Je suis resté un moment à regarder la scène, impossible de détacher mes yeux de la dépouille du grand félin. J𠆚i senti mon cœur qui se serrait à l’intérieur de ma poitrine, comme si c’était le corps de quelqu’un de proche de moi qui était étendu là.
Les hommes, il connaissait. Leurs odeurs importées des villages d'en bas, tant de fois croisées sur les sentes forestières, sous les branches des sapins dégoulinants d'usnée. La meilleure chose à faire avec ces carnivores qui lui ressemblaient tant et qui comme lui parfois marchaient sur leurs deux jambes, c'était de s'en tenir le plus loin possible. Éviter de s'y frotter si on tenait à sa vie.
Mais ma conviction, c'était que tout cela, ce n'étaient que des excuses pour les hommes comme mon père. Un moyen de ne pas reconnaître la vérité: que ce qui nous manquait le plus, c'était le courage qu'avaient nos ancêtres de se mesurer à un grand fauve.
- Ce qu'il est possible de faire ...Ce n'est pas compliqué, il faut tuer ce lion, c'est tout.
- Pour toi, ce n'est pas compliqué, Kondgima. Pour eux, c'est autre chose...Avant c'était plus facile, mais là, s'ils décident de le faire abattre, ce ne sera pas bon pour l'image du pays. Pour le tourisme, pour l'économie, pour la politique, tu ne te rends pas compte. Un lion, ce n'est pas un phacochère, mon ami. Pour les Blancs, c'est le roi des animaux, tu vois, il ne faut pas y toucher. Et en Afrique, il y en a de moins en moins.