Bel étranger, on dit en Roumanie et en Bohême que les Tziganes sont des voleurs d’enfants, et cela depuis Mathusalem. Mais c’est faux ! C’est plutôt les autres, les gadjos, qui volent les enfants des Tziganes. As-tu vu comment les agents du Président, les assistantes sociales, les éducatrices, rêvent de capturer Youri, de l’enfermer dans un foyer, afin que plus jamais il ne se souvienne de son peuple ? Tu le sais, toi qui viens de très loin, de l’Égypte d’où les Gitans tirent leur nom, si tu les laisses faire, ils le priveront de son don. Il en mourra. Tu as connu les bonheurs et les malheurs de la Terre, sauve mon fils ! Prends-le auprès de toi.
Le monde leur appartient, ceux qui ont décidé de ne rien posséder.
Tout petits, les enfants crient. Leur voix n’est pas celle d’un humain. Elle est puissante, eux si menus, comme la corne de brume d’un paquebot. Ils appellent, on le sait ! Pas leur mère, elle est tout près, pourquoi crieraient-ils si fort ? Non, ils appellent au loin, ceux qu’ils ont aperçus dans l’entre-monde. Ils pleurent d’en être séparés.
Ne vaut-il pas mieux s'aimer en chemin ?
[...]
Mais l'espoir d'aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
Avril, sombre déesse de la nuit, née de l'ivresse et du chaos, mère des merveilles ! Avril, pose ton souffle au creux de mes mains; la nuit appelle le jour Une émotion m'a envahi. Je me suis mis à l'aimer soudain. Je ne devrais plus faire ce métier. Je suis trop vieux, devenu trop sensible...
Que peut-on faire de celui accomplit des miracles ? Comment s'en débarrasser ? Le cacher dans le silence, il surgira par la souffrance des passants. L'enlever, le faire disparaître, le tuer ? Les images de lui défileront aussitôt dans les rues, en processions, couvriront les murs de la ville, envahiront les écrans des télés et des portables. Le nommer prince ou roi ? Il s'échappera vers d'autres royaumes, d'autre prodiges. Reste seulement à remercier? Je vous le dis sans détour, gens de peu de foi : priez, sinon vous pleurerez !
Après quarante-cinq ans de pratique, je peux le dire en un mot : je ne crois pas à l'exigence d'une maladie, comme la grippe ou le cancer, par exemple, dont les symptômes seraient un désordre des idées ou du comportement Je sais en revanche qu'il existe des êtres qu'on ne voit pas - il y en a tellement !
Le monde est tellement en ordre, tellement intégré dans des théories et des pesées, tellement surveillé, gardé, commenté, qu'il est devenu comme une dalle de béton. Aucun passage, aucune lueur flamboyante ne sourd des profondeurs.
... crier avec les loups ne transforme pas en loup mais en mouton.
Notre monde est conçu pour faire disparaître l'événement, le diluer jusqu'à l'inscrire dans une continuité insipide