Japoneries
J’ai peint ces vers sur la soierie
D’un frêle éventail japonais,
Où courait une broderie
De fils d’or, de nacre et de jais :
Nid de polychromes mousmées
Dont les silhouettes s’en vont,
Grêles, mignardes et grimées,
Se perdre au clair de lune blond ;
Fantasque pays d’hippogriffes
Dont les temples d’ocre vêtus
Et flanqués de monstres à griffes
Jaillissent, bulbeux ou pointus,
Et se reflètent dans la moire
Azuréenne d’un bassin
D’onyx rose ou de pâle ivoire,
De granit rouge ou de succin ;
Rafales nippones, fleuries
De la neige des fleurs de thé
Que moissonne aux branches meurtries
Le vent nocturne de l’été ;
Pagodes bizarres, dieux blêmes,
Geishas en robe de crépon,
Jardins gemmés de chrysanthèmes
D’iris, de jonquilles… Japon !
Pays où la brise sans trêve
Berce les lotus et les lis,
Pays secret d’extrême rêve
Peuplé de flamants et d’ibis ;
Petit empire aux vertes rives,
Sensuel, bigarré, charmant,
Tu me déplais et me captives,
Tout chez toi me semble alarmant,
Et le vif carmin de ta lèvre,
Et tes masques et tes chansons…
Petit empire des frissons,
Des frissons d’angoisse et de fièvre
Dont meurent, au matin pâli,
Tes mille et une Butterfly…