La méthode TIPI développée par
Luc Nicon s'adresse aux phobiques et autres surdoués de la trouille. Elle les invite à choisir une situation de départ faisant intervenir la peur qui les paralyse afin qu'ils la revivent imaginairement, en allant toujours plus loin dans la représentation kinesthésique jusqu'au point où le patient réalise qu'il ne se passe rien. Mise en abyme de la dimension imaginaire de la phobie. La peur pourrait alors spontanément se résorber. Il suffisait d'y penser. le mental, sans cesse plus désigné comme l'adversaire de l'homme moderne à mesure pourtant qu'il s'appuie de moins en moins sur lui, serait alors anéanti. Mais qu'est-ce que l'imagination « kinesthésique » que
Luc Nicon encense, sinon du mental également ?
Luc Nicon croit pour sa part revendiquer un pur matérialisme : il ignore simplement l'idéalisme qui le nourrit. Après avoir écouté les récits des expériences terrifiques vécues par ses patients, il pose l'hypothèse que leurs phobies présentes trouvent leur origine à l'époque de la vie intra-utérine et de la naissance. Si le mystère de notre naissance restera plein à jamais, la naissance de la méthode TIPI est claire : elle s'est réalisée le jour où
Luc Nicon eut l'idée d'associer un symptôme à un événement traumatique de la vie intra-utérine.
Cette hypothèse a des conséquences édifiantes et nous apprendrons à sa suite des choses passionnantes sur l'embryogenèse, la gémellité mono et bi-amniotique, les siamois et autres tératogenèses. La plupart des peurs irrationnelles dont nous pourrions actuellement souffrir auraient pour cause la mort d'un petit jumeau amniotique. Pleine d'espoir à la lecture de cette bonne nouvelle – que j'aurais pu, au moins une fois dans ma vie, remporter une victoire et abattre un concurrent – je m'empressai de demander à ma mère si je n'aurais pas eu un petit jumeau mort, à tout hasard. Réponse négative. Ne nous laissons pas abattre pour autant.
Luc Nicon considère en effet que la gémellité serait « la phase initiale de toutes grossesses » et qu'un des embryons mourrait la plupart du temps avant la 12e semaine, ne permettant pas l'identification échographique ou la survenue d'une fausse couche conséquente chez la mère. Comme les choses de la vie sont bien faites. Partant de cette hypothétique hypothèse, la méthode TIPI affirme ses droits.
Peu importe la légèreté toute batifolante de cette hypothèse. Depuis
Otto Rank au moins, la psychologie ne s'interdit plus de brandir sa torche au fin fond du ventre maternel, lieu de tous les fantasmes. L'hypothèse se constitue cependant très vite en une méthode enlardée de très pesants arguments visant à défier toute objection. A l'encontre de Bion qui recommandait d'adopter une attitude « sans désir et sans mémoire »,
Luc Nicon encourage les praticiens de la méthode TIPI à ne pas lâcher le morceau pour que le patient, plongeant dans de troubles souvenirs sensoriels, finisse par tenir des propos permettant d'identifier, de près ou de loin, un événement qui pourrait être rapporté à un traumatisme de la vie intra-utérine. « A force de persévérance, en reprenant inlassablement ces mêmes propositions, lentement mais sûrement, le revécu progresse efficacement. » Face à un thérapeute acharné, usant de suggestions énormes comme ses yeux en rond de flan, peu de patients ont le courage de résister.
Les souvenirs incriminés dans ce procès de régression utérine sont assez abstraits et vagues pour avoir été expérimentés par n'importe qui : impression de manquer d'air, de tomber dans le vide, des formes étranges, du noir, du blanc, du gris, grande fatigue, colère, peur, honte… tout est bon dans le cochon – ou dans l'embryon.
Luc Nicon nous assure de l'efficacité de sa méthode en témoignant de quelques incroyables guérisons qu'elle aurait suscitées. Quelques petits biais protocolaires n'ont toutefois pas été soulignés, ou si peu. Par exemple, les cobayes ayant servi aux séances de la méthode TIPI connaissaient déjà les travaux de
Luc Nicon ainsi que son hypothèse des traumatismes intra-utérins. En outre, la guérison est simplement validée à la fin de la séance par une question : ressentez-vous encore de la peur ? « Ah non », disent les cobayes, installés tranquillement dans leur fauteuil après leur séance d'imagination. Un suivi a été effectué, nous assure toutefois Luc Nicon Nitop, et tous ceux qui ont bien voulu y répondre confirment que leurs peurs ont disparu – quant aux autres, nous n'en saurons pas davantage. Les suivis n'ont pas été effectués au-delà d'un an.
Je vous propose donc mon propre témoignage, puisque je me suis appliquée la méthode TIPI à moi-même, m'étant par ailleurs étrangement retrouvée dans 70% des témoignages des cobayes – peur du vide, agressivité passagère, mélancolie, dépression, comportements alimentaires anormaux, eczéma, sommeil léger, allergies printanières – le parfait prototype du dégénéré contemporain.
Me reportant à l'annexe du livre, j'ai tenté de comprendre quelles expériences de vie intra-utérine ont pu conditionner de telles tares. J'ai ainsi découvert que je devais avoir un jumeau mono-amniotique qui s'accrochait à moi par l'épaule (expliquant ainsi mes douleurs chroniques à cet endroit précis). Il aurait fini par mourir, entraînant une rupture de la circulation sanguine, ce qui se serait traduit par un sentiment de vide et de perte de l'énergie vitale (prolégomènes de la dépression). Ce jumeau se serait ensuite dissout dans le liquide placentaire, la consomption de ses parties molles engendrant des déchets toxiques irritants (eczéma) et des particules néfastes pour mon système respiratoire (allergies). La macération de ses résidus osseux, avant d'être complète, ne m'aurait pas épargné la lutte contre des débris squelettiques angoissants, ce qui expliquerait mon sommeil léger et ma tendance à l'insomnie. Quant à ma phobie du vide (aussi appelée « vertige » chez les ploucs), elle proviendrait en fait de l'évacuation par la voie naturelle d'un jumeau non viable. Or, comme le précédent jumeau imaginé n'a pas été évacué mais dissout, il faudrait imaginer que nous étions au départ des triplés ! Je suis fière de leur avoir survécu. Je suis fière de les avoir tous butés par ma puissance organique intrinsèque. C'est vrai, maintenant je ne crains plus rien.