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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dario Asfar est un émigré, un “petit Levantin des ports et des bouges”. C'est à Paris, quinze ans auparavant, que cet étranger venu de Crimée a réussi, à force de privations, à mener à bien ses études de médecine. A trente-cinq ans, installé à Nice depuis quelques mois avec une épouse et un nouveau-né à sa charge, chaque jour est un nouveau combat pour la survie. Nous sommes en 1920 : pour la société française “bien-pensante”, les étrangers sont des métèques et les métèques de la vermine. Alors, pour Dario, les portes restent closes. Peu de clients - et qui ne le payent pas -, se nourrir est un défi, s'acquitter de son loyer, une gageure, envisager un meilleur avenir, une chimère.

Le désespoir, l'impérieuse nécessité de la survie, le désir de se ménager, en dépit de tout, une place au soleil parmi les hommes, l'ambition, l'intelligence et, par dessus tout, la haine et le mépris de soi et de ses origines, peuvent conduire un homme à des choix hasardeux… Ce sera d'abord, pour rendre service à sa logeuse - moyennant forte contrepartie - un avortement clandestin puis, de fil en aiguille, d'abus de faiblesse en escroqueries - pour s'élever toujours plus haut dans les sphères de la haute bourgeoisie qui l'a jadis rejeté, qu'il admire autant qu'il la méprise et sur qui il entend prendre sa revanche -, la manipulation des esprits et le dévoiement des consciences… comme un Faust moderne, machiavélique et sans scrupules qui devient peu à peu, pour cette clientèle huppée qui désormais l'adore, le maître de leurs âmes. Avant que ne tombent les masques, avant l'inévitable châtiment.

Il y a dans le personnage de Dario Asfar - au-delà du simple désir d'ascension sociale et de la pure cupidité - une telle volonté de revanche, de soumettre à sa volonté ceux qui l'ont si profondément humilié, une telle rage de vivre et de survivre, un tel pouvoir de séduction allié à une telle intelligence, et une telle noirceur qui peu à peu l'envahit et finalement le condamne que l'on ne peut qu'entrer en une forme d'empathie consternée avec cet homme qui, au départ, époux et père attentionné, médecin bienveillant, ne demandait rien d'autre que le simple droit de vivre et la possibilité de le faire dignement, avec ce bel amour qu'il portait à sa femme que pourtant il trahira et cette tendresse pour un fils qui apprendra à le haïr.

J'ai dévoré d'une traite et vraiment beaucoup aimé ce roman cruel, sombre et terriblement lucide dans lequel Irène Némirovsky donne la pleine mesure de son talent. L'élégance et la précision de son écriture, la profondeur de ses analyses psychologiques, la justesse de sa peinture de la grande bourgeoisie frivole, raciste et méprisante de son temps - qui, à force de dérèglements, de luxe et d'excès, souffre d'angoisses et de troubles nerveux -, autant que la restitution qu'elle nous offre de ce climat post-antidreyfusard de l'entre-deux-guerres, de sa haine de l'autre et de l'étranger (qui aura les conséquences que l'on sait et dont elle sera elle-même la victime en 1942), font du “Maître des âmes” l'un de ces romans à la force évocatrice tellement puissante que l'on sait, à peine les a-t-on refermés, qu'on les gardera pour longtemps en mémoire.

[Challenge Multi-Défis 2020]
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Lorsque Dario Asfar jeune médecin trentenaire pose ses valises à Nice en 1920, il espère que très vite il pourra se faire une clientèle et « devenir quelqu'un » lui l'immigré juif venu de Crimée à 18 ans accompagné de sa jeune épouse de 15 ans, sans le sou et qui a du vivre toutes les humiliations et toutes les galères à Paris pour pouvoir décrocher son diplôme de médecine.
Mais alors que totalement endetté, sans même avoir de quoi s'acheter un morceau de pain, et au bord de se retrouver à la rue, il demande à sa logeuse qui est aussi prêteuse sur gages de lui prêter de l'argent, elle va le lui accorder mais contre un service.
Elle ne veut pas que l'enfant que porte sa belle-fille voit le jour, estimant son fils mal marié avec cette américaine sortie d'on ne se sait où.
Dario va accepter, ce qu'il ignore c'est que la jeune femme est la maitresse de Philippe Wardes un homme richissime en proie à des démons intérieurs.
Dario retourné à Paris va alors de connivence avec la jeune femme, sonder l'âme de Wardes.
Et peu à peu, il va devenir la coqueluche du Tout Paris de l'entredeux guerres.
Ils voudront tous venir s'allonger sur son canapé pour lui confier leurs secrets les plus intimes à lui « le maître des âmes ».
Oui Dario Asfar va devenir celui que tout le monde s'arrache, celui qui reçoit les plus grands, qui dine à la table des ambassadeurs, mais à quel prix ?
Un superbe livre aujourd'hui édité sous forme de roman mais qui lors de sa publication en 1939 était en fait un feuilleton pour la presse.
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Le mépris et l'envie, l'amour des siens et la haine de soi : pour Dario, le monde se divise en 2, les repus et les affamés. Issu d'une longue lignée d'affamés, il fera tout pour placer les siens dans l'autre camp. Manichéen en diable, le monde de Dario se pare des riches atours de la haute bourgeoisie parisienne et des instincts les plus bas. Personne n'échappe à ce mariage détonnant dans un concert international menaçant où le traitement des migrants annonce de mauvaises saisons. Poète et conteuse hors pair Irène Némirovsky nous tient par le bout du coeur et de sa plume. Quand l'homme spécule sur la finance, le jeu ou les âmes, l'artiste seul nous élève. Un bijou.
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Le meilleur des roman d'Iréne Némirovsky que j'ai pu lire. La cadence des phrases aux inflexions rythmées, soulignées par une superbe écriture bien lissée font de cet ouvrage un roman du sang et de l'argent, indispensable pour ne plus avoir faim et subir la misère. L'auteur insiste sur " ceux qui savent se tenir", l'élégance de ceux qui possèdent. Remarquable aussi la cadence et le ruissellement des phrases.
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Installé à Nice avec sa femme, Dario est un jeune médecin ambitieux. Pourtant ses projets rencontrent l'obstacle de ses origines grecque et italienne. Cet étranger perçu comme un « métèque » n'inspire pas la confiance d'une clientèle bourgeoise du sud de la France.

Quand il devient père, l'urgence de s'établir en tant que médecin se fait de plus en plus pressante. Sa situation financière est si dramatique que Dario doit lutter pour sa survie et celle de sa famille. Acculé et affamé, il conclue un marché illégal en acceptant de pratiquer un avortement clandestin.

Ce premier pas illicite contribue à son basculement. Rongé par son arrivisme, il décide de détourner une théorie psychanalytique à son profit. En usant de propos savants et de son charisme, il parvient à susciter la confiance de ses patients. Génie illusionniste, il utilise la détresse et la crédulité des malades pour parvenir à une ascension sociale et financière. Devenu riche et célèbre, son élévation machiavélique connaîtra-t-elle une fin ?

Dans ce roman très bien mené, Irène Némirovsky interroge la rage d'un homme. Profondément meurtri par son statut d'immigré, Dario a soif de revanche sur sa condition. L'humiliation qui le ronge le transformera en un homme corrompu et froid. Porté par une plume maîtrisée et grinçante, ce roman est une belle réussite.
Lien : https://memoiresdelivres.wor..
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Dans ce conte cruel, Némirovsky, l'une de mes auteures préférées, raconte l'ascension sociale de Dario Asfar, un médecin originaire du Moyen Orient assoiffé de réussite, à n'importe quel prix. Avec des phrases courtes, dures et rageuses, elle dépeint la haute bourgeoisie de Nice des années 1920 et convoque une nouvelle fois les thèmes du pouvoir, de l'argent et de la cupidité. Un roman puissant, poignant et cynique que j'ai dévoré.
[...] Grande Irène Némirovsky ! Il n'y a pas une page sur laquelle je n'ai pas souligné une phrase ! Tout y est excellent, cruel, cynique : cette auteure m'éblouit à chaque roman.
Une fois encore, on assiste à l'ascension sociale, mais aussi à la compromission systématique des idéaux de la jeunesse, sujets qui semblent torturer Némirovsky. La relation entre Dario et ses parents miséreux, dont il a profondément honte, et celle avec son fils qui a lui aussi honte d'une réussite acquise par les compromissions, est passionnante. Avoir honte de ses parents qui n'ont pas su faire fortune ; avoir honte de ses parents qui ont transgressé des valeurs fondamentales pour pouvoir faire fortune... J'ai aimé l'amour indéfectible entre Dario et son épouse, Clara, leur complicité envers et contre tout.
[...] Chez Némirovsky, cette urgence et cette angoisse se traduisent dans les personnages aux âmes torturées, mais dans l'écriture aussi, faite de phrases courtes, dures, rageuses, qui vont droit au but (j'adore ça). Némirovsky, l'une de mes auteures préférées, a laissé beaucoup d'oeuvres compte-tenu du peu de temps qui lui a été donné de vivre. Je ne peux que vous recommander de foncer !

L'article entier sur Bibliolingus.fr :
http://www.bibliolingus.fr/le-maitre-des-ames-irene-nemirovsky-a126359588
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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Le Maître des Âmes/Irène Némirovsky
Irène Némirovsky est une romancière russe d'origine ukrainienne de langue française née en 1903 à Kiev. Émigrée en France à la révolution de 1917, elle est morte en 1942 à Auschwitz.
Elle est le seul écrivain à avoir obtenu le prix Renaudot à titre posthume pour son roman « Suite française ».
Dans l'excellent roman qu'est « le Maître des Âmes », d'une belle écriture, elle analyse la société de son époque au travers de portraits bien campés et charismatiques.
L'ambigüité de ses personnages, de par leurs traits très humains avec forces et faiblesses crée une ambiance âpre, sombre et tendue du début à la fin du roman. Une belle galerie de personnages !
Dario Asfar, avant de devenir « le maître des âmes » est un petit médicastre juif, étranger venu de l'est méditerranéen, avatar de toute une lignée d'affamés, et obsédé par l'argent et l'enrichissement qui lui semblent le seul moyen de s'élever dans cette société légère aux regards critiques soupçonneux et acerbes, parfois racistes. Avide de respect, de conquête de jeunes corps et d'aisance, son appétit d'une carrière honorable le conduit à tous les extrêmes. Affamé d'honneur, d'estime et de compréhension, Dario va tout tenter pour ne plus être l'exilé que l'on méprise, le dit métèque que l'on dédaigne.
La vanité de Dario éclate à tous les chapitres ainsi que son inquiétude inapaisable et son regard affamé. Mais aussi sa lucidité :
« le seul avenir pour moi, c'est celui de charlatan, qui cultivera les vices et les maladies des riches comme on ensemence un champ ; voici qu'avec tous mes efforts, mes peines et mes rêves, j'en suis une fois de plus à mendier, à m'abaisser, à attendre la charité comme autrefois ! »
Son statut va plusieurs fois passer de celui de charlatan à celui d'idole venu d'ailleurs.
En fait on en vient à se demander si le médecin n'est pas lui aussi malade !
Autre personnage étrange : Wardes, le riche industriel, le joueur impénitent pour qui le jeu est à la fois une nécessité publicitaire et une tyrannique habitude, rongé par l'insomnie, totalement assujetti à Dario son médecin qui est en quelque sorte le baume et le vulnéraire indispensable à l'apaisement de sa souffrance. Abandonné par son épouse Sylvie, belle femme troublante, icône virginale d'un Occident consolateur, fantasme que Dario admire et convoite, il va rencontrer Elinor, une veuve volage, femme froide reconvertie et rompue aux affaires, qui va gérer sa fortune quand son internement sera effectif.
Clara la femme de Dario, une épouse exemplaire toujours aimante quoique trompée par son mari, se contente de la tendresse de celui-ci.
Daniel, le fils de Clara et Dario, n'aime pas son père et il le lui dit en face ; le malaise entre le père qui aime son fils et le fils perdure et l'affrontement final est pathétique au bord du lit de Clara défunte quand Dario s'écrie :
« Tu me blesses, tu me déchires, mais s'il le fallait, je recommencerais ce que j'ai fait, je tromperais et je trahirais, je volerais et je mentirais, si je pouvais te procurer un morceau de pain, une vie plus douce, et cette vertu qui m'écrase. »
Dario a-t-il comme Faust vendu son âme au diable ? On se fera son idée au terme de cette lecture édifiante montrant les modes et le rôle des rumeurs dans le monde des riches conformistes.
Par ailleurs, on peut penser à juste titre que ce roman fait en filigrane une critique discrète de la psychanalyse freudienne, « spectre de l'envoûtement judéo-germanique ».
Pour la petite histoire, il est curieux de préciser que le personnage prédateur et joueur compulsif de Wardes a été inspiré à Irène Némirovsky par la personnalité de Bernard Grasset son fervent éditeur et de André Citroën.
On peut voir aussi dans ce roman une satire du mépris bourgeois français pour l'étranger, son arrogance et sa duplicité, I.N. en ayant elle-même souffert.
Elle qui écrit en 1941 :
« Oui, vous tous, qui me méprisez, riches Français, heureux français, ce que je voulais, c'était votre culture, votre morale, vos vertus, tout ce qui est plus haut que moi, différent de la boue où je suis né! »
Un magnifique roman.
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