Si j'en ignorais tout avant d'être sollicitée, j'ai été ravie de recevoir ce livre par le biais d'une masse critique privilégiée, car le sujet abordé par l'autrice et la forme du récit m'intriguaient. La lecture de
Mise en forme était l'occasion de poursuivre une réflexion autour des sujets du rapport au corps et à l'image du corps des femmes, ici sous un angle que je n'avais jamais abordé, celui de l'addiction au fitness.
Si je ne suis moi même pas directement concernée, ayant un rapport au sport assez churchillien, j'ai pu observer à de nombreuses reprises des femmes de mon entourage basculer, à la suite d'une changement de vie ou d'un choc subi, dans une frénésie de gymnastique. Comme si cette rigueur imposée par l'entraînement, le rythme, les objectifs, le recentrage des priorités autour de cette activité, étaient une planche de salut dans le marasme, une preuve de leur capacité à reprendre le contrôle d'une vie qui leur échappait.
C'est donc avec des témoignages et des visages amies en tête que j'ai ouvert ce petit livre artistiquement mis en forme par son éditeur français,
Le Nouvel Attila (l'ouvrage a précédemment été publié au Canada,
Mikella Nicol étant canadienne, d'expression française).
La forme de l'expression, que l'autrice désigne comme un "récit", est celle d'un témoignage à la première personne, celui d'une expérience personnelle, intime, nourrie des réflexions, lectures critiques, d'une jeune intellectuelle (l'autrice est née en 1992), bercée de féminisme.
On y retrouve une ambiance proche de celle des livres de
Mona Chollet, qui se raconte finalement beaucoup dans ses ouvrages, tout en menant une enquête bien plus systématique avec un spectre journalistique.
Beauté fatale est d'ailleurs une des références de
Mikella Nicol dans cet ouvrage.
Nous sommes donc face à un texte d'une forme hybride, qui tient de l'introspection autant que d'un geste intellectuel cathartique, face à un vécu où la vie amoureuse et ses échecs, les souvenirs d'enfance et de jeunesse, les agressions, les obsessions s'entremêlent, entrainant le lecteur dans la confusion qui est celle de la narratrice.
Mikella Nicol questionne le lien qui se fait dans sa psyché entre le corps agressé des femmes, à travers son obsession sidérée pour les féminicides, et l'aliénation volontaire, à laquelle elle participe elle même, de nombreuses femmes, à l'idéal d'un corps sous contrôle total grâce au fitness.
Ayant déjà beaucoup lu sur ces sujets qui me sont familiers, j'ai été très intéressée par son approche qui va de l'intime à l'analyse critique, j'ai été séduite par son écriture. le texte n'est pas assez long pour qu'on se lasse du côté nombriliste de la forme.
C'est une lecture que je recommande à ceux qui s'intéressent aux conditionnements et injonctions faites sur les corps féminins, sur la définition de la beauté, sur le lien entre la santé mentale et ces discours. Une lecture qui est venue, comme je l'attendais, enrichir ma réflexion sur ces sujets et sur les parcours de vie de certaines amies.
Pour la suite de ma réflexion j'ai repéré le livre Make up de
Valentine Pétry, un sujet qui me concerne bien plus que les youtubeuses fitness !