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Citations sur Beatus ille (21)

Vous, qui n’avez pas connu cette époque, qui aviez le droit de n’avoir pas de mémoire, qui avez ouvert les yeux quand la guerre était depuis longtemps finie et que nous étions, nous tous, condamnés depuis plusieurs années à la honte et à la mort, exilés, enterrés, enfermés dans des prisons ou dans l’habitude de la peur.
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- Une Œuvre, Manuel, tout le monde cherche et a une Œuvre, avec un O majuscule, comme Juan Ramón Jiménez. Ils se promènent tous dans la rue avec le O du mot Œuvre au cou, comme si c’était le cadre du portrait sur lequel ils posent déjà pour la postérité.
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Il voyait autour de lui des visages inconnus qui s'agglutinaient devant le bar et autour des tables voisines avec leurs classeurs et leurs manteaux qui semblaient les protéger avec la même efficacité de l'hiver et du moindre soupçon de peur, plein d'assurance dans l'air chaud et la brume de tabac et des voix, bien fermes sur leurs noms,  leur avenir choisi, ignorant la sourde présence parmi eux des émissaires de la tyrannie, aussi irrévocablement qu'ils ignorent, ces fils de l'oubli, que les pinèdes et les briques rouges qu'ils viennent de traverser ont été,  il y a trente ans, un champ de bataille.
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Elle a tout doucement fermé la porte et elle est sortie sans faire de bruit comme lorsqu'on quitte, à minuit,  un malade qui vient de s'endormir. J'ai écouté ses pas s'éloigner lentement dans le couloir,  redoutant ou désirant qu'elle revienne, au dernier moment,  poser sa valise au pied au pied de mon lit et s'y asseoir avec un air de renoncement ou de lassitude, comme si déjà elle rentrait de ce voyage qu'avant ce soir elle n'a jamais pu faire. Quand la porte s'est refermée,  ma chambre a été plongée dans l'obscurité, et seul m'éclaire encore un mince rayon de lumière venu du couloir, qui se glisse jusqu'à mon lit; mais dans l'embrasure de la fenêtre le ciel est bleu sombre, et les volets ouverts laissent entrer un air de nuit d'été tout proche, une nuit déchirée,  au loin, par le sifflet des express qui suivent la livide vallée du Guadalquivir (...).

(Incipit)
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Il devait y revenir après le service et l'enterrement pour récupérer ses bagages, mais il lui sembla, en se laissant aller contre le dossier de son siège, tandis que le parfum des acacias et la place s'estompaient derrière eux, qu'il s'en allait pour toujours, non seulement de la maison déserte et fermée maintenant, mais aussi d'Inès, et de tous ceux qui avaient habité là, d'une partie de sa vie qui cesserait très vite de lui appartenir, inaccessible à un quelconque retour et au souvenir, parce que se souvenir et revenir, il ne le sait pas encore, sont des exercices aussi inutiles que de demander à un miroir des comptes du visage qui, une heure, un jour ou trente ans plus tôt, s'y est regardé.
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Il se rappela alors quelque chose que Jacinto Solana lui avait dit dans une lettre très ancienne : les mots, la littérature ne sont pas dans la conscience de celui qui écrit, mais dans ses doigts, sur son papier et dans sa machine à écrire, comme les statues de Michel-Ange dans le bloc de marbre où elles apparaissent.
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"Pourquoi n'écris-tu pas un vrai livre ?" disait-il, (...). Un seul livre qui aurait l'aspect mystérieux qui était celui de tous les livres de mon enfance : un objet dense et nécessaire, un volume lourd de la géométrie des mots et de la matière du papier, avec des coins durs et des couvertures usées par la longue fréquentation de l'imagination et des mains.
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Seuls Orlando et moi, séparés par la table du cabinet sur laquelle était posé le dessin, sous la lumière de la lampe, rien d'autre que le profils de Mariana tracé sur le papier et peut-être, sur le fond sombre des rayonnages de la bibliothèque, la voix d'Orlando qui battait comme mon sang à mes tempes, avec la lourde indolence de l'alcool. Je me redressai en m'appuyant au rebord de la table, gauche et lâche en face des pupilles pas exactement humaines d'Orlando. "Laisse-moi tranquille" lui dis-je, "va-t'en et laisse-moi seul", mais il ne bougea pas encore et n'écarta pas ses yeux des miens. Il effleurait, il donnait doucement de petits coups sur la surface de son carton à dessin de ses doigts courts et sales de peinture et la sueur perlait sur son cou et dans les rares cheveux de son front comme un maquillage qui se serait défait sous la lumière trop proche de la lampe. "Ce n'est pas la peine d'élever la voix comme ça, Solana, je ne suis pas ta conscience. Je me moque de ce que tu ne feras pas cette nuit, comme de ce qu'elle ne fera pas. Quand elle aura fini sa cigarette ou son verre, elle ira se coucher ou essayer encore une fois sa robe de mariée et tu auras l'occasion de t'offrir une nouvelle nuit d'insomnie. Ce n'est pas moi qui discuterais à qui que ce soit, et encore moins à toi, le droit de forger son propre échec. Mais je suppose que tu me comprendras si je te dis que l'amour m'a simplifié la vie. La seule chose qui m'importe c'est de peindre et d'avoir Santiago avec moi. Je sais qu'il s'en ira comme il est venu, qu'il est plus que probable qu'il me quittera quand nous rentrerons à Madrid et que je mourrai quand il partira, mais même ça, ça ne me fait pas peur, Solana, la peur est un piège, comme la honte, et moi, en ce moment, je suis vivant et je suis invulnérable".
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C'était comme les autres fois, lors de toutes les années passées, quand je la raccompagnais jusqu'à la porte de chez elle en comptant les pas et les minutes qui restaient avant d'arriver et en sachant que je la laisserais seule chercher la clé de sa porte d'entrée, et que je rentrerais ensuite par les mêmes rues, en espérant, avec une sensation infinie de désir et d'échec, que les pas que j'entendais dans mon dos étaient les siens, que c'était sa voix qui me demandait de revenir avec elle, qui inventait une excuse, qui m'offrait un dernier verre. Tout comme alors, quand je me retournais en croyant qu'on m'appelait et que c'était elle qui prononçait mon nom, je l'entendis, proche et impossible, j'entendis son rire faire irruption dans la salle à manger, et quand je me retournai vers la porte, craignant que le mirage de sa voix ne soit qu'un des pièges habituels du désir, je les trouvai tous les deux, Mariana et Manuel, enlacés, et ils se séparèrent en me voyant, car ils ne s'étreignaient jamais en ma présence.
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Elle m'appartenait sans limites maintenant, non pas à moi, qui allais la perdre, mais à la tendresse de mes yeux qui ajoutaient, à l'intérieur tiède de la voiture, des images nouvelles et inconnues à la silhouette de Mariana. Mariana de profil contre la vitre, ses mains relâchées ou fermes sur le volant, ses cheveux châtains relevés, puis tombant sur le front, et le geste rapide de sa main pour les écarter et revenir aussitôt se poser sur le levier du frein, son front, son nez et sa bouche, et de l'autre côté les rues de Magina, fugitivement reconnues, le cimetière, au loin, au milieu des terrains vagues, les ombres des tilleuls qui tour à tour dérobaient son visage et la rendaient à la lumière, son rire, quand elle arrêta la voiture devant la gare, comme si nous étions arrivés au point culminant d'une aventure.
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