Citations sur Suite française (245)
C’était cela le peuple, jamais satisfait, et plus on se donne du mal pour lui, plus il se montre versatile et ingrat.
Il y a un abîme entre le jeune homme que je vois ici (un soldat allemand - NDLR) et le guerrier de demain, se dit-elle. On sait bien que l'être humain est complexe, multiple, divisé, à surprises, mais il faut un temps de guerre ou de grands bouleversements pour le voir. C'est le plus passionnant et le plus terrible spectacle, songea-t-elle encore ; le plus terrible parce qu'il est plus vrai ; on ne peut se flatter de connaître la mer sans l'avoir vue dans la tempête comme dans le calme. Celui-là seul connaît les hommes et les femmes qui les a observés en un temps comme celui-ci, pensa-t-elle. Celui-là seul se connaît lui-même.
C'était un très jeune chat qui ne connaissait que la ville ; là-bas les nuits de juin on ne les respirait que de loin ; on en respirait parfois une bouffée tiède et grisante, mais ici le parfum montait jusqu'à ses moustaches, l'entourait, le saisissait, l'étourdissait. Yeux à demi clos, il se sentait parcouru par des ondes d'odeurs puissantes et douces, celle des derniers lilas avec leur petit relent de décomposition, celle de la sève qui coule dans les arbres et celle de la terre ténébreuse et fraîche, celle des bêtes, oiseaux, taupes, souris, toutes les proies, senteur musquée de poils, de peau, odeur de sang...
p.42 : « Rappelle-toi, dans « Guerre et paix », les petites paysannes qui traversent la route devant la voiture du prince André vont le voir d’abord leur parlant à elles, à leurs oreilles, et la vision du lecteur du même coup s’élève, ce n’est plus qu’un seul visage, qu’une seule âme. Il découvre la multiplicité des moules. »
p.28 : « Des sacs de sable enfermaient les principaux édifices jusqu’à moitié de leur hauteur, ensachaient les danseuses de Carpeaux sur la façade de l’Opéra, (à voir ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Carpeaux)
étouffaient le cri de La Marseillaise sur l’Arc de Triomphe (à voir ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arc_de_triomphe_de_l'%C3%89toile). »
Vous pouvez lire le chapitre 1 ici :
http://www.irenenemirovsky.guillaumedelaby.com/6_suitefcse_extr.htm
sur le site consacré à Irène Némirovsky :
http://www.irenenemirovsky.guillaumedelaby.com/
p.21 :
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage!
Je ne manque pas de cœur à l’ouvrage,
Mais le but est est long et le Temps est court.
Qui ressemble aux vers du « Guignon « de Baudelaire :
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage!
Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.
Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon cœur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funèbres.
- Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes;
Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes.
Un chat tenait avec circonspection entre ses dents aiguës un morceau de poisson parsemé d’arêtes : l’avaler lui faisait peur, le cracher lui donnerait des regrets.
Les événements graves, heureux ou malheureux ne changent pas l'âme d'un homme mais ils la précisent, comme un coup de vent en balayant d'un coup les feuilles mortes révèle la forme d'un arbre ; ils mettent en lumière ce qui était laissé dans l'ombre ; ils inclinent l'esprit dans la direction où il croîtra désormais.
Quand l'orage éclate, tu n'en veux à personne, tu sais que la foudre est le produit de deux électricités contraires, les nuages ne te connaissent pas. Tu ne peux leur faire aucun reproche. Et d'ailleurs ce serait ridicule, ils ne comprendraient pas.
En elle s'entremêlaient curieusement le besoin de protéger de la mère et le besoin d'être protégée de la femme.