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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tout ayant été mis en place, avec force détails, dans le premier tome, nous n'avons plus qu'à nous laisser porter par la plume prolixe d'Haruki Murakami.

Le narrateur est en proie à de multiples tracas. Les questions qu'il se pose et se posera toujours concernant son mystérieux ami Menshiki, beau, riche, raffiné, cultivé, mais qui garde au sein de sa luxueuse maison une pièce interdite. Les apparitions aléatoires du Commandeur, la clochette qui joue les filles de l'air… Tout cela sans un crescendo qui arrive à son acmé avec la disparition de la jeune fille dont il tente de réaliser le portrait.


Ça, c'est pour l'action et sur les 900 pages que comptent les deux volumes, on peut dire que les rebondissements ne manquent pas. Et pourtant, tout au long de cette histoire, qui comme à l'accoutumée chez l'auteur, mêle fantastique, onirisme et réalité la plus basique : les détails du quotidien abondent, jusqu'à une sensation de trop plein. Est-il vraiment nécessaire de détailler la préparation d'un apéro de l'ouverture de la porte du frigo pour prendre des glaçons, au remplissage du verre avec tel marque de whisky, en précisant la qualité restante dans la bouteille? Est-il nécessaire de redécrire chaque personnage à chacune de leur apparition. Ou de répéter les caractéristiques techniques du moteur de la Jaguar de Menshiki? La liste pourrait s'allonger à l'infini. Et les 900 pages pourraient , sans nuire au plaisir, être condensées en 500. Il se pourrait même que cela donne plus de force au roman.


Il n'en reste pas moins que c'est un Murakami qui tient la route, en particulier pour l'analyse des mécanismes de la création artistique et pour l'art de manier le fantastique, sans que l'on puisse vraiment discerner ce qui revient à l'imagination des personnages ou à la réelle présence d'entités surnaturelles.

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« le Meurtre du Commandeur » invite à suivre les pas d'un peintre en mal d'inspiration. Lorsque sa femme lui annonce qu'elle veut divorcer, il quitte Tokyo et trouve refuge à Odawara, dans la maison de Tomohiko Amada, célèbre peintre japonais, grand spécialiste de la peinture traditionnelle japonaise, le nihonga. C'est là, isolé de tous au sommet d'une montagne, que Wataru Menshiki, un homme riche et mystérieux, lui propose une somme exubérante pour exécuter son portrait…

Après une première brique de 500 pages qui faisait office d'introduction, cette suite permet de retrouver les personnages intrigants et hauts en couleurs imaginés par Haruki Murakami. du narrateur au charismatique Wataru Menshiki, en passant par le petit commandeur ou le mystérieux inconnu à la Subaru blanche, les personnages de Murakami continuent de captiver le lecteur de la première à la dernière page.

À l'instar du premier volet, le rythme de cette suite est à nouveau très lent et le style particulièrement descriptif et répétitif. Cette capacité typiquement nippone qui consiste à restituer des émotions profondes en capturant avec brio les silences et les non-dits, ces petites choses insignifiantes du quotidien qui font tout le sel de la vie, fait donc à nouveau mouche.

Le plus gros changement par rapport au tome précédent est la part de fantastique qui prend plus de place, à l'image du voyage improbable effectué par le narrateur. de cette clochette bouddhiste qui tintait dans la nuit à cette idée qui prenait forme sous les traits d'un petit personnage grotesque, en passant par cet homme sans visage qui réclamait son portrait dès le prologue, Haruki Murakami insufflait déjà une solide touche de surnaturel lors du tome précédent, mais le passage effectué par le narrateur dans un « autre monde » m'a un peu trop déstabilisé. Si les phénomènes étranges parvenaient à entretenir le mystère lors du tome précédent, mon esprit (trop) cartésien a eu plus de mal avec cette conclusion qui abandonne le lecteur avec plusieurs fils narratifs ouverts et des explications finalement assez irrationnelles.

J'ai également eu un peu de mal avec l'obsession croissante du narrateur vis-à-vis des poitrines des personnages féminins et j'ai trouvé dommage qu'il peigne moins sur la fin car Haruki Murakami a un véritable talent pour décrire le processus de la création artistique, comme si chaque tableau prenait vie sous nos yeux tout en dévoilant la nature profonde du créateur et de son sujet.

Bref, malgré un aspect symbolique plus appuyé et des pensées philosophiques particulièrement intéressantes, le manque d'ancrage avec la réalité m'a un peu trop déstabilisé lors de cette suite.
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Que dire de plus du Livre I, à part que Haruki Murakami joue avec l'imagination du lecteur. Des surprises, j'en en ai encore eu, mais de bonne surprises. Plus d'une fois, j'entrevoyais une suite néfaste vis-à-vis de l'un ou l'autre personnage, quelque chose de malsain, de plus glauque. Mais je me trompais ! Peut-être est-ce d'avoir lu des thrillers, des romans noirs qui fait que mon esprit est un peu habitué à des lectures d'un autre genre. Ou est-ce ma face cachée de penser ainsi ?... Parce la face cachée de chaque personnage de ce livre est un élément important pour l'auteur. Il entre'ouvre la porte et laisse au lecteur le choix de penser à ce qu'il veut.

Un passage m'a assez impressionnée. Lorsque le héros franchit la limite du réel pour entrer dans un monde sans vie, où les odeurs sont inexistantes, où le bruit est absent, où la notion du temps est, comment dire... toute chamboulée. Un fois terminé ce long chapitre, j'ai mis le marque-page, puis fermé le livre doucement, dans une sorte de torpeur. Il faisait tout d'un coup très noir, la nuit était bien installée. Et je me suis aperçue que ma notion du temps était, elle aussi, toute chamboulée.

Le Meurtre du Commandeur a été une très bonne lecture. du début à la fin. Mais quelque chose, je ne sais pas quoi, m'empêche de lui attribuer 5 étoiles.
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Le meurtre du commandeur est un tableau qui ne voulait pas de contemplateur. Il a été conçu dans le secret de son créateur. En soulagement d'une blessure, comme la parole libère le coeur de celui que la vie a traumatisé.

Portraitiste de renom, le narrateur anonyme de cet ouvrage en deux tomes sera le profanateur involontaire du secret piégé sur la toile par le vieux peintre Tomohiko Amada. Les intentions du créateur prendront corps et ouvriront alors le peintre du figuratif à la vraie nature de ses modèles. Pas celle dont les traits du visage se figent sous son pinceau, mais bien l'intimité de tout un chacun, obscure à tout autre.

Un lien se crée alors entre la toile conçue pour rester dans l'ignorance du monde et la réalité. Les concepts se matérialisent quand les événements s'enchaînent. Idée, métaphore prennent corps, interpellent et guident le portraitiste dans la compréhension du monde qui l'entoure, des êtres qui y évoluent. En particulier ce voisin singulier, Wataru Menshiki, et la jeune fille secrète, Marié Akikawa, dont il a entrepris de faire les portraits. L'abstraction de leur personnalité sous le pinceau de l'artiste, en exploration de leur moi intérieur, pourrait-elle mettre à jour une filiation ?

Lorsque la jeune fille disparaît, le portraitiste est conduit sur ses traces par un environnement surnaturel dans lequel s'interpénètrent esprits, concepts et créatures de l'imaginaire. Les êtres humains quant à eux, prisonniers "de l'espace, du temps et de la probabilité", ressentent l'oppressante claustrophobie de leur propre condition. Les parois qui se resserrent sur eux sont celles de leurs souvenirs, préjugés et autre inhibitions.

À la fréquentation de l'irrationnel il faut s'attendre à être déstabilisé. Haruki Murakami est orfèvre en la matière. Avec un développement très maîtrisé de l'intrigue, il retient son lecteur dans un qui-vive permanent. Chaque personnage peut créer la surprise et être potentiellement celui qui détient la clé des énigmes, lesquelles s'additionnent, s'enchaînent, se superposent. Les rebondissements se glissent dans les banalités du quotidien. Il n'y a pas avec Haruki Murakami de mystère planté au début de l'ouvrage qui trouve sa solution en dernier chapitre. Il conçoit celui-ci comme un distillat de l'imaginaire, dans lequel logique n'a pas sa place. Une forme originale de traiter les questions qui nous obsèdent. Toujours les mêmes.

J'ai toutefois un regret dans cet ouvrage. Certaines de ces obsessions que j'aurais bien voulu voir reliées plus intimement à la trame générale, le rôle de l'homme à la Subaru blanche par exemple. Mais soit, Haruki Murakami nous dit-il pas page 352 qu'il y a "des choses que nous ne pouvons ni ne devons expliquer."

Le meurtre du commandeur ; du romanesque de haut vol, à recommander à qui ne craint pas l'irrationnel pour traiter de nos obsessions bien réelles.
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En me plongeant avec avidité dans ce deuxième volet du diptyque le Meurtre du Commandeur, j'ai retrouvé les protagonistes du roman en proie à leurs tourments et fantômes respectifs. le narrateur retrouve le chemin de la création artistique, mais ce chemin est tortueux et réveille des souvenirs lancinants. Il côtoie l'insondable Menshiki dont on apprécie l'élégance et le savoir-vivre, sans pouvoir s'empêcher de s'interroger : jusqu'où comprendre, cautionner et soutenir sa détermination obsessionnelle à entretenir l'hypothèse de la paternité de la jeune Marié ? Cette dernière est à l'affût, attendant fébrilement de se transformer en femme et se sentant constamment observée. Et il y a aussi évidemment le vieux peintre Tomohiko Amada, hanté à l'aube de sa vie par des drames anciens…

Tous pressentent l'imminence de quelque chose d'inattendu et la tension monte. On évolue dans des lieux étranges, en proie à une confusion croissante des repères spatiaux-temporels : ce glissement naît-il de l'irruption dans le quotidien de l'explicable et du surnaturel ? Des subjectivités singulières des personnages, entre lesquelles se creuserait un écart grandissant ? Ou d'un enchevêtrement entre réalité et métaphore ? de fait, la vie peut parfois évoquer un tunnel étroit, mais il faut bien aller de l'avant, quitte à consentir à quelque sacrifice pour cela…

L'écriture de Murakami est décidément envoutante : limpide, densément évocatrice, hypnotisante. Certaines bifurcations de l'intrigue peuvent certes sembler arbitraires, mais on se laisse de bonne grâce emmener dans cette déambulation initiatique et inviter à des réflexions vertigineuses sur l'art, les contingences, le libre-arbitre, le courage, le sens et la filiation. En revanche, j'avoue qu'en achevant ce roman aussi rapidement que le permet le rythme de la fin de l'année, j'ai été un peu frustrée par la conclusion de plusieurs fils narratifs que l'auteur décide de laisser en suspens… Un peu comme son protagoniste qui décide de laisser inachevées certaines de ses toiles. Résultat : je reste, comme lui, hantée par mes questionnements et un peu désemparée quant à la portée symbolique de cette métaphore qui se déplace.
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Il n'existe aucune certitude fiable en ce monde. Cette phrase, écrite par Haruki Murakami dans le meurtre du Commandeur, et qui reflète les pensées de son narrateur, résume d'une certaine façon toute l'oeuvre de l'écrivain japonais. Et plus particulièrement dans le livre 2 de son dernier roman (joliment intitulé La métaphore se déplace) dont une grande partie se déroule dans un univers onirico-fantastique alors que son héros doit essayer de ne pas succomber aux forces du mal en crapahutant dans un souterrain étroit durant un temps difficile à déterminer. Pourquoi cette douloureuse épreuve ? Pour retrouver une fillette disparue dont il a fait le portrait (rappelons qu'il est peintre) et avec laquelle il a lié une relation d'amitié et de connivence. Ce long passage est censé être le point d'orgue et l'acmé de ce roman-fleuve. Ce n'est pourtant pas le meilleur (avis personnel) tant Murakami est bien plus passionnant quand il évoque le quotidien presque heure par heure de son personnage principal avec la douce mélancolie de quelqu'un qui se pose de nombreuses questions sur le sens de sa vie, de ses amours, de ses emm..... le meurtre du Commandeur est admirablement agencé reliant avec un grand naturel êtres réels et imaginaires, ces derniers sortis de la toile d'un peintre âgé et proche de la mort dont le narrateur habite provisoirement la maison. Il y a de l'humour, de la poésie et une pincée d'érotisme dans le roman, comme souvent chez Murakami, mais surtout ce sentiment que la frontière est poreuse entre ce qu'on appelle la réalité et des univers parallèles où tout peut arriver. Toujours cette idée qu'en ce monde il n'existe aucune certitude fiable. Et c'est ce qui fait le charme du livre de Murakami, encore une fois. Qu'il se laisse prendre la main et le lecteur se verra entraîner dans des contrées où le beau et le bizarre chevauchent de concert. Comme toujours chez l'écrivain, ce n'est pas la destination qui compte mais bien le voyage. Et celui-ci vaut le détour !





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Le Meurtre du Commandeur devrait plaire à ceux qui ont aimé la série 1Q84. On y retrouve la même atmosphère fantastique, la même douceur.

Nous sommes loins des chefs-d'oeuvre du début, enfin à mon estime. Pour moi, Murakami a été surtout fabuleux dans La Fin des temps, qui reste pour moi tout en haut de la pyramide. Dans La Course au mouton sauvage et Danse danse danse etc.

Mais, je ne dénigrerais pas, loin de là, ces derniers romans, qui, véritablement, sont empreint de cette aménité qui fait tourner les pages les unes après les autres, sans discontinuer.

Et, je dirais, que tout comme mon écrivain fétiche Javier Marías, Haruki Murakami a véritablement construit une oeuvre cohérente de haut niveau. On retrouve ici encore ses thèmes chers qui jalonnent son oeuvre : un homme seul, ici que sa femme bien de quitter, qui cherche comment vivre au-delà, un homme qui aime cuisiner et le raconte en détail, qui savoure du vin blanc, qui aime la musique classique et le jazz, l'art en général et qui est attiré par les oreilles des femmes, si si, etc.

Pour moi, véritablement un grand auteur !
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J'ai lu ce livre dans la foulée du livre 1, j'aurais donc passé la semaine avec Haruki Murakami. (à mon plus grand plaisir)
Le narrateur de ce livre restera sans nom. Peu importe... cette absence de nom ne m'a pas gênée...
C'est un roman en deux parties assez distinctes.  La première est très ancrée dans le réel : oublié le côté fantastique du premier tome. le commandeur n'apparaît plus, le narrateur vit son quotidien en se remémorant et s'interrogeant sur ce qui est arrivé dans le premier tome. Il a une vie tranquille entre ses cours de peinture, ses discussions avec Menshiki, son voisin, ou Masahiko son copain de fac, il poursuit le portrait de Marié (qui est une ado passionnante et très intuitive).
Murakami continue à approfondir ses personnages en particulier Marié et sa tante Shoko...
Vers le milieu du livre, il y a un événement retentissant qui remet tout en cause (je m'attendais à cet événement car si j'ai réussi à ne pas lire la quatrième de couv - je déteste les quatrièmes qui disent tout) , je m'étais auto-spoliée en allant cocher dans Babelio que je commençais ce livre : mes yeux n'avaient pu s'empêcher de lire la première phrase « Une jeune fille disparaît » donc pendant les 220 première pages j'ai attendu que Marié disparaisse...dommage ...ou pas... cela rend plus attentif...aux petits détails...
Dans la deuxième partie du livre l'action accélère et le fantastique revient en force... Amateur de situations rationnelles, passez votre chemin...

Comme souvent chez Murakami on n'a pas toutes les réponses aux questions que l'on se pose mais je ressors enchantée de ce voyage dépaysant...
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La suite du tome 1 en est finalement assez différente. On plonge de plein pied dans un univers onirique plein d'Idées et de Métaphores. Toujours aussi bien écrit, toujours aussi facile à suivre malgré cet univers si particulier.
J'ai oscillé sans cesse entre des impressions bizarres, me posant des questions sur la construction de l'intrigue, sa pertinence, les liens entre les évènements.
Peut être justement que me poser ces questions était l'une des clés de l'univers du commandeur.
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Merci aux éditions Belfond pour l'envoi de ce livre.

J'ai pour habitude de ne pas enchaîner les différents tomes d'une saga. Pour ne pas me lasser, pour prendre plus de plaisir à replonger dans un univers particulier. Mais cette fois, je regrette de ne pas avoir lu ce deuxième livre à la suite du premier. En effet, ce deuxième tome est la suite directe du premier volet : il s'ouvre au chapitre 33. Et j'avoue que j'ai mis du temps à replonger dans l'ambiance, à me réapproprier les personnages et les décors.

"Après une petite pause, Marié reprit : « Ce tableau montre quelqu'un qui est en train de se faire tuer. Il y a beaucoup de sang. Malgré cela, il ne nous rend pas tristes. J'ai l'impression que ce tableau m'entraîne ailleurs. Dans un endroit où les critères de ce qui est juste ou injuste n'ont pas cours. »"

Et pourtant ce second livre est plus profond que le premier. le narrateur poursuit sa quête créatrice. L'idée laisse la place à la métaphore, le narrateur va devoir affronter son passé et ses démons. Son parcours sera semé d'épreuves. En suivant son intuition, il va se dépasser lui-même ainsi que ses doutes pour faire des choix, voyager dans les profondeurs de son être. Et s'extraire de sa solitude.

"Quelque chose s'apprêtait à commencer ici. Et enfin, une idée surgit en moi. Ce que j'avais voulu peindre là, ou ce que je ne sais quelle volonté avait voulu me faire peindre, c'était justement ce présage, ce signe annonciateur."

Son modèle, Marié, prend de l'ampleur. Elle, aussi, est à la recherche de quelque chose. D'une personnalité très sensible et solitaire, elle est également très intuitive, elle cerne les personnes qu'elle rencontre, ressent les choses sans forcément communiquer par la parole. Marié est un personnage vraiment fascinant. Plus que Menshiki finalement, alors que pourtant ce dernier cultive le mystère.

"Nous vivons tous, les uns et les autres, lestés de secrets qu'il nous est impossible de révéler."

A l'inverse, de Marié qui grandit et apprend à se connaître, l'intervention de Menshiki prend fin progressivement. Son personnage s'estompe au fur et à mesure que le récit avance, comme les couleurs d'un tableau qui disparaîtraient avec le temps. Et en même temps qu'il s'efface, le narrateur s'élève et reprend le contrôle de son existence. Comme si l'artiste recouvrait sa toile d'une nouvelle couche de peinture, pour reprendre le cours de sa vie.

"De même que la vie me donnait idées et mouvement, cette fosse aussi pensait, elle aussi vivait, elle aussi bougeait. Elle respirait, elle s'étirait et se rétrécissait. Voilà le genre de sensation qui m'habitait. Mêlant leurs racines au sein de l'obscurité, mes pensées et celles de la fosse semblaient échanger leur sève entre elles. le moi et le non-moi se mirent à se mélanger telles deux couleurs diluées dans de l'huile si bien que leurs contours respectifs se firent de plus en plus troubles, incertains."

Dans le meurtre du Commandeur, Haruki Murakami reprend certains de ses leitmotivs habituels, comme l'enfermement, dans un puits ou une fosse, le sommeil, la solitude, ou encore le rêve. Tous ces lieux communs apportent au récit une touche de fantastique et d'étrange mais surtout contribuent à la portée initiatique. C'est vraiment ce que j'aime dans l'oeuvre de Murakami : quand le fantastique nous emmène sur des pistes de réflexions extrêmement profondes sur l'existence. Entre rêve et réalité, entre sommeil et éveil.

"— […] Il y a aucune exception au principe de l'univers. Ce nonobstant, Messieurs, la supériorité des Idées, c'est qu'à l'origine, elles ont point d'apparence. Ce n'est qu'une fois reconnues par autrui que les Idées deviendront des Idées et qu'elles se vêtiront d'une forme quelconque. N'empêche que celle-ci n'est jamais, évidemment, qu'une forme empruntée pour la commodité.
— C'est-à-dire que s'il n'y a pas de prise de conscience par l'autre, les Idées ne peuvent exister. »"

Le meurtre du Commandeur a répondu à mon attente. C'est une oeuvre dense qui explore les obsessions humaines. Haruki Murakami donne vie aux idées et aux métaphores, il les personnifie et nous entraîne dans une dimension fantastique et onirique, mais qui toujours se raccroche à la réalité de l'existence, de la vie.

"Votre destination, c'est vous-même, c'est votre volonté qui la déterminent."
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