Car la guerre ne se gagne pas seulement contre l'ennemi, elle se gagne avant cela en éradiquant les mauvaises idées de son propre peuple. Il faut le convaincre, déclencher sa passion, la porter à son point de fusion, comme le métal, et cela durant des années s'il le faut, jusqu'à obtenir l'alliage le plus dur, le plus impitoyable...Pour cela, il faut de la matière. C'était notre tâche, fournir à nos chefs la matière brute : les idées.
- Comme dit le proverbe : "Aux yeux de sa mère, le singe est une gazelle".
En vérité, Farouk faisait une sorte de caprice, un caprice qui durait depuis plus de quinze ans. On l'avait couronné roi sans pouvoir, roi aux mains liées, les Anglais se réservant les affaires importantes, l'économie, la politique internationale et le canal de Suez... Il aurait certes pu louvoyer, négocier des miettes, chercher l'appui des petites gens qui lui étaient acquis lorsque, tout jeune prince, à peine âgé de dix-huit ans, il était arrivé sur le trône. Non ! Il avait pris la voie de la névrose. Puisqu'on le frustrait des attributs du souverain, il lui resterait son propre corps. Et il démontrait chaque jour qu'il en était le seul maître, le gratifiant de tous les plaisirs.
Pour chacun, elle avait appelé ses musiciens, ses tambourins et ses crotales, ses tarabokas et ses bendirs, et la nay, la flûte à six trous héritée des pharaons, et la tanbura, la petite lyre, qui fait tinter chaque note comme des graines de sésame tombant une à une sur une cymbale de cuivre. O mélodies de la tanbura qui s'adressent en un même mouvement à l'âme et au corps, que l'on appelle simsimiyya, de semsem, "le sésame", graine de l'amour et du secret. En Egypte, le sésame est partout, au creux de la lyre, dans les pâtisseries, dans les clochettes qui ornent les mouchoirs. On le presse pour extraire cette huile puissante dont on fabrique la douceur des douceurs, la 'halaya, la "gourmandise du sultan". Mange, mon enfant, préfère la miette de douceur aux plats débordants de chairs. La douceur restera dans ta mémoire, la chair ira se perdre dans les tiennes.
Il existe un proverbe en arabe, vous devez le connaître. Elle le lui dit : "Qui te rapporte les injures des autres t'injurie."
Les survivants de la Shoah, les réfugiés juifs affluent en Palestine de partout, par centaines de milliers. Les Arabes ne l'accepteront jamais. Sitôt que les Britanniques auront quitté le pays, ils nous attaqueront. Dès lors, dans tous les pays musulmans, la situation des Juifs deviendra intenable...
Il prônait le rapprochement stratégique avec les musulmans, ennemis des Français et des Anglais qui les avaient colonisés, et surtout ennemis des Juifs qui les chassaient de leurs terres, en Palestine.
"De main en main, lui dit-il en arabe, il grandit et gagne en importance. " C'était un compliment dans la bouche d'Ahmed qui voulait dire qu'il avait su tirer profit de toutes ses rencontres pour devenir un homme éminent.
En ce temps-là, dans les salons du Caire et d'Alexandrie, circulait une femme d'une beauté à faire pleurer - je veux dire : comme on pleure quand on entend une poésie qui s'adresse directement à l'âme.
- Connais-tu l'église suspendue ? lui demanda-t-il.
- Où ? A Naples ?
- Mais non ! Au Caire ! C'est une église extraordinaire, sans doute la plus ancienne d'Egypte. Elle daterait du III° siècle. Peut-être est-ce l'une des Vierges qui résident là depuis des millénaires...