Une Vie, une uvre : Heinrich Heine, un intellectuel européen (1797-1856)
Par Jacqueline Kelen et Danielle Fontanarosa.
Émission diffusée pour la première fois sur France Culture le 22.09.1994.
Intervenants :
- Jean-Pierre Lefebvre (responsable de l'édition des uvres de Heine dans La Pléiade)
- Gerhard Hohn (essayiste.)
Là où l’on brûle des livres, on finira par brûler des hommes.
Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes.
C’est une étrange chose que la musique : je dirais volontiers qu’elle est un miracle. Elle est entre la pensée et le phénomène : comme une médiatrice crépusculaire, elle plane entre l’esprit et la matière, apparentée à tous deux, et pourtant différente de tous deux ; elle est esprit mais esprit qui a besoin de la mesure du temps. Elle est matière mais matière qui peut se passer de l’espace.
Lettre à M.A. LEWALD, 21 janvier 1838
“La chanson du refroidi
Et quand on est mort, c’est pour longtemps
Qu’il faut gésir en son tombeau ; j’ai peur,
Pardi, j’ai peur que, si je ressuscite,
ça ne soit pas pour tout de suite.
Aussi, avant que s’éteignent les feux
De ma vie et que mon coeur se brise,
je voudrais rechercher une dernière fois
Avant ma mort les faveurs d’une femme.
Que ce soient celles d’une blonde,
Aux yeux doux comme clair de lune,
Je ne supporte plus les coups
De soleil des ardentes brunes.
La jeunesse est pleine de vie,
Veut le tumulte des passions.
Tout est fureur, serments, tapages,
Et mutuelle question.
Or point jeune et plus très valide,
Comme je suis en cet instant,
Je veux encore aimer, être fou d’une femme
Et être heureux — mais sans vacarme.”
Les parfums sont les sentiments des fleurs.
Dans le Nord, un pin solitaire
Se dresse sur une colline aride.
Il sommeille, la neige et la glace
L'enveloppent de leur manteau blanc.
Il rêve d'un beau palmier,
Là-bas, au pays du soleil,
Qui se désole, morne et solitaire,
Sur sa falaise de feu.
(" L'intermezzo")
LA LORELEY
1824
Mon Cœur, pourquoi ces noirs présages?
Je suis triste à mourir.
Une histoire des anciens âges
Hante mon Souvenir.
Déjà l'air fraîchit, le soir tombe,
Sur le Rhin, flot grondant;
Seul, un haut rocher qui surplombe
Brille aux feux du couchant.
Là-haut, des nymphes la plus belle,
Assise, rêve encore;
Sa main, où la bague étincelle,
Peigne ses cheveux d'or.
Le peigne est magique. Elle chante,
Timbre étrange et vainqueur,
Tremblez fuyez! la voix touchante
Ensorcelle le cœur.
Dans sa barque, l'homme qui passe,
Pris d'un soudain transport,
Sans le voir, les yeux dans l´espace,
Vient sur l'écueil de mort.
L'écueil brise, le gouffre enserre,
La nacelle est noyée,
Et voila le mal que peut faire
Loreley sur son rocher
Tous les arbres résonnent
Et tous les nids chantent
Qui donc tient la baguette
Dans le vert orchestre de la forêt?
Est-ce là-bas le vanneau gris,
Qui sans cesse hoche la tête, l'air important?
Ou est-ce le pédant qui tout là-bas
Lance toujours en rythme son coucou?
Est-ce cette cigogne qui, la mine sérieuse ,
Et comme si elle dirigeait,
Craquette avec sa longue jambe
Pendant que tous jouent leur musique?
Non, c'est dans mon propre coeur
Qu'est le chef d'orchestre de la forêt ,
Et je le sens qui bat la mesure,
Et je crois bien qu'il s'appelle Amour.
(" Nouveaux poèmes")
La mer a ses perles, le ciel a ses étoiles, mais mon coeur, mon coeur a son amour.
Ne dis pas que tu m'aimes :
Je le sais bien : les plus belles choses au monde.
Le printemps et l'amour.
Sont condamnées à disparaître.