La couverture est vraiment très belle. Très. La bonne nouvelle est que le contenu l'est tout autant.
Eliott est un enfant qui subit le harcèlement. Ah mais non, le harcèlement, il suffit d'en parler à des adultes, et le problème sera résolu. Oui, mais Eliott en a parlé à sa maman, qui est passée par l'explication psychologisante du comportement du harceleur, et trouve donc que son fils exagère les choses, ne comprend pas forcément le comportement de l'autre, etc, etc… Quant à sa gentille institutrice, qui est réellement gentille, elle ne prendrait sans doute pas les choses au sérieux. Et oui, le harceleur est une adorable petite fille, très mignonne, très bien habillée, qui sait très bien se comporter face aux adultes, bref, si elle était accusée, ce n'est pas que les adultes tomberaient de haut, c'est qu'ils ne le croiraient pas une seule seconde. Y aura-t-il une solution ? Oui, nous sommes dans un roman de littérature jeunesse intelligemment construit, et il faut compter sur le fait que l'enfant n'est pas seul, pas le seul à comprendre ce que fait le harceleur, pas le seul à être victime de harcèlement. Rappelons-nous aussi que pour harceler, il ne faut pas non plus se sentir très bien soi-même.
Après ce premier paragraphe, vous devez vous dire que le livre est un peu sinistre. Pas du tout. Eliott a en effet trouvé refuge à la bibliothèque et va découvrir une brigade chargée de la protection des livres et de la littérature. Il se retrouve embauché d'office dans cette brigade, sinon, sa mémoire sera effacée – sa mémoire de l'événement, pas toute sa mémoire, les protecteurs des livres et de la littérature ne sont pas des monstres, simplement des rats débordées, un chat qui n'aime pas trop les humains (il a ses raisons, et elles sont compréhensibles), un fantôme qui ne comprend pas encore qu'il en est un, et un bibliothécaire charmant, Caleb, qui aime bien Eliott parce qu'il aime lire, justement. Il n'est pas si fréquent de trouver un garçon qui aime lire dans les romans – certes, le public visé est un peu jeune pour apprécier les « bad boys », ces garçons qui ont l'air terriblement méchant mais sont en fait terriblement attachants, mais les garçons sont plutôt fans de console de jeux que de lecture.
Le livre pose des questions intéressantes sur les pratiques de lecture et aussi sur les pratiques d'écriture. Il nous invite à penser à la magie des mots, à tout ce qui peut être créer avec eux, aux mots rares, que l'on utilise plus et se trouvent voués à disparaître, aux personnages secondaires qui se retrouvent abandonnés en cours d'intrigue et auxquels ils seraient intéressants, peut-être, un jour, de redonner vie. J'adresse une mention spéciale pour les soins urgents qui sont prodigués au livre en souffrance « mal en point », dont il faut absolument prévenir l'auteur, comme on le ferait d'un parent proche.
Un roman rempli de qualités, dont celle d'aller à contre-pied des clichés.
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