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Citations sur Beatus ille (21)

Elle a tout doucement fermé la porte et elle est sortie sans faire de bruit comme lorsqu'on quitte, à minuit,  un malade qui vient de s'endormir. J'ai écouté ses pas s'éloigner lentement dans le couloir,  redoutant ou désirant qu'elle revienne, au dernier moment,  poser sa valise au pied au pied de mon lit et s'y asseoir avec un air de renoncement ou de lassitude, comme si déjà elle rentrait de ce voyage qu'avant ce soir elle n'a jamais pu faire. Quand la porte s'est refermée,  ma chambre a été plongée dans l'obscurité, et seul m'éclaire encore un mince rayon de lumière venu du couloir, qui se glisse jusqu'à mon lit; mais dans l'embrasure de la fenêtre le ciel est bleu sombre, et les volets ouverts laissent entrer un air de nuit d'été tout proche, une nuit déchirée,  au loin, par le sifflet des express qui suivent la livide vallée du Guadalquivir (...).

(Incipit)
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Il voyait autour de lui des visages inconnus qui s'agglutinaient devant le bar et autour des tables voisines avec leurs classeurs et leurs manteaux qui semblaient les protéger avec la même efficacité de l'hiver et du moindre soupçon de peur, plein d'assurance dans l'air chaud et la brume de tabac et des voix, bien fermes sur leurs noms,  leur avenir choisi, ignorant la sourde présence parmi eux des émissaires de la tyrannie, aussi irrévocablement qu'ils ignorent, ces fils de l'oubli, que les pinèdes et les briques rouges qu'ils viennent de traverser ont été,  il y a trente ans, un champ de bataille.
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Les choses n'existent que s'il y a quelqu'un, interlocuteur ou témoin, qui nous permette de nous souvenir qu'un jour elles ont été vraies.
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Ce qui compte, ce n'est pas qu'une histoire soit vraie ou fausse, c'est qu'on sache la raconter.
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Comme il sortait, il la vit de profil, silhouette sombre et cheveux blancs éblouissants contre la pâle clarté de la baie vitrée et le bleu opaque et pourpré du crépuscule sur les toits.
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Seul celui qui choisit sa mort et l'heure de mourir acquiert en échange le droit magnifique d'arrêter le temps.
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Seuls Orlando et moi, séparés par la table du cabinet sur laquelle était posé le dessin, sous la lumière de la lampe, rien d'autre que le profils de Mariana tracé sur le papier et peut-être, sur le fond sombre des rayonnages de la bibliothèque, la voix d'Orlando qui battait comme mon sang à mes tempes, avec la lourde indolence de l'alcool. Je me redressai en m'appuyant au rebord de la table, gauche et lâche en face des pupilles pas exactement humaines d'Orlando. "Laisse-moi tranquille" lui dis-je, "va-t'en et laisse-moi seul", mais il ne bougea pas encore et n'écarta pas ses yeux des miens. Il effleurait, il donnait doucement de petits coups sur la surface de son carton à dessin de ses doigts courts et sales de peinture et la sueur perlait sur son cou et dans les rares cheveux de son front comme un maquillage qui se serait défait sous la lumière trop proche de la lampe. "Ce n'est pas la peine d'élever la voix comme ça, Solana, je ne suis pas ta conscience. Je me moque de ce que tu ne feras pas cette nuit, comme de ce qu'elle ne fera pas. Quand elle aura fini sa cigarette ou son verre, elle ira se coucher ou essayer encore une fois sa robe de mariée et tu auras l'occasion de t'offrir une nouvelle nuit d'insomnie. Ce n'est pas moi qui discuterais à qui que ce soit, et encore moins à toi, le droit de forger son propre échec. Mais je suppose que tu me comprendras si je te dis que l'amour m'a simplifié la vie. La seule chose qui m'importe c'est de peindre et d'avoir Santiago avec moi. Je sais qu'il s'en ira comme il est venu, qu'il est plus que probable qu'il me quittera quand nous rentrerons à Madrid et que je mourrai quand il partira, mais même ça, ça ne me fait pas peur, Solana, la peur est un piège, comme la honte, et moi, en ce moment, je suis vivant et je suis invulnérable".
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Il devait y revenir après le service et l'enterrement pour récupérer ses bagages, mais il lui sembla, en se laissant aller contre le dossier de son siège, tandis que le parfum des acacias et la place s'estompaient derrière eux, qu'il s'en allait pour toujours, non seulement de la maison déserte et fermée maintenant, mais aussi d'Inès, et de tous ceux qui avaient habité là, d'une partie de sa vie qui cesserait très vite de lui appartenir, inaccessible à un quelconque retour et au souvenir, parce que se souvenir et revenir, il ne le sait pas encore, sont des exercices aussi inutiles que de demander à un miroir des comptes du visage qui, une heure, un jour ou trente ans plus tôt, s'y est regardé.
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Il se rappela alors quelque chose que Jacinto Solana lui avait dit dans une lettre très ancienne : les mots, la littérature ne sont pas dans la conscience de celui qui écrit, mais dans ses doigts, sur son papier et dans sa machine à écrire, comme les statues de Michel-Ange dans le bloc de marbre où elles apparaissent.
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"Pourquoi n'écris-tu pas un vrai livre ?" disait-il, (...). Un seul livre qui aurait l'aspect mystérieux qui était celui de tous les livres de mon enfance : un objet dense et nécessaire, un volume lourd de la géométrie des mots et de la matière du papier, avec des coins durs et des couvertures usées par la longue fréquentation de l'imagination et des mains.
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