Première participation au club de lecture de Babelio – avril 2011
Quand on démarre «
La tombe des lucioles », en ayant auparavant vu l'anime qui en a été tiré, on sait que l'on va avoir à faire à un texte difficile. On sait que
NOSAKA Akiyuki narre l'errance de deux orphelins dans une guerre qui les affame. La personnalité de cette lointaine tante, sa cruauté de ne voir qu'en eux deux bouches à nourrir à l'époque du marché noir et du rationnement nous attriste et nous révulse. On sait aussi l'attendrissement que l'on va porter sur ce frère, Seita, qui va tout faire pour sauver sa petite soeur Setsuko, en chapardant de quoi survivre dans les champs éloignés, mais surtout en lui offrant du réconfort (et de l'oubli aussi) en illuminant leur grotte-sanctuaire de lucioles. Mais ce à quoi l'on s'attend beaucoup moins, c'est à cette langue qui accroche, ces descriptions crues, qui renforce l'horreur des situations. Bien sûr, n'étant pas (encore) japonisante, le recours à la traduction est indispensable, même s'il se doit d'être interrogé. L'argot omniprésent m'a gêné dans la lecture, bien qu'il puisse être considéré comme un artifice littéraire permettant proximité et identification.
De ce fait, la comparaison entre la nouvelle et son adaptation cinématographique va dans le sens d'un adoucissement. Et cet adoucissement transparaît dans la mutation du mot « tombe » du titre en « tombeau » (comme cette boîte que Seita garde sur lui avec les ossements maternels). Alors que la tombe est froide, impersonnelle, le tombeau est écrin, souvenir et mémoire.
La seconde nouvelle traite du rapport d'un quarantenaire japonais avec l'américain, à la fois la langue et l'ancien colon, le nouveau frère. Alors que le personnage principal, Toshio, doit accueillir, sur demande de sa femme un couple d'américain, il se remémore l'occupation après la seconde guerre mondiale (seuls passages où Toshio devient narrateur). Et c'est avec les mêmes artifices qu'il essaie d'être un bon hôte. Mais là où, pendant l'occupation, il essayait de profiter de la richesse américaine en offrant des femmes aux soldats, Toshio offre au vieil américain des spectacles sexuels où les acteurs ne peuvent se départir de l'origine du spectateur. C'est ainsi que renait la distance qui confine à la haine. Il est parfois comique d'imaginer les japonais affamés désarmés face aux rations de chewing gum déposés en parachute, mais le ton de la nouvelle se veut bien plus dur, empreint de rejet de l'Autre. Comme les lucioles, les algues d'Amérique (en fait le thé noir) cristallisent dans un procédé tout japonais l'incompréhension et le pardon impossible.
Du point de vue strictement littéraire, il est intéressant de voir dans cette nouvelle une préfiguration des thèmes qui seront eux de la littérature Jpop (ceux d'un
Ryu Murakami par exemple).