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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le maître des âmes fut une manière pour moi de retrouver l'univers et l'écriture d'Irène Némirovsky. Ce n'est pas le récit que j'ai préféré de cette auteure, mais ce roman est surprenant pour sa construction d'une incroyable maîtrise et son cynisme effroyable.
Le personnage principal nous est pourtant tout d'abord sympathique et attachant. Comment ne pas éprouver une profonde compassion pour le parcours de ce jeune médecin étranger, Dario Asfar et de son épouse Clara, émigrés venus de Crimée ? Les premières pages montrent avec acuité la souffrance, la résilience et l'opiniâtreté de Dario Asfar sur ce chemin semé d'obstacles, les portes qui se ferment, les rebuffades, les humiliations, la pauvreté. Sa femme donne naissance à un garçon Daniel, il faut désormais nourrir trois bouches, pèse alors la menace d'être mis dehors par leur logeuse dans cette pension de famille niçoise « Mimosa's House »...
Ces portes qui se ferment, ce sont celles d'une société verrouillée sur elle-même qui ne supporte pas l'arrivée des émigrants qui affluent d'Europe centrale, c'est la société des années vingt, je précise au cas où vous auriez un doute : 1920... Dans cette société post-antidreyfusarde pour la moitié de sa population, Dario Asfar et sa famille sont des métèques, la vermine qui vient prendre le travail des Français.
Pourtant, Dario Asfar est animé d'un désir effréné et puissant de réussir, de s'élever dans sa condition sociale. Il est prêt à tout et c'est tout d'abord l'opportunité pour lui de pratiquer un avortement clandestin à la demande même de sa logeuse, pour lui rendre et garder par la même occasion le logement...
Puis la rage de survivre, l'ambition, un sens aigu de l'intelligence, un esprit vénal et une puissance de séduction auprès des femmes vont façonner son chemin, son ascension à venir, sa réussite enfin là comme un juste retour des choses, comme une revanche aussi... Mais à quel prix ? Qu'importe les moyens pour y parvenir, nourrir sa cupidité devenue sans bornes et c'est à cet endroit que ce jeune médecin ambitieux m'est devenu nettement moins sympathique.
Dario Asfar a l'idée ingénieuse de soigner les âmes d'une clientèle fortunée, dévoyant les toutes récentes théories psychanalytiques, tordant le cou aux valeurs les plus nobles du serment d'Hippocrate en faisant de ce médecin généraliste un médecin des âmes, qui plus un charlatan.
Pourtant cette intuition lumineuse aurait pu être une belle revanche à l'encontre de cette bourgeoisie arrogante qui l'avait tant humilié quelques années plus tôt. Mais la cupidité et le désir des femmes grisent notre médecin ambitieux et l'entraîne dans une valse sordide et effrénée. Je n'en croyais pas mes yeux, tandis que j'essayais d'ouvrir ceux naïfs et admiratifs de sa femme, la bonté du monde...
Le maître des âmes est un roman cynique et cruel où Irène Némirovsky sait ici une nouvelle fois déployer tout son art d'animer des personnages ambigus à la croisée de leurs destins, dans une écriture au scalpel.
C'est une peinture vorace de la société bourgeoise de l'entre-deux-guerres, mais la puissance du roman, selon moi, vaut surtout pour la manière dont est construit ce personnage tour à tour bienveillant, opiniâtre, machiavélique et sa relation avec ses proches dans sa métamorphose... Ce qui est intéressant dans ce personnage faustien empli de rêves et de démons, ce sont ses aspérités, sa part d'ombre, au travers desquelles Irène Némirovsky va tisser sa narration.
J'ai été surpris de découvrir que le maître des âmes fut tout d'abord publié sous forme d'épisodes dans le fameux journal pamphlétaire Gringoire.
Et puis, sur ce thème du rejet de l'étranger, comment ne pas être troublé lorsqu'on sait qu'Irène Némirovsky subira à son tour la haine de l'autre, l'antisémitisme et mourra après quelques semaines de détention à Auschwitz en 1942.
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On se demande où veut en venir Irène Nemirovsky avec Dario Asfar, médecin métèque méprisé et crevant de misère dans la Nice des années 20 alors que sa femme va accoucher et que l'on retrouve 15 ans plus tard officiant dans son riche hôtel parisien.

Glauque charlatan perverti, je n'ai pas trop cru à ses justifications, la pauvreté, la faim qu'il voulait épargner à son fils.
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En plus d'une plume impeccable, Irène Némirovsky a ce talent inestimable de savoir percer ses semblables de son oeil acéré et d'en deviner tous les travers sous les faux-semblants. Un talent d'autant plus pregnant dans ce roman que son oeil est ici celui de l'immigré en France, de celui qui restera toujours aux yeux des Français l'étranger, et éclaire de ce fait la société de cette lumière si particulière faite à la fois de zones d'ombres profondes et d'éclat d'envie.

Dario Asfar, le personnage que met en scène ce roman, est fascinant à tous points de vue, dans l'opiniâtreté comme dans l'abjection. Arrivé des bas fonds de l'Europe à Paris avec sa jeune épouse pour faire à force d'immenses sacrifices des études de médecine, il vient de s'installer à Nice dans les années vingt quand débute le roman. Crevant de faim, attendant désespérément le patient qui lui préfère le bon docteur à la belle allure et au patronyme respectable, il prend conscience que, condamné à rester toujours le "métèque" aux yeux de la bourgeoisie qu'il méprise autant qu'elle le fait rêver, pour parvenir à la réussite sociale à laquelle il aspire de tout son être, il va falloir biaiser...

J'ai été littéralement happée par le destin de cet homme que l'on rencontre au moment de sa vie où un plafond de verre l'empêche de sortir de sa condition de paria, d'infréquentable, d'impair de nos pairs, personnifiant ainsi tous les étrangers du monde, puis dans son ascension fulgurante et frelatée, portant en elle-même sa chute. Sidérante Irène Némirovsky...
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Dario Asfar est un levantin devenu médecin et installé en France avec son épouse dans les années 1920.

Il a connu l'exil, l'extrême pauvreté, et il est prêt à tout pour sauver de la misère sa femme Clara et leur fils Daniel qui vient de naître.

Avide de réussite, d'argent et de reconnaissance sociale, il parvient à s'élever en faisant payer très cher une méthode thérapeutique pour de riches patients, inspirée de la psychanalyse. C'est un vrai charlatan, dont l'auteure nous suggère néanmoins que la pratique n'est pas moins efficace que celle de l'école freudienne de Paris.

Malgré son succès, il reste toute sa vie sur le fil du rasoir tant son appétit est inextinguible : il vit au-dessus de ses moyens en pratiquant une sorte de cavalerie rendue possible par les requins rances qui infiltrent la bourgeoisie parisienne.

La génération d'après, qui n'aura jamais connu la faim, sera-t-elle plus morale ?

La philosophie d'Irène Nemirovsky est sombre, mais Ô combien convaincante : l'homme est assujetti par sa condition même d'être de chair à l'assouvissement de besoins élémentaires : qui a grandi dans la pauvreté extrême et la faim ne peut devenir un être moral car elles sont des tyrans implacables ne laissant aucune place aux nobles sentiments. Cette génération sacrifiée, incarnée en Dario, se démènera pour préserver la suivante de la tyrannie des appétits inextinguibles.

Le prix à payer, mais aussi le signe de la réussite, sera le mépris des fils : à eux la conscience morale et les valeurs spirituelles, aux pères le défrichage des racines de la misère.

Irène Nemirovski, est née à Kiev en 1903. Elle est issue d'une famille riche, mais son exil et sa judéité, lui firent connaître de près le drame des déracinés sans appui, et notamment des juifs pauvres. On lui attribue un certain antisémitisme, qui est davantage celui de l'époque que le sien propre. Sa conversion au catholicisme en 1939 ne la sauvera pas de la mort à Auschwitz en 1942.
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Nice - 1920. Dario médecin émigrant n'a aucune clientèle et meurt de faim. Pour sauver Clara sa femme de la misère et son fils Daniel, il pratique un avortement clandestin. S'ensuit une lente descente vers des actes illicites qui lui apporteront réussite et argent. Ce sera lui le maître des âmes et en cela, l'auteure fait peut-être un peu figure de visionnaire car on voit déjà là une image des futurs gourous, en tout cas de ceux qui exercent une emprise sur les êtres plus faibles. Némirovsky décrit bien l'ambition démesurée de ceux qui aspirent à avoir toujours plus de pouvoir et leur peur de revenir à une condition plus modeste. C'est surtout à la moitié du roman que les choses se précipitent et que la tension monte, le fils Daniel se rendant compte petit à petit des malversations de son père et de son comportement douteux. On n'a pas affaire ici à des personnages très sympathiques, c'est donc dire tout l'art de l'auteure qui nous donne le goût de continuer notre lecture malgré tout.
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Irène Némirovsky porte un regard impitoyable sur la société de son époque avec un style fourni et cette facilité à tracer des portraits d'une grande profondeur. Elle dissèque les doutes et les obsessions de ses personnages ambigus : un médecin juif obsédé par l'argent dont le seul but est de s'enrichir, et de s'élever par tous les moyens dans une société hypocrite et futile qui le rejette comme médecin, mais l'idolâtre, en exotique charlatan capable de soigner les âmes.
Un roman âpre, sombre et grinçant.
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Une plume fine bien qu'acerbe à certains égards, un flair indéniable pour peindre l'Homme dans toutes ces bassesses, sont autant de choses qui me font une fois encore saluer la mémoire de cette auteur, partie trop tôt ! Combien de romans, nouvelles ou simplement écrits aurait-elle pu nous laisser ? Pour ma part, ce roman possède pour plus grande richesse la palette de ses personnages, un amour inconditionnel, et une fatalité qui pourrait toucher tous les parents de ce monde !
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Irène Némirovsky nous entraîne sur les pas de Dario, un jeune médecin pauvre originaire d'Europe orientale. Nice, 1920, il a bien du mal à se constituer une patientèle. Les français le considèrent comme un métèque. Aussi ne lui font-ils pas confiance. Il se trouve réduit à pratiquer un avortement clandestin sur une flamboyante aventurière new-yorkaise. Appelé au chevet d'un homme rongé par l'inquiétude et les l'addiction aux jeux, il devient médecin des âmes sans avoir suivi aucune formation dans ce domaine. Il tient sa revanche. Dénigré par les uns, adulé par les autres, il « soigne » certaines personnes souffrant de troubles psychiques. Sa soif de pouvoir n'a d'égale que son attrait pour l'argent. A travers ce roman, l'autrice nous fait revivre le tourbillon mondain et intellectuel de l'époque.
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C'est bizarre comme on lit parfois des livres écrits dans les années 60 qui semblent datés et obsolètes et ce livre, écrit dans les années 30, semble frais et juste. Sans doute parce que l'auteure décrit l'âme humaine dans ce qu'elle a d'universel.
De plus, un des sujets du livre est l'exil et le rejet dont les étrangers font l'objet. le personnage principal, juif de Crimée s'installe en France. Et cela résonne énormément avec l'actualité, les thèses d'extrême-droite, l'antisémitisme et la guerre en Ukraine.
Ce livre a été publié après le décès de l'auteure, d'après une publication en feuilleton dans la presse. Cela se ressent à la lecture car chaque chapitre est un saut dans le temps de la vie du personnage principal. Mais cela ne gène pas à la lecture, au contraire ; cela donne du mouvement au déroulement de l'histoire.
On a taxé l'auteure d'antisémitisme, ce qui est un comble pour une femme juive qui a été tuée en camp de concentration. On aurait pu la taxer aussi de machisme (dit-on antiféminisme ?) car elle parle des femmes assez durement. Mais elle est femme et juive, et elle est lucide et ironique sur sa condition.
Une belle lecture à recommander donc.
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Qui est le plus malade le patient ou le médecin ? comment chacun vit avec son passé, ses souffrances, ses vices... voilà ce à quoi ce roman me fait penser...
Les descriptions des personnages et de la société sont sans ménagement... c'est ce qui rend incisif ce qu'elle dit...
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