Le clignement de mes yeux fait fondre le givre de mes cils et c'est l'hiver au complet qui pleure sur mon visage.
Côte à côte, ils avaient l'attitude mélancolique des statues. Ils devenaient complices des oiseaux.
Eteins la lampe de chevet je te prie, elle m'empêche de voir la nuit.
Jamais une nuit n'avait passé si vite ; jamais il ne s'était à ce point oublié, à ce point abandonné à la douceur de la nuit, à ses voyages chloroformisants, abandonné à ce lieu où ni la peur ni le temps n'avaient accès. Cela n'était ni l'oubli, ni l'évanouissement, ni même le sommeil profond, cela était le bonheur.
Le temps, à coups d'obus, a fini par passer, sortir de son embouteillage de douleur, il s'est anesthésié, il a congelé ses souvenirs. Le temps est une poule à qui l'on a tranché la tête. C'est mieux comme ça. Il passe, mais je ne me souviens plus de rien. Je ne fais plus attention à rien. Je suis un enfant irresponsable. Demain, on prend l'avion. Un pays lointain et pluvieux m'attend. Je voudrais tellement ne plus dire "je", ne plus m'occuper de rien. Je voudrais tellement que quelqu'un dise "il" pour moi. Qu'on me débarrasse.
Il n'y a qu'une peur d'enfance pour terrasser une autre peur d'enfance!
J'ai sept ans (...) Ma mère m'énerve. Sa présence me rappelle que je suis toujours à la maison et non pas dans l'hyperespace. C'est pas grave. Mes yeux la transforment aussitôt, elle et sa planche à repasser, en un gnome spatial horrible à écailles de morue et à yeux de mouche. Et je fonce, et je pédale, libre comme l'air. Calme-toi et roule moins vite, me hurle le gnome à la planche à repasser, et moi, courageux comme pas un, je lui répond que le venin informe qui lui sort de la bouche ne saura pas m'arrêter dans ma mission.
Quand notre mère est en train de mourir, ça nous donne certains droits. En manœuvrant bien, on peut en tirer un max d'avantages. Ça touche tout le monde, ça ébranle quand on dit que notre mère est en train de mourir et qu'on a seulement 19 ans. Dans les yeux des autres, nous devenons porteurs d'un destin particulier : lui, c'est quelqu'un, disent les gens à voix basse, sa mère est en train de mourir. Ça impose le respect.