Cyril Pedrosa a du talent. Beaucoup. de ses années chez Disney il garde une souplesse dans le trait ainsi qu'un sens aigu du mouvement et de la narration qui émerveillent. Ses premiers albums séduisaient par leur vivacité. Il aurait pu s'en contenter et poursuivre sa carrière à coup de ligne claire et de rondeurs virtuoses. Sauf que le Monsieur est exigeant. Album après album, il part en quête de nouveaux territoires, expérimente avec appétit, bouscule son dessin au gré d'histoires à chaque fois plus subtiles, tâte de l'introspectif…
«
Trois Ombres », publié chez Delcourt en 2007, amorçait ce passage à l'âge adulte. Quant à « L'âge d'or », album majeur de l'année 2018 sorti chez Dupuis, son titre peut aussi bien faire référence au scénario qu'à un nouvel âge dans la carrière de l'auteur, celui de la maturité.
Pedrosa, accompagné au scénario par
Roxanne Moreil, offre ici une merveille visuelle, un album graphiquement érudit. le chatoiement des couleurs évoque les tapisseries médiévales et les enluminures ; la composition lorgne la Renaissance flamande ou italienne (Botticelli, Bruegel…), tout ça sans lourdeur. Car son pinceau virevolte, les cases s'animent, le cadrage danse, le regard circule avec fluidité dans le paysage puis se repose sur des doubles pages somptueuses.
Un alliage graphique d'influences du passé et de contemporanéité qui rappelle l'approche de Eyvind Earle sur « La Belle au bois dormant » de Disney.
Quant au récit, il mêle chevauchées et batailles, trahisons et révoltes au coeur d'une épopée médiévale haletante. Là aussi, passé et présent ferraillent. Les personnages sont aux prises avec les conventions d'une époque tourmentée tandis qu'à la faveur d'un système féodal défaillant, des aspirations égalitaires apparaissent. Elles nous rappellent les préoccupations d'aujourd'hui. Au fil des pages, les protagonistes oscillent entre individualisme et égalitarisme sans que l'on sache encore de quel côté ils basculeront.
D'abord assez convenu, le scénario se trouble en fin de premier tome, à l'image de son héroïne, et laisse présager une suite plus complexe. À présent, il nous faut attendre de long mois avant de revivre un pareil enchantement. Ce qui nous laisse le temps de parcourir à nouveau les pages ébouriffantes de « L'âge d'or ». Ou de courir en librairie pour se le procurer !
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