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Un travail de recherche riche, fin et précis sur le personnage de Pier Francesco Orsini et sur l'Italie du XVIe siècle en pleine Renaissance. Cette autobiographie fictive est fort accomplie sur un plan académique et dresse un tableau vivant de l'époque, qu'il s'agisse des préoccupations politiques de la petite aristocratie comme de la grande, de leur projets militaires, artistiques et financiers, de la toile d'araignée liant toutes ses familles entre elles à travers un système de relations marquées par le mariage, le meurtre, les plaisirs sexuels, les alliances et les trahisons.

Il est cependant dommage que trop peu des nombreux personnages fascinants gravitant autour de l'Orsini de Bomarzo dépassent la simple référence, beaucoup semblent peu accomplis et se perdent dans une série d'anecdotes monotones et trop factuelles, rallongeant la lecture sans vraiment l'enrichir. le personnage du prince lui-même manque parfois de crédibilité dans sa caractérisation, et l'évolution de ses sentiments envers son entourage est parfois incohérente et décousue. L'aspect fantastique du roman, souvent mis en avant dans sa présentation, est au final très anodin et secondaire, et aurait pu facilement prendre une place plus importante dans cette oeuvre. Un dernier détail m'a déplu, bien que mineur : le besoin de l'auteur de se justifier à plusieurs reprises de la moralité de l'époque, renforçant ses différences avec la notre sur bien des plans, comme s'il cherchait à s'en dérober et à s'en affranchir, un vrai paradoxe pour un projet aussi ambitieux.
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Soit l'histoire (très) romancée de Pier Francesco Orsini, duc de Bomarzo et instigateur des fabuleux et surréalistes jardins du même nom encore admirés de nos jours. Un duc né dans une célèbre famille italienne et affublé d'une tare physique qui le complexera et influencera toute sa vie : une bosse.
Dans une Renaissance italienne où règne la loi du plus fort, où meurtres, trahisons complots politiques et religieux – y avait-il une différence entre les deux à l'époque ? – sont monnaie courante, naître avec un tel handicap va obliger Pier Francesco à tracer son chemin et prendre sa destinée en main de bien singulière manière…
 
Avec Bomarzo, pas de doute, on embarque dès les premières pages dans la tradition de ces « romans monstres » dont les latino-américains ont le secret. de Carlos Fuentes à Roberto Bolaño en passant par Julio Cortazar ou Gabriel Garcia Marquez, la liste des ces écrivains capables de créer des univers hors norme est longue mais Manuel Mujica Lainez se montre à la hauteur avec un roman d'une érudition assez folle au service d'un destin plus grand que nature, le tout sur plus de 900 pages. L'auteur fait d'ailleurs preuve d'une imagination réjouissante, remplissant les nombreux blancs de la biographie de son personnage d'épisodes tour à tour grotesques, émouvants ou terrifiants ; mélangeant allègrement Histoire, science, magie ; convoquant une multitude de personnages célèbres.
 
Oui, il y a bien des richesses dans Bomarzo. D'où vient alors que je ne sois pas totalement conquis par ce tour de force ?
 
Le rythme.
 
Manuel Mujica Lainez possède un style objectivement magnifique fait de longues phrases voluptueuses et labyrinthiques (chapeau bas au passage à la traductrice, Catherine Ballestero). Mais il en abuse et cela rend la lecture parfois laborieuse : qu'on soit au coeur des batailles, au centre des complots ou dans des moments plus intimistes, tout se déroule implacablement avec le même tempo un peu « cotonneux ». Et l'excès d'érudition, la profusion d'adjectifs, de descriptions, de personnages ne font qu'ajouter au problème. Trop de noms, de parentèles imbriquées où l'on se perd en plus bien souvent, trop de tout. Il aurait clairement fallu choisir, tailler, dégraisser tout cela pour aller un peu plus à l'essentiel.
 
Aussi, malgré d'authentiques coups de génie, il reste un roman qui s'écroule parfois sous son propre poids. En ayant la dent un peu dure, j'ai plus eu l'impression d'un livre pour critiques qu'un livre pour lecteurs…
Un gros 4 étoiles pour l'ambition et les fulgurances, un petit 3 pour le plaisir de lecture.
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Incroyable lecture dont on ressort presque éreinté de tant de finesse d'écriture,de narration.
Un voyage au coeur du XVI siècle Italien où la fiction s'appuyant sur les faits historiques nous entraîne sur les pas de Pier Francesco Orsini Duc de Bomarzo et créateur de jardins baroques et monstrueux au sein de son château.
Traversant une époque où se côtoient grandeurs et violences le Duc empreint de culture et de meurtre se raconte dans une biographie romanesque centrée sur la création de ses jardins fantasmagoriques qui par un tour du destin lui apporteront l'immortalité.
Henaurme Roman
Une belle intelligence d'écriture capable de nous tenir en haleine sur plus de 900 pages jusqu'à un suberbe dénouement
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BOMARZO de MANUEL MUJICA LÀINEZ
Pier Francesco Orsini naît le 6 mars 1512, Jules 2 est pape, un pape guerrier qui vivait parmi les soldats, le Sultan Selim accède au trône, Michel Ange dévoile les plafonds de la Chapelle Sixtine et c'est la paix entre les Orsini et les Colonna!! L'horoscope de Pier Francesco est limpide, il aura une vie longue et austère, il a une particularité, il est bossu et traîne une de ses jambes, son père Gian Corrado le dédaignera dès le premier jour. En 1528, les Orsini, après le sac de Rome par les espagnols, s'installent à BOMARZO. le garçon a une grande proximité avec sa grand-mère Diane qui lui raconte l'histoire de la famille, des condottieri qui se vendent aux plus offrants et où l'inceste est fréquent. le blason des Orsini, c'est l'ours dont il sent l'odeur dans les couloirs du château. Diane lui offre une armure étrusque trouvée par un paysan en labourant les champs, par la suite on lui offrira régulièrement des objets de même origine bagues, casques, bijoux, statues etc…Il va rencontrer Benvenuto Cellini qui lui offrira une bague précieuse. Son père va l'expédier 3 ans à Florence chez les Médicis pour « apprendre la vie » il se liera d'amitié avec Alexandre et Hypollite qui n'auront de cesse de lui faire perdre sa virginité. C'est finalement Nuncia, l'improbable femme mûre qui veillait sur celle qu'il aimait, Adriana, qui s'en chargera après qu'il eut refusé les offres de Penthésilée, la somptueuse courtisane. Il a deux frères, Girolema qui reviendra de guerre couvert d'honneurs, prétentieux et odieux, qui mourra d'une chute de cheval pendant une promenade avec Pier Francisco qui aurait pu le sauver mais le laissera mourir sans lui porter secours et sans remords. Aussi, à la mort de son père c'est lui qui deviendra Duc de BOMARZO, son frère cadet Maerbele étant trop jeune( en fait il détruira un document de son père qui le déshéritait). Dès lors il sera le représentant officiel des Orsini auprès des papes et des rois ou de l'empereur Charles Quint. Il tombera amoureux de Giulia Farnèse à Bologne et demandera sa main à son père, elle a 15 ans, curieusement, il ne pourra pas l'honorer. Les années vont passer, Pier Franco va s'initier à la magie, blanche et noire, éliminer ses concurrents et se lancer avec passion dans la construction et l'aménagement d'un jardin plein de sculptures monumentales et effrayantes.
C'est un roman terriblement baroque qui fait la biographie romancée de cet homme difforme tourmenté par une sensualité à fleur de peau qui n'hésitera pas à tuer ou à faire tuer ceux qui le gênent dans ses projets. Maltraité dans son enfance, vivant au milieu d'hommes et de femmes pour lesquels la vie a peu de valeur et conscients de leur puissance, il va se tracer un chemin étonnant et solitaire.
900 pages d'une richesse qui éblouit, qui évoque avec force tout l'art de l'époque, tableaux et sculptures, joyaux et mobilier, 900 pages d'allégories qui font penser à Cortazar ou Borgès, pour rester avec les argentins mais aussi et peut-être encore plus à Umberto Éco dans Baudolino où le Pendule de Foucault.
Somptueuse reconstitution romancée de cette période où les papes se battaient et troussaient les filles comme les condottieri. Lisez ce roman vous ne pourrez l'oublier.
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Le quatrième de couverture annonçait "Bomarzo" comme un "chef-d'oeuvre de la littérature sud-américaine" et les commentaires enthousiastes m'avaient mis l'eau à la bouche. J'avais vraiment envie de l'aimer, ce "roman-monstre" célébré lors de sa réédition par l'excellent François Angelier...

Las, après m'être forcé pendant quelque 250 pages, j'ai fini par abandonner le pavé de Mujica Láinez. En cause : le style, pas déplaisant, mais que j'ai trouvé finalement assez plat, et puis l'impression fâcheuse de lire une sorte de best-of de la Renaissance italienne : un peu de Michel-Ange par-ci, un peu de Catherine de Médicis par-là... On a parfois la sensation que Mujica Láinez a cherché à placer tout ce qu'il avait pu glaner sur la période.

Surtout, on peine à sentir la personnalité de l'auteur derrière cette suite de tableaux sans mystère et sans émotion. On ne vibre guère en lisant "Bomarzo". Là où un Proust, auquel Mujica Láinez est parfois comparé, aurait su par la force de ses images nous rendre sensible la souffrance psychologique de son disgracieux narrateur, rejeté par sa famille et par la gent féminine à cause d'une bosse honteuse, notre Argentin se contente d'écrire en toutes lettres qu'il souffre. Résultat, on ne se sent pas concerné par la douleur du protagoniste et on finit par se lasser de suivre ses (longues) péripéties dans une Renaissance un peu toc où se côtoient, comme il se doit, la "violence" et la "beauté"... Une déception !
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Il faut avoir toute l'arrogance d'un prince de la renaissance pour y prétendre.
Un lourd - ça fait du boucan quand il tombe des mains -, volumineux, foisonnant et tourbillonnant roman.
Ce fut une lecture exigeante, très. A moins d'être féru d'histoire et passionné de la renaissance italienne, internet et wiki machin seront vos compagnons de route.
C'est un peu comme une course à pied un peu technique : qu'est-ce que ça fait du bien quand ça s'arrête.
Voilà, il est lu.
Ça tue, ça empoisonne, ça ferraille.
Ça aspire à la beauté mais ça viole, ça rapine, ça assassine.


J'ai toujours un peu de mal avec ces romans d'écrits comme de puissants chefs d'oeuvres. Non que ce roman soit une daube. Loin de là.
Mais c'est une fresque historique immense qui m'aura très souvent laissée sur le bord du chemin.
On retrouve les Borgia, les Médicis ; on y croise Michel Ange et le Titien, et même Cervantes. Les batards et les légitimes.
Écriture et traduction : 5/5
Plaisir de lecture : très fluctuant
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Il est étonnant qu'un tel roman ait une aussi faible notoriété. A la fois biographie, fresque historique et encyclopédie de l'art de la Renaissance, Bormazo accumule les qualités sur près de mille pages somptueuses et flamboyantes.
Pour le lecteur les efforts sont à la hauteur du plaisir, la langue de Manuel Mujica Lainez est souvent labyrinthique, riche d'un vocabulaire d'esthète d'une précision implacable. Les premiers pas sont ardus mais la magie finit par aboutir à un total envoutement.

La biographie imaginaire est celle de Pier Francesco (Vicino) Orsini qui a réellement existé. Ce rejeton d'une des plus prestigieuses familles italiennes, entre dans la vie en 1523 bossu et trainant la jambe mais avec une promesse d'éternité. Pour un Orsini une difformité est un handicap insupportable, impossible d'être un chef de guerre ou un magnifique prélat comme tous ses ancêtres. Vicino, orphelin de mère, rejeté par son père, moqué par ses frères, ne trouve du réconfort qu'auprès de sa grand-mère qui lui enseigne l'histoire de sa famille et toutes les ramifications d'une généalogie séculaire.

Le jeune homme bafoué va développer une personnalité sombre et orgueilleuse avec pour ambition d'obtenir le titre de duc de Bormazo que ne lui donne pas son ordre de naissance, tout sera bon pour assouvir son besoin de pouvoir y compris magie et occultisme. Les crimes ne l'effraient pas et sa dureté, forgée par une enfance douloureuse le protège de toute empathie. de même l'absence d'amour familial le pousse à une luxure débordante mais vide de sens.
Le portrait de Vicino peint par Lorenzo Lotto est édifiant : on y voit un homme encore jeune au visage fin et altier penché sur un livre mais avec un regard absent qui laisse deviner une personnalité insondable et pour tout dire inquiétante.

La fresque historique est celle de la Renaissance italienne où s'affrontent les grandes familles mais aussi les rois Charles Quint, François 1er, Grand Turc et autres électeurs allemands sans oublier les papes issus de complots et autres arrangements politiques. Si Vicino n'est pas au premier plan rien de ce qui se passe dans les coulisses ne lui est inconnu et il décrit cette époque où poisons et poignards frappent au moment opportun et où tous ces bons catholiques ne suivent guère les commandements de l'Eglise.

Enfin Orsini aime l'art et les artistes, avec eux son infirmité n'est plus un handicap, son titre, son argent, mais surtout son sens artistique lui feront croiser tout ce que la Renaissance compte de grands artistes depuis Michel Ange jusqu'à Benvenuto Cellini. Ce qui vaut au lecteur des descriptions éblouissantes de leurs oeuvres et de leur art.
Arrivé au sommet de son parcours, ayant atteint son ambition le duc de Bomarzo, constatant sa solitude, le vide autour de lui, se lancera dans une grande oeuvre qui lui assure encore aujourd'hui l'immortalité promise par les astrologues.

Si Pier Francesco Orsini a laissé les extraordinaires jardins de Bomarzo, peuplés de monstres et de figures allégoriques représentant sa vie tourmentée, Manuel Mujica Lainez nous a légué une oeuvre monumentale et pour tout dire extravagante mais qui lui vaudra, je l'espère, une reconnaissance éternelle. Car rien ne manque dans ce roman : de la construction d'un individu bâti sur la rancoeur et la frustration mais appartenant à une lignée dont il ne peut renier les valeurs. Une analyse fine des rapports amoureux où l'image de l'être aimé est supérieure à sa réalité et cause de bien des déceptions. L'orgueil et la soif du pourvoir qui font tomber une à une les barrières de la morale. Et enfin l'art qui absout à condition d'être une création et pas seulement une possession de plus.
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Bomarzo est une véritable parenthèse à la monotonie du quotidien, il vous transporte dans d'autres époques d'autres moeurs, loin des autofictions molles et vaporeuses.
La Renaissance du XVIe y resplendit d'hérésies baroques et de cruauté raffinée, Manuel Mujica Lainez nous promène entre la splendeur florentine, la volupté vénitienne et la solennité des ors romains avec une écriture classique d'une incroyable densité immersive. La galerie de personnages rencontrés ne manque pas d'offrir des tableaux de moeurs qui font mouche, on peut se sentir étourdi par la vanité, la férocité et l'opulence de ce monde.
Mais ces pages tiennent lieu avant tout d'autobiographie fictive.
Par un habile dispositif narratif, l'aristocrate Pier Francesco Orsini parcourt le labyrinthe de sa vie éclairé de sensibilité exacerbée collée à sa difformité physique et d'orgueil dynastique, d'ombres fantasques surgies de sa lignée prestigieuse et des fondations étrusques sur lesquelles repose le château de Bomarzo. Traversé par l'électricité d'une vie intérieure constamment attisée, il incarne à la perfection cet être meurtri et humilié pendant l'enfance qui n'a jamais su trouvé d'autres défenses que la prétention et une méfiance dévorante.
Toujours à flanc d'émotion, c'est un roman où l'égocentrisme et la frustration ne cessent de se heurter mais en goûtant à l'amer fruit de l'introspection rigoureuse, le narrateur lui donne une lucidité implacable.

Reste que cela ne dit rien de la fascination que suscite la construction imaginée par l'auteur. Dans cette fiction ample, précieuse, érudite, notre Orsini mal-aimé tient fermement les fils de la narration entre ses mains tout en s'amusant avec une temporalité singulière. En se prêtant à l'exercice autobiographique, la question métaphysique de la mort s'impose, comme à tout être humain, mais l'écrivain argentin a inventé une ruse pour domestiquer le sentiment du temps qui nous traverse, auréolant le texte d'une touche de mystère...

J'ai dévoré ce roman avec frénésie, la même qui accompagne les personnages de cette chimère, une fantaisie drapée dans un réalisme saisissant. En alchimiste averti, Manuel Mujica Lainez mêle toutes les matières réactives qui ont animé les riches familles séculaires comme les milieux d'affaire de l'époque, permettant à cette biographie de se déployer en-dehors d'elle-même et de projeter le narcissisme du rejeton Orsini dans un roman d'aventures palpitant.
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Bomarzo est la biographie imaginaire de Pier Francesco Orsini et de ses liens avec le lieu de Bomarzo.

Je ne ferai pas de résumé, d'autres l'ont très bien fait.

C'est une lecture exigente. J'ai eu quelques difficultés avec les très longues phrases de l'auteur. Toutefois, j'ai beaucoup aimé ce livre. Cette plongée dans la Renaissance italienne est passionnante. L'auteur arrive à ressusciter toute une époque avec ses habitants, sa culture et ses moeurs. Les allusions à des événements postérieurs sont parfaitement justifiés par l'immortalité de Pier Francesco Orsini. C'est un livre qu'il faut lire, c'est un grand livre.

Ce fut une très belle découverte et je remercie Babelio et les Éditions du Cherche Midi pour l'envoi de cet ouvrage dans le cadre de l'opération Masse Critique de janvier 2023.
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Publié en 1962, réédité en janvier 2023 par les éditions le Cherche Midi, Bomarzo a la réputation d'être un chef d'oeuvre de la littérature argentine. Lorsqu'on le referme, on se dit que cette réputation flatteuse n'est pas usurpée et qu'on vient de rencontrer un grand roman, un de ceux qu'on n'oubliera pas.

Bomarzo est un roman historique hors-norme, et pas uniquement parce qu'il se présente avec plus de neuf cents pages au garrot. Manuel Mujica Láinez a composé une fresque aussi flamboyante que captivante autour de la vie de Pier Francesco Orsini ( 1523-1583 ), duc de Bomarzo et condottiere, dont on ne sait pas grand chose si ce n'est que c'est le père du Parc des monstres, le jardin le plus extravagant de la Renaissance italienne avec ses sculptures monumentales taillées à même la roche à proximité de son château ducal.

La longueur du roman peut décourager mais dès les premières pages, le lecteur est ferré par l'extraordinaire ouverture qui présente l'horoscope commandé par son père à sa naissance, signalant d'importantes contradictions dans la cartographie de son existence à venir : promesse d'une réussite éclatante mais accompagnée de malheurs infinis, conjuguée à une mystérieuse absence de terme à sa vie ... comme s'il était voué à l'immortalité.

C'est le duc lui-même qui mène le récit, en surplomb, empli d'une sagesse qu'il n'est parvenu à acquérir durant sa vie mortelle. Inoubliable narrateur qui semble flotter au-dessus des âges, comme si l'immortalité promise était advenue et qu'il racontait depuis le XXème siècle, faisant régulièrement des références largement anachroniques ( par exemple à Nerval, « Je suis le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé, le Prince d'Aquitaine à la tour abolie ma seule étoile est morte, et mon luth constellé porte le soleil noir de la Mélancolie » , ces vers semblent avoir été écrits pour lui ).

« Quand on m'avait promis une vie éternelle, j'avais frémi d'arrogance folle, comme si on eût offert un incomparable instrument à mon désir de vaincre, d'imposer mon extravagance médiocre, tyrannique et absurde qui ne reculait pas devant le sang des autres, parce que mon pauvre corps s'alimentait de sang pour oublier sa pauvre forme et que mon âme, aussi mesquine que mon corps, avait été infectée par lui et s'était tordue comme lui. »

Le personnage du duc est fascinant. Figure maudite et complexe, il lutte toute sa vie pour surmonter sa difformité physique ( il est bossu et boiteux ), être aimé, célébré, reconnu sans jamais parvenir à maitriser un torrent d'émotions dévastatrices ( jalousie, envie, vengeance, désespoir ) le poussant au crime et à la dépravation morale, et l'amenant également à la magie noire et la recherche alchimique de la pierre philosophale.

Cette autobiographie monologuée ranime en technicolor toute la magnificence et la violence de la Renaissance italienne du XVIème siècle. Manuel Mujica Láinez parsème sa fresque panoramique de faits historiques marquants : le sac de Rome en 1527 par les troupes mutines de Charles Quint, le couronnement de ce dernier comme Empereur des Romains en 1530, la bataille de Lépante en 1571 voyant la victoire de la flotte de la Sainte-Ligue contre la flotte ottomane. le tout peuplé de très nombreux personnages des guerres d'Italie, les papes Jules II et Clément VII, le médecin Paracelse, Catherine de Médicis, l'orfèvre sculpteur Cellini, et toute la clique noble des Orsini, Colonna, Médicis ou Farnèse qui complotent, forniquent et assassinent à tour de bras. La prose baroque et fiévreuse de l'auteur finit d'emporter totalement le lecteur.

C'est d'une densité folle, d'une intensité rare, l'auteur trouvant un équilibre parfait entre fantaisie et érudition pour raconter dans les derniers chapitres la genèse détaillée ( et totalement fictive ) des sculptures réelles du Parc des Monstres : entre autres, un éléphant surmonté d'une tour crénelé, une sirène assise faisant un grand écart avec sa double queue, et surtout une tête monstrueuse à la bouche dantesquement béante dans laquelle on peut pénétrer ... autant d'énigmes, autant de secrets liés à la vie de Pier Francesco Orsini qu'a imaginé l'auteur avec un brio incandescent.

«  L'amour, l'art, la guerre, les espoirs et les désespoirs ... tout sortirait de ces rochers dans lesquels mes ancêtres n'avaient vu, depuis des siècles, qu'un désordre de la nature. Ils m'entoureraient et je ne pourrais mourir, je ne mourrais pas. J'aurais écrit un livre de pierres et serais la matière ce livre sans rival. »

Un régal !
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