mais ce serait la même évolution du même cancer, dont mourrait l'homme européen. "L'Europe a trop vécu, trop joué, trop blasphémé, trop expliqué, trop profané, se disait-il ; un coeur ferme doit prendre ses sûretés ailleurs." (p. 576 - 577)

Parfaite de Saligny
Commenter  J’apprécie          110
Le duc n'aimait pas les anniversaires, parce que chacun d'eux le rapprochait de la mort. Non qu'il goutât la vie - il la détestait comme il détestait presque tout -, non qu'il craignît la déchéance - il y baignait depuis longtemps sans s'en apercevoir -, mais l'idée de laisser derrière soi, et surtout parmi ses proches, d'inévitables héritiers, lui faisait horreur.
"C'est épouvantable, dit-il un jour, il va falloir que je donne tout !" (p. 763)

Fin de siècle - Feu Monsieur le Duc.
Commenter  J’apprécie          101
Léal avait senti chez Gardefort, son aîné de près de trente ans, tant d'expérience fragilement accumulée, qu'il aimait, lorsqu'il était libre, venir consulter celui qu'il nommait son maître. Le commandant n'avait jamais monté, depuis vingt années, sans prendre des notes dans son agenda et, ensemble, parfois, ils les relisaient. De la troupe des "petits péteux" avide de sauter la triple barrière le cul en l'air, tout fiers de ramasser une gaufre au trou-du-loup* sans perdre leur monocle, le commandant tâchait de détacher Léal pour en faire un vrai écuyer, pour le convaincre que l'art hippique, ça se pratique en chambre, presque sur place. Ce qui lui avait plu, c'est que Léal ne prenait jamais de congé et passait les moments où il n'était pas de service, comme un élève des Beaux-Arts copiant des tableaux de maîtres, caché dans un coin du manège ; et aussi que, la première fois qu'il l'avait rencontré, Léal avait parlé des hanches de Milady et non de sa croupe, expression moderne qui exaspérait le commandant. Peu à peu il lui avait donné sa confiance. (p. 202 - 203)

* fosse servant d'obstacle sur un concours hippique

Les Extravagants - Milady
Commenter  J’apprécie          82
Yolande du Ferrus avait demandé à la fiction ce que son mari n'avait su lui donner : des rêves. Mais les romans à la
mode qui traînaient sur sa table ne contenaient, hélas ! aucune aventure. Les fées (était-ce la loi Naquet* ?) semblaient avoir divorcé de la littérature. Alphonse Daudet, elle le trouvait trop ensoleillé, Zola et ses gros livres plein de lourdes histoires d'ouvriers était si commun ! Les Contes de Maupassant ne parlaient que de petits employés canotant à Chatou et de femmes de mauvaise vie dans des maisons closes (on eût attendu mieux d'un marquis) ; restait Paul Bourget, mais ce vivisecteur du coeur féminin manquait de ce pouvoir caressant, moustachu et chatouilleur qu'une jeune lectrice est en droit d'attendre d'un romancier. Elle lui préférait René Maizeroy, un mâle. (p. 743)

* La loi Naquet, votée en 1884, rétablissait le divorce aboli sous la Restauration.

Fin de siècle - Le Bazar de la Charité.
Commenter  J’apprécie          80
L'enterrement de Bug le Gorille s'avança, précédé par deux cents motos policières, titubant de lenteur ; la semelle au ras du sol, les cops rétablissaient l'équilibre, tantôt à droite et tantôt à gauche. Puis venait la police d'État, les chefs de bandes rivales, tout heureux de cette trève (le code de la pègre interdit de tuer les jours de funérailles), que les grappes humaines accrochées aux fenêtres contemplaient bouche bée, dents d'or au vent : d'abord Sacripanti, un sergent gras à chemise de soie rose et veston impeccable, Sacripanti qui avait sans doute fait le coup, mais qui avait été relâché sous caution, ayant pu fournir jusqu'à six alibis ; puis Angelo Angeli, le chef des sections de mitrailleuses du Calabrais, le bras et l'épaule bandés, puis Weissmann, à la tête de la délégation des usuriers polonais, puis les tueurs, les bootleggers (section terrestre), une députation des camionneurs d'alcool et une autre de la flottille des contrebandiers des Grands Lacs.

Bug O'Shea, chapitre I, p. 138 - 139.
Commenter  J’apprécie          72




    Lecteurs (20) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

    Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

    Honoré de Balzac
    Stendhal
    Gustave Flaubert
    Guy de Maupassant

    8 questions
    11161 lecteurs ont répondu
    Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

    {* *}