Citations sur Seules les bêtes (108)
Parce qu'à force d'être tout seul, t'as appris à te connaître. Tu sais que si ici, au milieu du Causse et de tes animaux, tu te sens pas bien, ça veut dire que dedans, ça sera encore pire. Et alors, tes brebis, tu te mets à les détester comme c'est pas permis. Tu sais qu'elles y sont pour rien, que c'est toi qui les élèves et pas l'inverse, ça change rien. Tu les détestes parce que t'as personne d'autre à détester. (p. 56)
Des fois j'imagine la vie des paysans d'autrefois et toutes ces croyances qui leur pourrissaient l’existence. Ces histoires de fantômes qui voulaient pas quitter les maisons où ils étaient morts, de loup-garous qui s’attaquaient aux gamins pour leur bouffer le foie, de trèves qui se planquaient dans les bois et qu'attendaient les vivants. Nos ancêtres, ils y croyaient pour de vrai, quand ils passaient près de ces endroits maudits ils se mettaient à courir. Mémé en causait parfois, elle se moquait de sa mère et ça la faisait marrer, mais je voyais bien qu’elle riait pas tant que ça.
J'ai frappé. Pas de réponse. J'ai frappé encore . Et enfin j'ai entendu des pas glisser sur le sol derrière la porte en bois, puis le bruit d'un loquet qui sortait de son axe . Le battant s'est ouvert en grinçant .Et dans l'entrebâillement, j'ai eu ma première vision de cet homme abîmé qui un jour allait devenir mon amant , avec son jean sans forme, sa chemise grise et tachée, ses cheveux dans tous les sens. Mais ce que j'ai vu avant tout, c'est le fusil de chasse qu'il tenait à deux mains, en travers, comme pour m'empêcher de passer . Tu parles d'un accueil, ai-je pensé.
C'est pas rare que je baisse les yeux et que je regarde mon ombre qui devient plus petite avec les heures. Je suis son mouvement sur les herbes sèches et sur les pierres grises. Je me dis que cette ombre au moins, elle sera toujours là. Que j'ai pas besoin de lui causer ou de faire je sais pas quoi pour qu'elle reste. Je pense aux anciens, à ces histoires qu'on me racontait quand j'étais gosse. Dans le temps, les vieux disaient que ton ombre, c'était l'image de la mort. Comme un double de toi qui s'accroche à tes pas et qui te quittera que le jour où tu seras sous la terre.
Comme quand t'es gamin et que tu te dis que le Causse c'est le plus bel endroit du monde sans voir ce futur qui se prépare, sans savoir que plus tard ces steppes sans fin tu pourras plus les regarder sans avoir envie de chialer. Et en moi j'ai senti revenir les noeuds de la solitude. (p. 97)
Moi, ces jours-là, c’est pas rare que je baisse les yeux et que je regarde mon ombre qui devient plus petite avec les heures. Je suis son mouvement sur les herbes sèches et sur les pierres grises. Je me dis que cette ombre au moins, elle sera toujours là. Que j’ai pas besoin de lui causer ou de faire je sais pas quoi pour qu’elle reste.
Dans le temps, les vieux disaient que ton ombre, c’était l’image de la mort. Comme un double de toi qui s’accroche à tes pas et qui te quittera que le jour où tu seras sous la terre. Des fois, j’imagine la vie des paysans d’autrefois et toutes ces croyances qui leur pourrissaient l’existence.
On aurait dit que la nouvelle année qui s'approchait, les gars l'attendaient avec impatience, comme s'ils croyaient vraiment qu'elle allait être mieux que celle qui finissait. Comme si ce monde meilleur, plus solidaire, plus équitable, qu'ils pensaient être en train de construire, il avait une chance d'émerger un jour.
C'est à ce moment-là qu'on a eu un nouveau chien et que j'ai eu l'idée de l'appeler Guillaume. Comme le fils Ducat. Je revois encore papa en train de caresser la tête du chiot sur les marches de la maison. Ouais, ça c'est bien un nom de bâtard, il avait dit les yeux braqués sur les bâtiments des Ducat à cent mètres des nôtres . Depuis ce jour, tous nos chiens on leur a refilé ce nom-là, pour jamais oublier combien on les détestait nos voisins
(...), en France un agriculteur se suicidait tous les deux jours .