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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A Beregszasz, en Hongrie, Tomi est un jeune garçon qui aime monter aux arbres, regarder les filles de la maison d'à côté, et jouer avec ses copains, Hugo, ou Matyas, plutôt qu'apprendre le métier de son père. Car son père est tailleur pour homme et rêve de transmettre son savoir-faire à son fils. Mais Tomi rêve de porter la salopette bleue des plombiers, métier qui correspond plus à l'image qu'il se fait d'un métier d'homme.
Tomi ne fait pas d'effort pour apprendre le métier de son père, et puis la famille, et sa mère, sont-ils réellement ce qu'ils semblent être ? Comme tout adolescent en crise Tomi aimerait se révolter et prendre ses distances avec sa mère et son père.
Mais Tomi n'est pas né au bon endroit ni à la bonne époque. Car en Hongrie, en 1944, il ne fait pas bon être juif… Tomi et sa famille partent vers Auschwitz-Birkenau. Dès leur arrivée, sa mère et son petit frère disparaissent car les femmes et les jeunes enfants sont séparés des hommes. Ensuite, ce sera Buchenwald, puis Dora-Mittelbau. Son père reste alors son seul recours, son seul ancrage vers la normalité, dans ces camps de concentration où l'horreur, la violence gratuite, la misère, la famine, les maladies et la mort seront leur quotidien. Affecté à l'atelier de couture, il trouvera une forme de salut dans le geste qui sauve, celui qui recoud les plaies ouvertes du tissu témoin de tant d'horreur, celui des tenues des prisonniers.
A la libération du camp, la vie de ces hommes libres ne tient qu'à un fil. C'est le difficile retour des survivants, parmi ceux qui ne pourront jamais les comprendre, ceux qui se sont tus, ceux qui n'ont rien fait et ne veulent pas voir. Et l'attitude des rescapés est si différente, faut-il se taire ou parler ? Se taire pour survivre, ou parler parce qu'il ne faut jamais oublier ? Tomas Kiss va fuir encore, et Paris sera son refuge, la ville où il va renaitre et enfin vivre.
Jusqu'au jour où Véronique Mougin pose cette histoire sur le papier, parce qu'il faut dire, se souvenir, parce qu'il ne faudra jamais oublier que même le pire peut à nouveau arriver. Pour comprendre que même du pire peut surgir le meilleur et que le courage, l'envie de vivre, de connaitre le bonheur ne sont pas des évidences. Véronique Mougin trouve les mots justes pour exprimer aussi bien la légèreté que l'horreur, avec une finesse d'analyse des situations, des tempéraments, des caractères, qui fait vivre le lecteur au plus près de la monstruosité des camps. Un magnifique roman à découvrir !
chronique complète ici https://domiclire.wordpress.com/2018/02/17/ou-passe-laiguille-veronique-mougin/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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C'est l'histoire d'une famille juive hongroise qui, prise dans l'engrenage de la déportation, va basculer dans l'horreur des camps de concentration. Véronique Mougin s'est inspirée en partie, ne l'oublions pas, de son histoire familiale. Tomi, son personnage principal, est en fait son cousin.
Âgé de 14 ans, ce fils de tailleur dans la plus pure tradition juive, découvre le secret, le mensonge autour de sa naissance... Adolescent rebelle, il manifeste son mal-être en s'opposant à toute transmission, rejetant le métier de son père avec véhémence et évitant toute identification...
La performance de l'auteur a été d'endosser ce profil psychologique délicat et de se fondre dans la peau de cette révolte permanente avec la fraîcheur de l'âge de Tomi ! Tout au long des péripéties, restituant habilement sa désespérance, imposant son instinct de survie phénoménal, insoupçonnable ! Il échappe à la mort.
Son caractère bien trempé le sauve d'impasses périlleuses, jouant comme celui qui n'a plus rien à perdre... de l'absurdité des situations qui le traquent à l'aberration des comportements haineux, tout est là pour aiguiser son instinct de survie avec finesse ! Sa volonté, sans cesse mise à l'épreuve au milieu de situations inhumaines, semble se doter de maturité participant à sa construction et décuplant ses facultés de résistance, véritable ouverture à sa résilience future...
A leur retour, ayant tout perdu, ils fuient la Hongrie.
Leur métier de couturier pour seul bagage, père et fils se réfugient à Paris.
Dans ce contexte paisible commence la réparation avec assiduité, l'école supérieure, puis le talent reconnu, il monte les marches de la réussite...
Affronter les plus grands, ne lui fait plus peur ! ni les caprices ou délires du numéro 1... La distance semble être une protection, être numéro 2 ? c'est certe une place moins exposée !
Lorsqu'on traverse de tel traumas, le seuil de confiance est bien ébranlé...
Je pense à l'expression - avoir la peur au ventre - là où se logent toutes nos émotions.
C'est dans la chair que se cachent toutes les blessures... même sans tatouage, les craintes et cauchemars sont tapis...
Comme avec la nature humaine tout peut arriver... Il ne témoignera pas, sauf à sa cousine, à l'écriture si forte et délicate dans ce livre si émouvant.

Merci à Véronique Mougin
et à son cousin Tomi pour son témoignage
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Ce roman qui a clos pour moi l'année 2017 m'a permis d'ajouter à mon lexique intime un mot : "réfilience". Véronique Mougin, dont le premier livre était une satire grinçante des moeurs des nantis de la planète, retrace dans "Où passe l'aiguille" l'histoire de son cousin, juif hongrois, englouti à 14 ans dans la folie concentrationnaire.


Beregszasz, Hongrie, avril-mai 1944. Tomi Kiss, fils aîné d'un des meilleurs tailleurs pour hommes de la ville, s'ingénie à faire tourner tout le monde en bourrique. Il nargue Herman, son père, en choisissant de devenir plombier, revêt la salopette bleue pour faire la nique aux costumes austères de l'atelier Kiss. Il rêve, perché en haut de son arbre, de gagner l'Amérique, d'embrasser le monde entier et ne plus jamais susciter de regards de pitié, lui qui a provoqué la mort de sa mère en naissant. Il est à l'âge de la révolte, de toutes les révoltes et la société, de plus en plus hostile aux juifs lui donne des raisons de s'indigner. Véronique Mougin, à hauteur d'adolescent, nous montre cette communauté aux droits déniés.Tomi la pressent, nous,lecteur,savons ce qu'annoncent les brimades et les lois humiliantes : la solution finale.

Nous plongeons avec Tomi et les siens dans l'horreur de la déportation, suivons son chemin, l'écoutons nous dire ce que signifie perdre son humanité. Souvent, les situations vécues par Tomi sont racontées aussi par une tierce personne, permettant de mieux comprendre le comportement de ce dernier. Une année va s'écouler, essentiellement au camp de Dora-Mittelbau, puis dans celui de Bergen-Belsen. Une année où survivre va être le maître mot, survivre par tous les moyens,même les plus vils. Herman et Tomi vont être séparés du reste de leur famille dès le début, comprenant sans pouvoir se l'avouer le sort réservé aux êtres aimés. Père et fils devront leur salut à leur talent de couturier. Au coeur des camps de la mort, les officiers nazis et leurs épouses n'ont pas renoncé à l'élégance. Herman va rapidement intégrer un atelier où se bousculent ces clients exigeants. Tomi, lui, sur un coup de bluff, rejoindra une baraque où le travail est moins prestigieux, raccommoder les vêtements rayés des déportés. Il ne sait pas coudre, il réussira à le dissimuler le temps d'apprendre avec la rapidité de ceux que la mort guette. Dans ces ateliers, ils échappent au froid, à la boue, aux travaux à marche forcée qui broient les hommes.

Automne 1945. Herman et Tomi sont de retour à Beregszasz où leur maison a été pillée. Leur cheminée réchauffe maintenant la salle à manger du boulanger. Ils attendront comme beaucoup le retour de leurs amours : Anna, l'épouse et la mère, Gabor, le fils et le petit frère, les oncles et tantes avec leurs enfants. Herman prendra alors la décision de les éloigner de ce lieu mortifère, et les deux hommes gagneront Paris, l'Eldorado des couturiers. Chacun y trouvera sa voie, dans la couture pour hommes pour l'un et la haute couture pour femmes pour l'autre.

Au-delà de cette trame inspirée de faits réels se devine une autre histoire, une histoire de tissus, de fanfreluches, de dignité et de beauté. Au camp de transit de Auschwitz-Birkenau, avant même de transformer les hommes en numéro, on leur a ôté leurs vêtements et ce faisant, une part de leur humanité. A leur manière, armés seulement de leur aiguille et de fils, les Kiss père et fils vont pendant leur séjour à Dora, rapiécer les guenilles recouvrant les prisonniers et leur redonner aussi une part de dignité.

Plus tard, quand la guerre sera loin derrière eux, la couture ne sera plus pour eux un simple métier. Herman retrouvera les règles immuables du monde des tailleurs pour hommes, une branche solide à laquelle se raccrocher, une survivance de leur univers d'avant. Tomi, à la personnalité beaucoup plus tourmentée, se fixera inconsciemment un objectif plus ambitieux, faire naître la beauté du chaos. Devenu premier de couture dans une maison prestigieuse, il n'aura de cesse de chercher à magnifier les femmes, de les revêtir de vêtements-talismans, qui les protègeront de la laideur du monde. Son père nous livre en quelques lignes extraordinaires la raison de cette quête effrénée de la beauté. Pour les Kiss, réfilience convient mieux que résilience.

Il est compliqué dans un article de décrire un roman sans trop le dévoiler. Il y aurait encore beaucoup à écrire sur les mots que Véronique Mougin pose sur les pages, comme le brodeur avance point à point dans son ouvrage. "Où passe l'aiguille " trouvera un écho particulier en chaque lecteur.
Pour moi, il me rappelle des périodes sombres où mes mains d'abord maladroites et puis de plus de plus expertes ont créé de la beauté avec des fils de soie, de coton ou de laine, où me concentrer sur la création m'a sauvée de la destruction.
Plus qu'un coup de coeur, ce roman aura été pour moi un coup au coeur. Une douleur se muant en douceur.

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Gros coup de coeur pour ce récit poignant.
Il m'a touché à plusieurs égards.

Tout d'abord ce récit à la 1er personne, Tommy, un ado de 14 ans comme les autres pris dans l'horreur de la guerre et des camps. On le suit pas à pas, dans ce qu'il ressent, dans ce qu'il comprend ou pas, ou découvre.m hélas.
Un récit qui transperce notre humanité sans être déplacé ou insoutenable. Je pense que le plus horrible a volontairement été passé sous silence, par pudeur, par besoin de ne pas déterrer tous les morts (hélas, dans le vrai sens du terme). Car oui, ce récit, même romancé, est le témoignage de l'oncle de l'auteur.

Ensuite, en tant que couturière, bien sûr que ce récit me touche. La découverte du métier qui le rebute puis qui le sauve. Et sa façon d'en parler. Oui, ça me parle puisque je partage cette même passion.

Je pense que ce livre va m'habiter encore longtemps.

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"Où passe l'aiguille" est à double titre un roman sur la transmission.
D'abord, il s'agit de la transmission entre un père et son fils. le père de Tomi aimerait que son fils devienne à son tour couturier, mais Tomi préférerait être plombier... pour la salopette. Au final, Tomi révèlera sa vocation pour la couture dans les camps de concentration : son père n'y sera pas pour grand chose. de toute façon, que peut transmettre un père à son fils dans un lieu qui lui nie jusqu'à son humanité ?
Ensuite, il s'agit aussi de la transmission de la mémoire, celle des survivants de la Shoah qui sont aujourd'hui de moins en moins nombreux pour en témoigner.

Véronique Mougin s'est magnifiquement réappropriée le témoignage d'un de ses parents. le récit de la vie dans les camps en est troublant d'authenticité et a créé chez l'historien que je suis, un débat profond sur la place que peut (doit ?) avoir le roman dans le devoir de mémoire.
Ma lecture a souvent été perturbée par le parallèle que j'ai pu faire entre ce que je lisais et les récits ou témoignages que j'ai pu lire ailleurs (notamment celui de Primo Lévi) : la frontière entre le roman et le témoignage était parfois si mince que cela m'a profondément troublé.

Si la plume de Véronique Mougin est moins convaincante sur la deuxième partie du roman, qui se passe après guerre, dans les coulisses de la haute couture parisienne, elle s'illustre dans la justesse de ses personnages et les enjeux posés à travers le roman. L'auteure parvient à restituer toute la complexité de la relation père-fils sans pour autant jamais en faire le sujet principal de son roman. Il en va de même sur la question de la reconstruction qui est le fil rouge de la deuxième partie du roman, sans jamais l'être ouvertement.

Au final, je regrette simplement le dernier chapitre qui trouble davantage encore la frontière entre le roman et le témoignage. Bien que les propos y soient justes, ils sonnent comme une morale De La Fontaine, ce dont le roman pouvait facilement se passer.
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Hongrie. 1944. le jeune Tomi est le fils aîné d'un maître tailleur renommé. Ce dernier essaye depuis des années d'apprendre au jeune adolescent de 14 ans la beauté de son métier.

Peine perdue, Tomi est réfractaire à tout ce qui touche à la couture.

Quand les Allemands envahissent la Hongrie, la famille est déportée. Tomi se retrouve avec son père, sa mère et son jeune frère ayant disparu dans la foule à la descente du train.

Il découvre alors l'atrocité de la vie dans le camp : « Bon ou mauvais, allié ou ennemi, bourreau, victime, homme, femme…Au camp, les catégories habituelles se dissolvent, certaines personnes débordent des cases et on peine à les classer, tant leur caractère forme un mélange opaque et sale, une boue qui t'engloutit. »

Tomi a toujours été un gamin plein de ressources. C'est sa débrouillardise qui va lui sauver la vie : il réussit à se faire affecter au raccommodage des uniformes rayés des déportés.

C'est dans cet atelier qu'il va finalement découvrir un intérêt à la couture, comprendre l'amour de son père pour le travail bien fait.

Revenu de déportation avec son père, il ne lâchera plus l'aiguille se plongeant dans le travail pour oublier pendant quelques heures l'indicible : » La vérité : quand je couds, je n'ai pas de visions. Je ne revois pas le camp, les punitions, l'appel ou pire. Je me concentre, l'aiguille passe et repasse, chaque geste mille fois répété et doucement je deviens le fil, je deviens l'aiguille, je suis le tissu piqué et l'air que je respire, le rythme de la machine et le bruit de l'atelier. »

Ayant émigré en France, toujours accompagné de son père, seul membre de sa famille désormais, Tomi va s'enflammer pour la Haute Couture et travaillera dans une grande maison : « La couture nous transforme en sculpteurs, en artistes, tu commences à le sentir maintenant, la sueur que tu lui donnes elle te la rend en joie, en reconnaissance, en argent, en fierté, elle est comme ça la couture : par nature elle grandit les petits qui la font, elle prend des métèques elle en fait des messieurs, il suffit d'y travailler dur. »

Le métier de son père, tant abhorré dans son enfance, deviendra pour Tomi un formidable outil de résilience lui permettant de se construire une nouvelle vie.

Ce formidable roman , rempli d'humanité avec tout ce qu'elle comporte à la fois de plus beau et de plus abject, m'a profondément touchée et souvent bouleversée . D'autant plus qu'il s'agit d'une histoire vraie.

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Quelle jolie petite claque je me suis prise en lisant Où passe l'Aiguille, l'histoire de Tomi m'a profondément émue ! Il n'est pas évident de faire du neuf sur cette période racontée maintes et maintes fois, et pourtant à aucun moment je n'ai ressenti de déjà-vu. Peut-être que cela est dû à l'attachement personnel que l'on ressent au travers des mots puisque Véronique Mougin nous raconte l'histoire de son cousin d'après ses récits, une histoire inspirante et bouleversante qu'on pourrait croire inventée de toute pièce. Tel le plus grand des couturiers, Véronique Mougin tisse les fils du récit avec dextérité, entrecoupant les mémoires de Tomi de passages racontés du point de vue d'autres personnages (j'ai trouvé incroyable qu'on n'ait aucun mal à savoir qui parle alors qu'aucun nom n'est cité). Un destin incroyable, des camps à Paris, de la laideur la plus pure à la recherche de la beauté pour effacer cette dernière, des mondes opposés liés par le destin incroyable d'un homme. Un roman que je vous recommande chaudement !
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"Où passe l'aiguille" fera partie de mes dix derniers livres de l'année et comment mieux finir 2018 ? Ce roman est un coup de coeur.
Tomi, juif Hongrois, retrace sa vie de son shabbat, sa déportation, à son succès dans le monde de la haute couture. Il y a tout dans ce récit : l'enfance et les regrets de ne pas avoir profité pleinement de ces années d'insouciance, la déportation à 14 ans et devoir se faire passer pour une jeune homme de 16 ans pour survivre jusqu'à l'homme qui va devoir se reconstruire et enfin brièvement le vieil homme qui fait un bilan de sa vie.
Il y a, bien sûr, les moments de cruauté, de lâcheté, de trahison, le deuil, le silence, l'absence mais aussi l'amour, l'humour, la puissance de l'amitié, la fraternité, des moments de bonheur malgré tout.
En parallèle de la vie de Tomi, j'ai également apprécié les réflexions, par très courts chapitres en italique, des personnages qui évoluent autour de Tomi.
Le style est très agrèable et ce roman, malgré toute l'émotion et la force qu'il contient, se lit d'une traite sans une longueur.
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Enfin j'ai pu me poser et lire tranquillement ce livre. Je l'ai depuis un bon moment, depuis quelques temps avant sa sortie, mais j'ai passé deux mois où je ne lisais que quelques pages par-ci, par-là, entre deux portes, sur le coin d'une table ou d'un oreiller et, vu le sujet de ce livre, et la période à laquelle il se déroule, je voulais vraiment pouvoir prendre mon temps.
Autant le dire tout de suite, c'est un coup de coeur. le premier livre de Véronique Mougin était plein d'humour et de légèreté ; celui-ci est dur et tendre à la fois, il est poignant et superbe, malgré les horreurs dont il témoigne.
J'ai passé mon temps à reposer ce bouquin pour digérer un peu le récit. Pas longtemps, puisque je voulais savoir la suite, mais quelques minutes, parfois une heure entière, surtout pendant la partie se passant dans les camps de concentration. Parce que c'est un récit qui tient en partie du témoignage et que c'est dur, très dur. Rien ne nous est épargné, et pourquoi nous l'épargnerait-on, Tomas et les siens n'ont pas été épargnés, eux.
Je crois que l'image qui m'a le plus poursuivie, tout au long du récit, est la seule qui laisse planer le doute, l'espoir, mais qui, en même temps, m'est apparue comme la plus terrible : c'est celle de la mère de Tomas qui est dans la file des femmes et enfants, avec Gabor, le petit frère. le temps de détourner le regard quelques secondes et ils ont disparus.
Quand on sait que les nazis avaient pour habitude de gazer les femmes et les enfants dès leur arrivée, mais qu'en même temps, certains, hélas très rares, trop rares, ont survécu… difficile de ne pas y penser au fil du texte, de ne pas espérer qu'ils aient pu passer entre les mailles du filet…
L'horreur est omniprésente, elle arrive par les nazis, bien entendus, mais également par les autres prisonniers, promus « kapo » abusant de leur peu d'autorité ou simple détenus profitant de leur faible supériorité physique pour abuser de leur compagnons d'infortune. Comme si se montrer aussi cruel que les nazis allait adoucir leur propre sort.
Tomas est un adolescent qui refuse de plier, il refuse de se laisser gentiment mourir. En perpétuelle opposition avec son père, il magouille, triche, ment, vole, prend des risques, fait tout ce qu'il peut pour sortir du lot mais pas trop, être remarqué mais pas remarquable, bref survivre à l'enfer du camp.
J'ai eu du mal avec le père de Tomas. J'ai eu l'impression que chacune de ses décisions étaient prises sans penser aux autres, avec pour seul soucis de respecter les règles. Il ne semble pas comprendre que le monde dans lequel il vit désormais n'a plus de règle, que ce n'est pas parce qu'il se montre obéissant qu'il sera épargné.
Il m'a choqué à plusieurs reprises, j'ai eu l'impression qu'il préférait voir mourir son fils plutôt que de le voir faire preuve d'une audace dangereuse alors qu'il n'avait plus rien à perdre.
Après la guerre, il ne change pas d'attitude, il continue à vouloir imposer son mode de vie et sa vision des choses sans jamais penser qu'il pourrait avoir tort (Du moins pendant la plus grande partie de sa vie).
J'ai beaucoup aimé que le récit soit entrecoupé de chapitres en italique nous révélant les pensées de divers personnages de l'entourage de Tomas qui montrent souvent que ce qu'ils pensent est très différent des pensées que leur prête l'adolescent.
Après la guerre, après les camps, on pourrait penser que le pire est passé, que tout va aller mieux. Alors, oui, dans un sens le pire est passé, mais il reste la suspicion, les frontières qui ont bougées, son village qui n'appartient plus au même pays qu'avant, le pillage dont sa famille a été victime pendant son absence, rien ne va, tout a changé.
Alors c'est le départ, vers un autre pays, un autre avenir. C'est à Paris que Tomas va trouver sa voie, se réconcilier pour de bon avec la couture, et même la haute couture. Il n'avait pas la même vision du métier que son père et, ne sachant pas qu'une autre manière de l'exercer existait, il l'avait rejeté en bloc. Il va se réinventer dans un métier où rien n'est jamais figé, où tout change à une vitesse folle, où il faut de l'audace et du talent, en plus d'un travail acharné, pour espérer survivre.
Ce talent, Tomas le possède ; le travail, il a eu l'exemple de son père pour savoir que rien ne tombe tout cuit dans le bec, et l'audace, s'il en avait déjà avant la guerre, les camps et sa rage de vivre l'ont décuplée.
Pourtant, il y a une chose que Tomas refuse de faire : se souvenir. Jusqu'à ce qu'une petite cousine décide d'écrire un livre sur son histoire. Et qu'il accepte d'ouvrir la boite de pandore et de raconter…
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J'ai aimé ce livre dès le début, dès mes premiers pas dans l'univers de Tomi, un adolescent, juif, vivant dans une ville de Hongrie qui appartiendra à l'Ukraine après la guerre.

L'histoire débute en 1944. le père de Tomi est un grand couturier et il aimerait que son fils lui succède, mais pour celui-ci il n'en est pas question. Il sera plombier. Pourquoi pas?

Mais voilà, Tomi et sa famille (son père, sa mère qui en fait est sa tante, il l'a appris bien tard, et son petit frère) sont déportés. Pour survivre Toma va se mettre à coudre...

Bien sûr, les 3/4 du roman sont consacrés à la guerre, aux atrocités de la guerre, à la survie des déportés, à la violence gratuite des Allemands, à la vie dans les camps de concentration, mais ce roman est différent puisqu'il est en partie basé sur la couture.

Ce livre m'a fait penser au "Tatoueur d'Auschwitz" de Heather Morris. Deux livres sur la guerre et deux thèmes originaux.

Le 1/4 du livre se déroule après la guerre et cette partie consacrée à la haute couture m'a nettement moins intéressé. Si ce roman n'avait d'ailleurs parlé que chiffons, je l'aurais abandonné en cours de route, mais la grosse partie du récit est très intéressante et poignante. Cette partie montre aussi que la vie après un tel traumatisme n'est pas facile, que les souvenirs restent qu'on le veuille ou non et que le passé ne peut que jouer un rôle sur l'avenir.

C'est un pavé, mais il se lit assez vite. Les chapitres sont courts. L'auteure va droit au but sans passer par des détails insignifiants.

L'histoire se déroule de 1944 à 2017 et raconte donc toute la vie de Tomi.

Le récit de Tomi qui est aussi le narrateur de l'histoire est entrecoupé de témoignages d'autres personnes. J'ai apprécié leurs interventions dans le récit.

Et cerise sur le gâteau, Véronique Mougin s'est inspirée d'une histoire vraie pour écrire ce roman.
Lien : http://phildes.canalblog.com..
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