Roman se déroulant en Italie, au temps de Mussolini, dont l'intrigue se développe dans une ambiance psychologique et sur fond d'action terroriste d'État : le protagoniste est subjugué par l'obsession de la conformité et de la soumission à l'ordre régnant. Se voulant didactique dans sa condamnation du conformisme et du fascisme, le roman s'alourdit quelque peu de ce choix.
Marcello - Marcel dans la traduction, mais l'original me semble plus adapté - est un adolescent qui semble bien seul dans sa demeure romaine avec jardin, seul avec ses questions “sur qui il est“, seul avec les réponses qu'il se donne : il décapite des fleurs, tue des lézards, mais agit au nom d'une « normalité » qu'il aimerait vérifier auprès de sa conscience, de son compagnon de jeux, Roberto - qu'il finit par effrayer -, de sa mère qui semble indifférente.
Marcello assimile la norme et le bien dans un même concept, et part dans la vie avec ce mince bagage, néanmoins libérateur.
Un jour, collégien, il se fait aborder par Lino un homosexuel qui recherche ses faveurs, à qui il demande de lui offrir un revolver, qu'il retourne contre son agresseur, le tuant par maladresse. Dès lors, il lui faut vivre avec ce meurtre qu'il croit avoir commis, la conscience alourdie, le secret se cherchant un exutoire, désirant tout de même mener une vie « normale ».
Ainsi, dix-sept ans après les faits, en 1937, il est fonctionnaire dans un ministère, fiancé à une jeune fille pour qui il n'éprouve aucun sentiment passionnel, et proposé pour une mission consistant à liquider un résistant à Paris. Marcello a choisi de devenir un « fasciste » banal, et il apparaît ainsi creux, incolore, insipide, inféodé à sa belle comme à son supérieur hiérarchique. Il semble dénué de toute empathie. Sa mission ne soulève aucune objection, mais pas non plus de distance critique vis-à-vis de cet homme cultivé, professeur de philosophie, résistant antifasciste, riche personnalité dont il doit accompagner le meurtre : néanmoins, Quadri - c'est son nom - est difforme, bossu, laid, un « impur » que le fasciste moyen se doit de faire disparaître.
Marcello et sa fiancée nouent une relation personnelle avec ce résistant, à Paris. Quadri semble bien informé, mais il sera tout de même assassiné, la mission est donc accomplie.
Marcello sera l'objet d'un épilogue qui me semble traîner dans la confusion : idylle sans espoir entre lui et la compagne de Quadri, Lina, qui le confondra et le rejettera, réapparition de Lino que Marcello croyait avoir tué et qui n'était pas mort, sentiment que le meurtre de Quadri et l'amour de Lina permettraient d'échapper à la malédiction du premier crime, celui de Lino.
Une faute originelle plane avec ce crime, le protagoniste croit la combattre, mais agit dans l'illusion la plus complète, car la punition - divine ? - qu'il attendait va finir par s'abattre sur lui.
La culpabilité, élément majeur de la psychologie de Marcello, au centre de son inaction et de son mal-être, a fait son oeuvre. Coupable, Marcello l'est-il de ne pas se sentir comme les autres au point de se fondre en eux dans le fascisme, ou d'imaginer que cette adhésion à la foule l'exonère de la nécessité d'exister par lui-même, lui intimant de se délivrer de l'angoisse que génère la liberté.
Oeuvre désenchantée, pessimiste, distillant ennui et grisaille, «
Le conformiste » a du mal à trouver sa place entre essai romancé et roman à thèse. Il reste possible de lire ce roman tel qu'il est proposé, cheminement d'un homme moyen, épris de conformité, vers le terrorisme, un terrorisme également moyen, pour ne pas dire mou, sans charpente.