J'ai reçu ce livre dans le cadre des rencontres Babelio avec un auteur. Je ne connaissais pas Marie Nauser et ce livre a été une vraie découverte pour moi. Il s'agit d'une enquête policière en deux volumes sauf que le lecteur connait déjà le coupable. Malheureusement inspirés de faits réels en Angleterre et en Italie, il y a un tome pour une enquête policière dans chaque pays.
Ici, il s'agit du premier meurtre en Italie, le premier livre écrit ("
Prendre Gloria") mais publié après "
Prendre Lily"(Angleterre).
Synopsis de l'histoire : Une adolescente a disparu dans une église dans un petit village italien. C'est cette disparition qui a donné envie à l'auteur d'écrire sur cette histoire.
Une histoire passionnante avec une multitude de témoignages et de personnages, chacun racontant une scène du récit, un témoignage sur la victime ou sur le meurtrier. On y voit les tribulations des enquêteurs. L'auteur s'est appuyé sur les procès filmés en Italie et l'émission de recherches des disparus qui diffusait tous les week-ends pendant des années des témoignages sur cette affaire. Ainsi rien ne sonne faux, tout sonne juste. le coupable ne parle pas, il n'y a donc pas de pathos sur lui.
Mais on voit des gens qui se réfugient dans le mensonge, un village entier qui se tait. Lorsque que l'on apprend que le corps de cette jeune fille était dans les combles de l'église, on se demande "Pourquoi n'a-t-on rien vu?", "N'as-t-on pas fouillé l'église au moment de la disparition?" le lecteur a l'impression que tout le monde connait la vérité mais que tout le monde se tait. C'est arrivé dans un village en Italie mais ca aurait très bien pu se produire en France également. C'est une description terrifiante des êtres humains, lâches, corruptibles...
Il y a une ambiance mafieuse. L'auteur a essayé d'apporté du sens à cette affaire, un motif à chaque protagoniste "pourquoi Mr X a menti?".
La phrase de fin du père du coupable est terrifiante "Pauvre petit chéri : je te l'avais pourtant répété cent fois, qu'il ne fallait pas serrer aussi fort. On t'en paiera une autre."
Du coup, j'ai aimé ce livre, et j'ai envie de lire la suite "
Prendre Lily" pour voir pourquoi on a mis autant de temps à attraper et juger le coupable.
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A suivre ma retranscription de l'entretien avec l'auteur
Q = question/ intervention des lecteurs/ ou de l'intervenant de Babélio
A = réponse de l'auteur
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Q 1 Comment avez vous connu cette affaire du "verqat* killer"?
A 1 Quand on a découvert le corps de Elisa et dans l'émission italienne "Chi l'ha visto" = "ou es-tu?" Dans cette émission on distillait des éléments sur le principal suspect de l'affaire comme dans le livre. Elle discutait de l'affaire avec une amie, qui lui a conseillé d'écrire un livre. Elle s'est posé la question "comment puis-je le faire" puis a décidé de le faire.
Q 2 Qu'est-ce qui vous intéressait en tant qu'auteur?
A 2 Je n'étais pas particulièrement intéressée par l'enquête en elle-même. Je voulais comprendre les liens logiques de tous ces éléments qui arrivaient dans les médias les uns par rapport aux autres. Exemple : le curé brésilien? L'histoire des cheveux?! J'ai laissé vagabonder mon imaginaire d'écrivain pour mettre de la lumière dans les zones d'ombres.
Q 3 Quelles ont été vos recherches?
A 3 J'ai fait une recherche pénétrante avec les moyens du bord, car je ne suis pas journaliste, mais l'affaire a été très suivie par les journalistes et les médias italiens, je me suis appuyé sur des articles, des vidéos, des interviews. Notamment l'émission italienne "Chi l'ha visto" qui diffusait des éléments d'enquête. Et en Italie les procès sont filmés donc on peut voir des choses comme la magistrate aboyeuse qui s'acharne sur les jeunes témoins innocents.
Q 4 C'est un récit à plusieurs voix, mais on ne perd pas le fil de l'histoire. Aviez-vous un plan précis de l'histoire ?
A 4 Je n'ai pas raconté tout de façon chronologique mais comment j'ai reçu les faits, via les émissions. C'est un puzzle. Je l'ai présente de cette manière avec les dates pour ne pas tout mélangé et j'avais des fiches que j'épinglais sur le mur sur un tableau e t que je déplaçais. J'avais un repère rapide par tranche de temps.
Q 5 Tous les éléments sont imbriqués. Est-ce qu'il ya des ajouts, des modifications par rapport aux personnages secondaires ? Est-ce que vous avez changé de regards sur les personnages ?
A 5 Non. Dès le début je savais ce que je voulais écrire. Je savais qui était qui. le seul personnage inventé est le monsieur qui a déplacé les tuiles, parce que d'un coup les tuiles avait disparu sans raison.
[Le passage suivant est un peu flou dans mes notes l'auteur échange avec une lectrice de Babélio, qui travaille dans le domaine de la justice, et qui souhaite obtenir des informations sur le système judiciaire italien. Je n'ai pas retenu exactement sa fonction.]
A 6 Quand j'ai écrit Solivo a été condamné de façon définitive an Angleterre. Il n'avait pas encore fait appel quand j'ai écrit le livre. J'ai mis 3 ans à écrire les livres. J'ai écris les livres pendant le procès. Il a pris la perpétuité pour Lily ? Son appel a été rejeté. Et pour l'affaire Gloria en Italie, il a pris 30 ans de prison en plus.
Q 7 Cela parait surprenant car en France, il y a le secret de l'instruction et en Italie tout semble transparent. le système juridique italien est différent et semble sous l'influence de la mafia. La magistrate est mise en cause en Italie et elle est encore en poste. En France ce serait infaisable, il y aurait des procès. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le système judiciaire italien ?
A 7 L'affaire a été livrée en pâtures à l'opinion publique, ce qui est très déstabilisant. Les avocats parlent des affaires en public, toutes les informations sont du domaine public. C'est très étrange. C'est différent avec le système anglais, il a fallu que je consulte des avocats par rapport au droit anglais pour savoir ce que je pouvais mettre dans le livre. J'ai inventée la motivation de la magistrate. J'ai essayé de mettre de la lumière et trouver des motivations aux différents personnages. Pourquoi ont-ils fait des faux témoignages ? On ne sait toujours pas pourquoi le curé brésilien n'a rien dit ?! Qu'est ce qui traverse l'esprit humain (ordre/ loi des familles ?) pour empêcher de retrouver cette adolescente ?
Q 8 Quel est le rôle des gens d'église hauts placés ? Peut être le poids de la religion est il énorme en Italie ? Dans la vie ? Dans la société ? Ont-ils un pouvoir sur la justice ?
A 8 Je ne peux pas vous dire par rapport à la justice mais par rapport à la société OUI. En Italie, on n'a pas l'opportunité d'être athée. Je me souviens d'un ami jouant dans un groupe punk avec des crucifix et des rameaux d'olivier. Dans l'affaire Elisa Claps de son vrai nom, avec le cadavre décomposé au dessus des fidèles, le curé n'a pas été remis en cause. Ce n'est pas envisageable dans la société italienne.
Q 9 Il y a une omerta familiale à ne pas briser, une forteresse autour du coupable. Les pouvoirs de la mafia et de l'église sont-ils réels ? Avez-vous dressé un portrait fidèle de l'Italie ?
A 9 C'est un portrait assez fidèle même si il existe beaucoup de portraits. C'est vrai surtout dans le sud qui a un système assez féodal. Dans les années 90, les jeunes ont affronté la mafia de Falcone/Borcelino, il y a eu des associations de jeunes pour lutter contre la mafia. Il y a eu un grand bouleversement la petite mafia du Sud. Les propriétaires terriens avaient la main mise sur les serfs, il y avait des petits arrangements entre notables. On bidouillait les plaquettes de freins.
C(e n)'est (pas ?) un hasard si le coupable a été arrêté en Angleterre. L'enquête a durée huit ans. Il n'était plus protégé par le cocon familial. Il était seul moins protégé. Il manquait l'ADN pour l'incriminer. Il a été arrêté plus facilement. (Commentaire personnel : A priori le tueur a tué deux personnes en Angleterre en 2002, Heather Barnett et Jong Ok-Shin, et Elisa Claps en Italie en 1993.) le père est autant coupable que le fils. C'est l'affaire Barnett qui a permis son arrestation.
[Q 10 Qui sont les héros de l'histoire ?]
A 10 Il n'y pas de héros, de policiers qui prend l'affaire juste des protagonistes qui pédalent dans la choucroute/merde. C'est un roman chorale. Les policiers ont un petit rôle. Finalement les seuls héros sont les membres de la famille de Gloria/Elisa. Il y a encore beaucoup de zone d'ombres, de personnes qui se taisent encore. Ils ont besoin de connaitre la vérité.
Q 11 Personne n'a été inquiété/inculpé ?
A 11 Personne n'a recherché le prêtre ! Les femmes de ménages de l'église sont mises en examen maintenant. Et elles démentent les propos du curé en disant qu'il est fou.
Q 12 Toute l'affaire est ahurissante. On a une image terrifiante de la justice en Italie, un état de droit pas assez fort pour protéger de cas aussi graves. Donc cela ouvre la voie à de terribles dérives, des vengeances personnelles ?
A 12 Dans le tribunal il ya des discussions debout/assis. Un mélange, i l y a beaucoup de monde en salle d'audience. Ce n'est pas une question de bonne ou mauvaise justice. On découvre le système judiciaire en Italie.
Q 13 C'est inquiétant car au niveau européen/ Une décision rendue par un état membre est applicable dans un autre état de l'union européenne.
A 13 En Angleterre c'est plus conforme à ce qui se passe en France. Il y a eu huit ans de procédures. Les flics devenait fous, il y avait beaucoup de preuves psychologiques, le suspect était surveillé pendant quelques mois, mis sur écoute 24h/24. On entend peu sa voix. Je n'ai pas réussi à lui donner la parole. J'ai pu décrire ses agissements mais je n'ai pas pu rentrer dans sa tête. Je ne sais pas si c'est parce que c'est trop malsain ou trop facile.
Q 14 C'est une bonne présentation du coupable. Il est présenté de façon humaine. On comprend ce qui a structuré sa personnalité, comment il a glissé sur la pente. On a presque de la compassion/empathie des circonstances atténuantes on ne sombre pas dans le pathos Il n'y a pas de paroles complaisantes, d'apitoiement.
A 14 Les émissions retraçaient le manque de père, cet homme qui se consacre qu'a son musée. Un père arrogant, fasciste (psychologie du surhomme). Un père qui lui a dit "tu prends la femme si tu veux"
Q 15 La symbolique du cheveu est bien trouvée. le jeune garçon qui subit des sévices, sonne également vrai.
A 15 L'histoire du curé pédophile est inventée mais ca collait bien avec le reste de l'histoire. Pourquoi y avait-il un matelas recouvert de fluides (baisodrome) dans les combles de l'église? Pourquoi Don Pépé tolérait-il ca? C'était une connivence entre le curé et les jeunes.
Q 16 Vous avez un agent
Pierre Astier. Vous avez publié chez Fleuves noir? Quel a été le lien entre vous trois? Est ce qu'ils sont intervenus dans vos écrits?
A 16 Il n'y a eu aucune intervention extérieure pendant l'écriture de mes romans. J'ai créé ce dytique en trois ans. Quelques mois après avoir terminé, j'ai rencontré un agent et fleuves noir.
Q 17 Quelle est la valeur ajoutée de votre agent?
A 17 J'ai été contacté parce que les éditeurs se demandaient ce que j'étais devenu après mes premiers livres? On m'a demandé si j'écrivais encore et si j'avais un agent. Si ca m'intéressait d'en avoir un. J'ai répondu que ca m'intéressait pour trouver un nouvel éditeur et en un mois j'en ai eu un. => http://pierreastier.com/foire-aux-questions/
Q 18 Vous aviez prévu deux livres?
A 18 Non un seul au départ. Puis il y a eu tellement d'informations que j'ai divisé l'histoire en deux tomes. Un livre sur l'Angleterre et un livre sur l'Italie. J'ai fait lire les livres à l'agent puis à l'éditeur et ils ont voulu inversé l'ordre que j'avais prévu. Ils m'ont demandé pourquoi j'avais écrit d'abord Gloria car c'est le début de l'histoire. Je pensais faire T1 Gloria puis T2 Lily et eux on voulu faire T1 Lily et T2 Gloria. Lire Lily en premier ajoutait du suspens, on avait en 1 l'arrestation/la traque/thriller et en 2 la fabrication avec Gloria. Comment le monstre est né ? Les questions importantes sont le comment et le pourquoi ?
[J'ai raté une question sur l'écriture de livres bilingue]
Q 19 N'avez-vous pas cherché à changer les choses ? Car vous avez tous les pouvoirs sur vos personnages ?
A 19 Non j'ai voulu rester très proche de l'affaire. Avoir de l'empathie. Et me mettre à la place de chaque personnage. Une partie de moi était en colère.
Q 20 Est-ce que vous ressentez de la colère /frustration par rapport à certains personnages? Avez-vous montré vos émotions? Votre dégout? Dévoiler des choses personnelles?
A 20 J'ai eu besoin d'écrire pour évacuer cette colère, j'étais scandalisée par tout ca, dégoutée par un homme le père, par sa bassesse.
Q 21 Existe-t-il de la littérature en Italie sur cette affaire?
A 21 Oui le livre du journaliste de l'émission Chi l'ha visto et du frère de la victime, qui raconte les faux témoignages ( Federica Sciarelli, Gildo Claps, Per Elisa. Il caso Claps: 18 anni di depistaggi, silenzi e omissioni, Milano, Rizzoli, 2011, ISBN 978-88-17-05160-6) et un autre journaliste a écrit un essai « l'homme qui aimait en tuant ».
Q 22 Avez-vous prévu un prochain roman? Avez-vous des idées?
A 22 oui mais je suis encore dans la recherche. Ca ne sera pas un polar sombre mais plutôt des réflexions sur ce qui pousse les gens à passer à l'acte. Par exemple, prenons le cas du dépeceur/cannibale de Montréal, pourquoi-a-t-il tué et mangé son colocataire? et pourquoi avoir filmé les faits et les avoir diffusé sur youtube? Une réflexion sur la compréhension de l'âme humaine.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Luka_Rocco_Magnotta
Q 23 Avez-vous l'impression d'avoir rempli votre contrat?
A 23 Oui. J'ai l'impression d'avoir été la seule personne a débrouillé l'affaire. (rires) Mes conclusions tiennent debout, j'ai peut-être rendu un peu de dignité/justice mais je ne suis pas pleinement satisfaite car il reste de nombreuses questions sans réponse pour la famille. Est-ce que le coupable va s'exprimer un jour?
Pour la petite anecdote :
Je suis enseignante d'italien, et j'ai reçu un assistant italien dans ma classe, il venait de la région de Potenza. Je lui ai dit que j'écrivais un livre sur l'affaire Claps. le lendemain, il m'a expliqué qu'il était surpris que cette affaire soit connue en France. Son frère faisait un documentaire sur l'affaire. Il connaissait bien la famille et la victime, c'était une famille de buraliste et il avait fait du baby-sitting pour la famille. Jai attendu et j'ai pu voir le documentaire de son frère. [L'idée ici est que l'auteur devait écrire ce livre et qu'elle est poursuivie par cette affaire.]
Q 24 Il y a donc une responsabilité collective de la ville?
A 24 Oui. Il y a eu beaucoup de choses de cacher.
Q 25 Est-ce que cette affaire à changer des choses en Italie par rapport à la police?
A 25 Oui. Maintenant on ne dit plus spontanément qu'un enfant a fugué. On part du principe que c'est un enlèvement et que ce n'était pas un départ volontaire, on mène directement l'enquête.
* j'ai noté ce mot comme je l'ai compris je ne suis pas sure de l'orthographe
Pour des informations en anglais => https://en.wikipedia.org/wiki/Danilo_Restivo et http://www.theguardian.com/uk/2011/jun/29/danilo-restivo-murder-conviction-iceberg
En italien => https://it.wikipedia.org/wiki/Omicidio_di_Elisa_Claps