AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,94

sur 94 notes
5
8 avis
4
21 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je n'aurais sans doute jamais chroniqué ce roman de Sandor Marai La nuit du bûcher si je n'avais pas lu l'excellente critique qu'en a fait Creisification sur Babelio. Talent méconnu de la littérature de la Mittleuropa, Sandor Marai mérite qu'on le lise à plus d'un égard. Il a eu en effet le triste privilège de connaître à travers l'histoire tourmentée de la Hongrie, les trois régimes totalitaires qui ont marqué le XXème siècle à savoir le fascisme italien le nazisme et le communisme. Deuxième raison pour lui rendre hommage, c'est une plume remarquable, incisive, subtile à tel point que j'ai relu en diagonale le roman pour mieux en apprécier les effets de style.
Ce roman contrairement à d'autres de ses écrits prend ses distances par rapport à L Histoire contemporaine car il nous transporte à Rome en 1598. L'Inquisition fait rage. On brûle allègrement les hérétiques. Et nous allons suivre les pérégrinations d'un jeune carme espagnol, mu par le désir de parfaire son expérience dans l'art de débusquer les hérétiques et leur faire subir le châtiment qui convient. L'un des moyens les plus "en vogue" en Italie est de faire "rôtir" les malheureux condamnés sur un bûcher sur la place de Campe de' Fiori, lors d'une "justizia", un vrai spectacle romain suivi avec ferveur aussi bien par les bourgeois que le petit peuple de Rome !
Cette peinture de la Rome inquisitoriale permet à l'auteur de rappeler les mécanismes à la base de tous les régimes totalitaires qu'ils soient d'origine religieuse ou politique :suspicion généralisée, pratique de la délation y compris au sein de la famille, condamnation de la littérature et de tout ce qui touche à la liberté de pensée et d'expression sans oublier bien sûr la pratique de la torture censée favoriser l'aveu d'une culpabilité qui ne fait aucun doute... pour les tortionnaires en tout cas.
J'ai vraiment apprécié la façon dont l'auteur nous fait entrer par glissements successifs dans la pensée des "gardiens de la Volonté Divine" - les hommes d'Eglise chargés de l'Inquisition - Il nous permet ainsi de suivre leurs grands discours où ils se coupent peu à peu de la réalité et s'enferment dans une logorrhée proche du délire. J'ai senti planer ainsi en arrière fond l'ombre de tous les "grands fous" de l'Histoire du XX ème et du XXI ème siècles.
Face à cette machine à broyer les corps et les esprits, un beau personnage de résistant : un prêtre apostat Leornardo qui va jusqu'au dernier moment refuser d'embrasser la Croix et offrir à ses bourreaux , son indifférence sans faille voire son mépris . L'acmé du roman sera pour moi cette magnifique scène d'une intensité poignante, où il renverra aux spectateurs l'image du Christ torturé sur la Croix. Temps suspendu, foule figée avant que ne s'abattent sur le supplicié les cris de haine... Derniers moments du supplicié qui ne regardera jamais vers le Ciel et restera seul dans sa solitude et son désespoir...
Dernier point sur lequel je voudrais insister c'est la lecture constamment décalée que l'on fait puisqu'à chaque instant le récit admiratif que le jeune carme nous offre est battu en brèche par la lecture critique que nous faisons de cette sombre période de notre Histoire européenne.
Cette contre-lecture est jouissive et c'est en partie pour cette raison que j'ai relu le roman en diagonale afin de mieux savourer tous les passages où à coup d'humour noir et au second degré l'auteur s'en donne à coeur joie !
Commenter  J’apprécie          392
Fin du 16ème siècle en pleine Inquisition, un jeune carme espagnol quitte sa ville Avila avec d'autres pèlerins pour rejoindre Rome. Il a pour but de parfaire ses connaissances en matière de lutte contre les hérétiques auprès des Italiens. Il est reçu par le consulteur Robert Bellarmin qui accepte qu'il soit initié aux pratiques des hérétiques pour mieux les reconnaître et les punir, c'est-à-dire majoritairement les envoyer au bûcher…La force et l'intérêt de son récit c'est de décrire de l'intérieur l'état d'esprit de ces hommes, aveuglés par la foi, persuadés d'agir pour le bien de ceux qu'ils qualifient d'hérétiques, décrivant en toute bonne foi les tortures infligées pour les faire avouer, les procès expéditifs puis l'exécution en place publique. Aucune haine ne les anime, simplement une conviction d'agir pour sauver le monde et les hommes d'un fléau. Et pour cela tous les moyens sont bons : dénonciations, trahisons, enfants incités à dénoncer leurs parents, les voisins, les familles, tous doivent signaler le moindre faux pas, la moindre phrase suspecte…Un climat que l'on peut retrouver dans toute dictature basée sur la parole unique et la terreur. C'est là que l'histoire de Sándor Márai qui a connu le nazisme et le communisme rejoint celle de L'Inquisition car les mêmes mécanismes sont en oeuvre.

Mais à la fin de son séjour notre carme va suivre la dernière nuit d'un condamné resté célèbre dans l'Histoire, Giordano Bruno. Et là, face à cet homme libre, que huit années de procès n'ont pas fait renoncer à ses convictions, il va être saisi du sentiment de l'inutilité et peut-être de la monstruosité de sa tâche…renforcée par une dernière conversation avec Robert Bellarmin et la lecture du « Manuel de l'Inquisiteur » de Nicolau Eymerich. Jetant le livre à l'eau, il choisit l'exil.

Livre puissant qui souligne l'extrême cruauté des hommes envers leurs semblables particulièrement lorsqu'elle sert une cause divine ou politique, en fait un pouvoir absolu qui s'arroge un droit de vie ou de mort sur tout individu, utilise la censure car les livres sont plus dangereux que les armes et la croyance beaucoup plus utile que la connaissance, et règne par la division. Et malheureusement toujours terriblement d'actualité.
Commenter  J’apprécie          340
En 1598, un jeune moine castillan, originaire d'Avila, séjourne à Rome pour quelques mois chez ceux qui sont devenus maitres dans l'art de l'inquisition, il est là pour observer leur méthodes et les transmettre à ces frères en Espagne , nous appellerions cela "stage de perfectionnement" à notre époque . C'est un élève appliqué qui commence par apprendre l'italien puis assiste aux  veilles des "confortateurs", des hommes , certains laïcs, qui se réunissent pour inciter au repentir les hérétiques et vérifier  la sincérité des conversions .

L'inquisition, dans ce roman n'est en fait qu'un prétexte, un exemple historique du totalitarisme dans toutes ces formes, là, en l'occurrence la religion catholique pour un écrivain qui a fui sa Hongrie natale devenue communiste après avoir été nationaliste et proche du troisième Reich .

On ne peut s'empêcher de penser également à l'Holocauste lorsque le Padre Alessandro explique au jeune moine que les sentences individuelles ne suffiront pas ...
L'arrivée de l'imprimerie est perçue elle aussi comme dangereuse car échappant au contrôle de l'église et par la diffusion plus facile des oeuvres considérées comme hérétiques ou païennes  , on est pas loin des bûchers de livres .

On sait d'emblée que le moine ne retournera pas à Avila, qu'il choisit l'exil à Genève ; les raisons de son revirement ne sont pas uniquement dues , comme le résumé de l'ouvrage le laisse supposer ou la traduction du titre, à la dernière nuit avant son exécution de Giordani Bruno , un religieux qui ne renie rien et ne se laisse pas fléchir par les propos des confortateurs , ce qui ébranle fortement le jeune castillan , c'est un processus beaucoup plus complexe , lent et insidieux qui, à mon avis, vient aussi de sa dernière conversation avec le cardinal Bellarmin, celui qui l'avait accueilli lors de son arrivée et dont les paroles avant son retour en Espagne ouvrent une brèche dans la certitude du jeune homme , cela rejoint les convictions de l'écrivain lorsqu'il a lui même choisi l'exil comme le moine dont il nous conte l'histoire : la liberté de penser que l'on ne peut ôter à l'homme même en l'incarcérant, en muselant sa parole ou en le condamnant au feu du bucher !

Une écriture remarquable et un sujet de réflexion qui est toujours , malheureusement d'actualité .

Je vous encourage à lire ce texte parfois un peu ardu mais si marquant .
Commenter  J’apprécie          290
On tranche, on brûle, on juge, on sentence, on chasse, on pend. Au nom d'une loi, au nom d'un dieu, ou au nom d'une idéologie. Tous les crimes contre l'humanité ont leurs penseurs. Discours ou prêche, défilé ou procession, à chacun ses martyrs, à des millions : des fosses communes ou le silence d'une montagne de cendres.
Livre indissociable de la vie de Sandor Marai. Fuyant la guerre, le fascisme, le stalinisme, son écriture récite la seule prière digne d'être lue parmi les hommes : « Savoir vaut davantage que croire ».
Nous sommes au 16e siècle. Rome. L'inquisition espagnole veut apprendre de la grande inquisition italienne. Procès, tortures, exécutions. On rédige, on instruit, on prend note. Grand traité, petit manuel du parfait inquisiteur. Giordano Bruno ne lâchera rien. L'univers infini, existe, nous le savons. Mais celui qui ne fait pas d'un dieu ou une d'une idéologie le centre du monde est coupable d'hérésie. Hérésie ...du grec αἵρεσις / haíresis : choix, préférence pour une idée ou pensée.
Un choix, ...une liberté. A parler librement, à penser librement. Penser par exemple qu'  « un homme est peut compter plus qu'un troupeau ». S'interroger : «  Qu'est-ce qui est préférable : l'insouciance dans un endroit où l'on ne peut rien écrire ouvertement ou l'inquiétude dans un autre où l'on peut scribouiller en liberté ? »
Ce qui est remarquable dans ce roman c'est la malheureuse éternité de ce qu'il contient et l'espoir qu'il recèle.
C'est également ce que ce 16e siècle, et les siècles qui l'ont précédé, colportaient déjà à notre porte.
Ce que l'histoire engendre, porte dans ses entrailles. Ce que l'on peut y lire, ce qu'il faudrait comprendre, ce qu'elle annonce.
« Là où l'on brûle les livres, on finit par brûler des hommes. » écrivait Heinrich Heine, .. et là où on brûle un homme, tout est fini.
Effroyable récit où l'on voit un peuple, une société entière, du plus petit au plus grand, du plus riche au plus pauvre, tous être certains.
Certains. Certains de ce qui est dit, proclamé, jugé, certains , sans qu'aucun doute, sans qu' aucune question ne viennent arrêter la main du bourreau. Assassins de bonne foi. Où commence la complicité , où s'arrête la soumission ? L'habit ne fait pas le moine, quelque que soit son obédience.
Comment alors reconnaître un diable ou un bon dieu ? Et si tout cela , pour finir, ne regardait qu'eux..
Et quant aux hommes.. il leur reste l'avenir pour faire infiniment mieux.

Astrid Shriqui Garain





Commenter  J’apprécie          256
Pénétrer au plus près le coeur d'un inquisiteur, faire le choix d'un seul narrateur dans un rôle si peu flatteur, peut rebuter certains lecteurs, moi la première qui y suis allée presque à contrecoeur, mais ce serait vraiment dommage de rater ce livre remarquable, dénonciateur de l'obscurantisme et du totalitarisme religieux, dans une époque où le dogme catholique faisait force de loi. Problématique transposable en politique ! Et de ce côté-là, Sandor Maraï , lui-même victime et contraint de s'exiler, connaissait bien le sujet des libertés bafouées.

Voici donc l'histoire d'un carme espagnol qui, en toute "bonne" foi, bonne conscience, bonne volonté, s'en va à Rome se perfectionner dans l'art de débusquer les hérétiques ( et même ceux susceptibles de le devenir) , de les "cuisiner" sans les faire expirer, les conforter afin de les remettre sur le droit chemin ( rarement sur pieds !) et si irrémé(diable)ment réfractaires, tel Giordano Bruno, dominicain, philosophe, astronome, résistant durant sept ans aux traitements de choix ( et de choc !) sur lui infligés, les conduire avec solennité au bûcher, où la foule en délire attend le condamné.

Lorsque l'un des cardinaux de cette redoutable et efficace institution prédit " une époque où l'on regroupera sans ambages ni perte de temps tous ceux qui seront soupçonnés de tomber un jour dans le péché d'hérésie, à cause de leur origine ou pour d'autres raisons, dans des champs clos par des barrières de fer", son voeu fut amplement et abjectement exaucé, dans un monde dit civilisé !
Commenter  J’apprécie          121
Quoiqu' écrit en 1974, ce livre de Sandor Maraï reste d'une actualité brûlante. le narrateur, un petit moine d'Avila, part s'enquérir des méthodes utilisées par les Inquisiteurs romains. Il assiste, ce faisant, au supplice de Giordano Bruno, brûlé vif pour avoir dénoncé la corruption du Pouvoir. Un prétexte pour nous faire toucher du doigt le poids irrépressible des déterminismes historiques accablant l'humanité, depuis la chasse aux hérétiques et aux sorcières jusqu' aux totalitarismes du XXème siècle... et aux fanatiques de Daech. Ce livre constitue un vibrant plaidoyer en faveur de la connaissance, " seule force capable de surpasser celle de toutes les puissances dans leur volonté d'anéantir la résistance de l'Intelligence" (p.72). Rédigé sous la forme d'une lettre adressée à ses anciens compagnons du Carme d'Avila, pétri de sagesse sociale et pourfendeur des langues de bois, limpide et concis, ce livre bouleversant se lit en un éclair et marque son lecteur.
Lien : http://livrescritique.blog4e..
Commenter  J’apprécie          30
Sauvé de l'oubli par les éditions Albin Michel et leur collection « Les grandes traductions », Sándor Márai, tout comme son oeuvre, vit dans les soubresauts de l'Histoire, une vie faite d'exil, face aux Allemands dans un premier temps, lors de la Seconde Guerre mondiale, puis en raison de cet idéologie communiste qui, en 1948, le contraindra à fuir la Hongrie qu'il ne reniera jamais, continuant d'écrire son oeuvre dans sa langue natale. Il vécut 88 ans, dont 41 années en exil. La nuit du bûcher, traduit par Catherine Fay et publié par les éditions Albin Michel, dont la première parution en langue originale remonte à 1974 et qui réunit des thèmes chers à l'auteur, est un fantastique questionnement sur l'extrémisme et sur la condition humaine.

La nuit du bûcher est une longue lettre d'un Carme d'Avila qui vient à Rome pour découvrir les méthodes employées par la Ville Éternelle dans son combat contre les hérétiques. Son séjour, qui durera deux ans, lui permettra d'entrevoir l'organisation spécifique du Saint-Siège, d'entendre des anecdotes sur les différents moyens utilisées par les hérétiques pour sauver leur vie mais aussi de confronter son point de vue et les coutumes de son pays. Son voyage touchant à sa fin, il lui sera permis d'assister à la dernière nuit d'un hérétique du nom de Giordano Bruno, personnage historique et ancien frère dominicain qui a développé, en étudiant les travaux de Copernic, la théorie de l'héliocentrisme et dont le procès pour hérésie dura sept années. Il retranscrira le tout dans cette lettre qui fera office de rapport et qu'il fera parvenir à ses frères.

La suite sur le blog :
http://unepauselitteraire.com/2015/11/30/la-nuit-du-bucher-de-sandor-marai/
Lien : http://unepauselitteraire.co..
Commenter  J’apprécie          20
Il y a quelques jours, j'ai pu prendre conscience de tout ce que la religion produisait de pire à l'heure actuelle grâce à Yasmina Khadra et à son inquiétant Khalil. Désormais je sais ce qu'elle a pu produire de pire par le passé grâce à Sandor Marai et à son terrifiant La nuit du bûcher. Pourtant je n'étais pas totalement ignorante des ignominies de l'Inquisition, ayant visité le musée de l'inquisition à Carcassonne il y a quelques années, j'en étais ressortie abasourdie et choquée. Mais de découvrir à travers ce roman les schémas de pensée de ces fanatiques religieux si peu sûrs du bien fondé de leurs propres croyances qu'ils se sentent obligés de massacrer des supposés hérétiques afin que ceux-ci ne mettent pas à mal leur dogme, il y a là un nouveau pas de franchi dans ce que l'humanité a pu engendrer de pire dans son histoire. Parce que, comme l'explique si bien le personnage central de ce récit, le carme d'Avila rendu à Rome pour prendre des cours de torture (pardon, d'Inquisition), il ne s'agit pas uniquement d'éradiquer des impies mais de leur faire vivre les pires supplices pour assouvir un appétit démoniaque (pardon, pour sauver leur âme). Après avoir lu des romans comme ceux-là, j'ai bien du mal à trouver une circonstance atténuante aux religions de toutes sortes mais heureusement pour moi, je peux aujourd'hui le dire haut et fort sans risquer de finir sur le bûcher.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (217) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1833 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *}