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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Antoine Bloyé, c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde, c'est personne…Et pourtant, elle raconte tant sur notre monde du vingt-et-unième siècle, cette vie banale, cette vie de travailleur, la vie de cet homme qui, dira-t-on plus tard, a su profiter d'un ascenseur social.

Né dans une famille humble, pourtant déjà mieux lotie que ne l'étaient ses parents, Antoine fait partie de ces quelques élèves « remarqués pour leurs capacités, et que l'on considère dignes de bénéficier d'un enseignement complémentaire un peu plus étoffé que le certificat d'études. Pas par bonté d'âme, mais par pragmatisme : l'industrie est en plein essor et réclame des bras et des cerveaux, et il faut former des travailleurs. C'est ainsi qu'il se retrouve aux Arts et Métiers à Angers. Studieux et compétent, ouvert sur le monde qui éclaire d'un jour neuf l'humilité de ses origines.

Le parcours est sans surprise, diplôme, errance affective jusqu'à ce que des parents soucieux de caser leur fille ne posent une option sur le jeune homme prometteur.

Et c'est la réussite, pour un temps, pour les apparences, comme en témoigne le train de vie.

Trop âgé pour partir au front, c'est tout de même la guerre qui rattrapera notre homme pour une fin de carrière dans la déchéance.

C'est la politique du verre à moitié vide qui se dessine chapitre après chapitre, et on imagine l'exercice qui consisterait à reprendre le même déroulement avec le verre à moitié plein! Il vaut mieux en effet avoir un moral d'acier pour ne pas sombrer dans le désespoir face au constat des manipulations dont nous sommes l'objet, par des êtres eux-aussi manipulés. La question est : qui est le maitre des manipulations?

Le recrutement, la formation des travailleurs résultait d'une vision à court terme, bousculée sans état, d'âme par la guerre, et intégrée dans un plan d'ensemble obscur. Mais si l'on compare à notre situation actuelle, on a bien l'impression qu'il n'y a plus de plan du tout, et que le navire glisse sur des eaux incertaines ayant perdu tout plan de route.


C'est écrit simplement, sans lyrisme, sans effet de manche, est c'est d'autant plus efficace.

Un roman marquant.


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Antoine Bloyé veut être conforme, il veut s'élever de sa condition, se marier, faire un enfant, travailler, beaucoup travailler pour posséder, devenir un bourgeois. C'est la voie toute tracée pour lui. Mais la société va le trahir, le déposséder, et ce sera la chute.

Ce roman m'a inspiré de nombreuses réflexions. Je viens également du petit monde ouvrier et je suis bibliothécaire. Je connais bien ce sentiment qui traverse le livre, de ne jamais se sentir à sa place, d'être une usurpatrice, traître à ma classe sociale originelle. Même si je suis contente de faire un métier passionnant, ce ressenti ne m'a jamais quitté. Je me suis toujours sentie mal à l'aise avec les gens de savoir.

Ce roman interroge la façon de vivre le travail, l'auteur critique la vie étriquée du petit bourgeois qui a donné sa vie pour son travail, par orgueil, par bêtise. C'est une critique du capitalisme.
Concernant notre rapport au travail, les thèmes sont un peu datés, car le monde ouvrier n'existe presque plus d'ailleurs, je me demande ce qu'il est devenu ? de ce fait nous ne sommes plus trop sur la lutte des classes ou bien a-t-elle pris une autre forme ?

Paul Nizan analyse avec une grande acuité tous les pans de la vie d'Antoine Bloyé, affective et professionnelle tout au long de sa vie. Sa rétrogradation, sa mise au placard a fait de lui un homme qui n'a pas connu le bien vieillir avec l'acquisition de la sérénité et de la sagesse comme admirer un coucher de soleil ou une fleur et se réjouir de la beauté terrestre.

C'est un livre magnifique qui nous interroge sans cesse, qui a incontestablement une vision. Je vous conseille sa lecture, il est très bien écrit. Il est beaucoup plus que les quelques mots que je viens d'écrire. Il est puisant de gravité, de lucidité, de subtilité.

En revanche, je n'aime guère les quelques réflexions sur les femmes, je le trouve terriblement cruel. Il ne décrit pas les hommes aussi violemment.
« Des enfants, des femmes lasses, vidées comme des sacs de peau sans lustre et sans reflet ou gonflées de mauvaise graisse par les allaitements, les lessives, les ménages … »
« Il y a des milliers de femmes dans la petite bourgeoisie : ces araignées tapies au fond des maisons seules des provinces enveloppent leurs maris de toiles qu'il faudrait un effort, un dessein héroïque pour déchirer. »
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Les 68premiéresfois fêtent les 5 ans de cette aventure : découvrir des premiers romans mais aussi au fils des années des seconds romans. Pour son cinquième année, une sélection de premiers, deuxièmes romans et des conseils de lecture de primo écrivains. C'est ainsi que j'ai découvrir le roman de Paul Nizan. Antoine Bloyé est un roman social, qui nous raconte l'ascension sociale d'un jeune garçon. Il monte dans l'échelle sociale grâce à l'instruction publique et de simple ouvrier à la compagnie des chemins de fer il va devenir chef d'atelier et devenir un chef et un petit bourgeois dans une petite ville de province. Mais le déterminisme social existe et demeure le plafond de verre, car il ne se sentira jamais accepté par la bourgeoisie provinciale. Et regrettera parfois sa position de chef face à la solidarité des ouvriers en particulier lors de mouvements de grève. J'ai été émue à la lecture de certaines pages, en particulier sur le travail à la compagnie des chemins de fer. Arrière petite fille, petite fille et fille de cheminot, certains épisodes résonnent dans des souvenirs familiaux. Avec une belle écriture, cette lecture est un plaisir même si cela n'est pas gai et que c'est malheureusement toujours d'actualité. Paul Nizan parle très bien de l'évolution de la société, de la vie rurale à la vie urbaine, le long des lignes de chemins de fer, du développement de l'industrialisation, de l'évolution sociale et des moeurs. Un texte qui m'a incité à continuer la découverte de cet auteur, dont je pense qu'il fait partie des écrivains un peu oubliés de la littérature française. M'a donné envie aussi de relire certains romans de Zola, d'Aragon et d'auteurs de cette époque, qui nous parle du début du 20e siècle et des changements d'époque.
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le lectorat est averti dès les premières pages : cet Antoine Bloyé va mourir à 63 ans. Pour le suspense vous repasserez. Cela ne tombe d'ailleurs pas si mal puisque le suspense n'est pas précisément le coeur du récit. On va suivre l'enterrement du défunt, pas à pas, avec les larmes de crocodiles, les pics sournois. NIZAN possède un talent hors normes pour décrire une scène sombre, c'est du haut vol, une précision doublée d'un rare cynisme, succulent : « Car le corps commençait à se défaire. Lorsqu'il fut étendu dans la bière une odeur de pourriture piquante et fade commença à tourner dans le salon obscur : elle contenait comme une arrière-odeur de jacinthes, un rappel surnaturel de la place du Carrousel, au début du printemps ». Funérailles détaillées brillamment, écriture au sommet de l'art.

Puis il faut bien évoquer le parcours du mort, donc projecteur tourné vers l'arrière. Les aïeuls d'Antoine, papa, maman, leur vie pauvre, un ouvrier marié à une femme de ménage. Et puis l'ascension d'Antoine, son accession à la vie bourgeoise, dans les chemins de fer. Carrière professionnelle commencée tout au bas de l'échelle, puis atteignant peu à peu les sommets. Sur la vie du rail, on peut y voir une nouvelle plongée après « la bête humaine » de ZOLA.

Le cas de conscience : fils d'ouvrier, ancien ouvrier lui-même, Antoine Bloyé peut-il accepter les regards durs de ses propres salariés sur leur patron ? Un roman tout en questionnements sur les classes sociales, la vie qui se doit ou non d'être vécue, le bonheur à grands coups de billets de banque, de consommation, de matérialisme, de faux semblants, de paraître et de jalousies. Antoine qui va devoir faire face à une grève, lui qui jadis n'était pas parmi les derniers à défiler.

Un arc-en-ciel en forme de vacances en Bretagne, avec la petite famille, pour dépenser l'argent honnêtement gagné sur le dos de ses ouvriers. Vacances j'oublie tout. Oui mais c'est court tout ça, retour dans les usines, les chemins de fer, les locomotives qui toussent, pareils pour les ouvriers. « le travail se paie comme la noce, Monsieur ». Bloyé ébauche parfois un début de bilan : « Trois ans d'école, dix-sept et trois font vingt… Vingt ans. Si je dure jusqu'à soixante ans, c'était le tiers… il me restait deux tiers de vie… Un an de Montpellier, vingt et un ans… Six ans de chemins de fer, sur les machines… Vingt-sept ans, j'étais marié… Ma fille est morte quand j'avais trente-cinq ans… Nous sommes en 1905, j'ai quarante ans, j'aurai quarante et un ans le mois prochain… Terrifiant… ».

Ce roman est celui de la déchéance d'un néo-bourgeois, d'un « assimilé », d'un prolétaire ayant construit sa vie sur l'ambition professionnelle. Une fois au bout du chemin, aura-t-il vraiment vécu ? Loin de ses idéaux, dents longues, vanité, écrasement de ses semblables, tout ça pour finir dans un trou. Car bien sûr NIZAN tape fort. Sur la philosophie de la vie, la politique, les c(l)asses sociales, la notion de liberté, de réussite. Livre découpé en trois parties, la dernière est celle de la chute, elle est diablement Simenonienne, l'écriture est sobre mais acérée, le ton se veut neutre mais pousse le condamné dans le dos au bord du précipice.

NIZAN écrit ce livre en 1933, cet Antoine est son père qu'il romance. Alors ce Pierre, fils d'Antoine, qui constate les « dégâts » et l'inutilité de la vie de l'aïeul, est-ce Paul NIZAN lui-même ? Ce récit est aussi et peut-être surtout un constat sur la fin de l'ancien monde, ce XIXe siècle s'éteignant en fait au XXe, aux premiers coups de feu de la première guerre mondiale dont le clairon annonce le monde nouveau. Livre vitriolé, tout en violence retenue, il est l'image d'une époque, efficacité féroce au sein d'un constat quasi maléfique. Grandiose.

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