C’était en Finlande, quelque part entre Faaaa et Aaaaa.
J’étais parti trois jours auparavant, à la recherche de la dame de mes pensées, car dans le Nord, si l’on part en voyage, c’est que l’on cherche la dame de ses pensées. (C’est l’un des points communs les plus étranges entre le Nord et le Sud.)
Il est un lieu de cette planète qui m’est aussi précieux que le Sud : c’est le Nord. Plutôt que de disserter sur les splendeurs boréales, je me propose de les évoquer par un récit dont je suis l’unique dépositaire, sans savoir pourquoi ce privilège m’est échu.
La nuit promettait d'être sublime. Je m'aperçus alors que je crevais de faim.
— La moyenne est restée valable. Chaque année, un hôte nouveau est arrivé. L’an passé, ce fut ce quatrième compagnon.
— Un pneu crevé, dit simplement celui-ci, fatigué avant d’avoir débuté.
— Il s’est acclimaté aussi bien que les précédents.
Mais quelle idée, quand même, de rouler à moto dans une région pareille !
Je me rappelais aussi avoir repéré, dans une encyclopédie mythique, le nom de plusieurs fées septentrionales qui m’avaient fait rêver. Nul doute, à présent, que ces charmantes créatures étaient nées dans le cerveau d’un type s’enfuyant d’un festin. On ne dira jamais assez le mal causé par les idées trop belles de celui qui s’échappe d’un banquet nocturne. Et moi, j’étais la madame Bovary de ces gens : la victime de leurs trop beaux mensonges.
J’en conclus que j’avais ri à un moment particulièrement bouleversant de cette saga. Que se passait-il donc ? Une jeune femme au bord des larmes tenait à un homme hébété des propos convulsifs. Cette fille eût été presque jolie si elle n’avait pas été coiffée comme ça. Pourquoi les Américaines avaient-elles toujours ce brushing ridicule ? C’était d’autant plus regrettable qu’ensuite des nuées de villageoises européennes iraient demander à leur coiffeuse de donner à leur chevelure le même mouvement. Et ce qui était vilain sur Cindy l’était davantage encore sur Jeannine, Marijke, Gigliola et Gudrun.
Un nombre indéfinissable d’heures plus tard, je regrettai amèrement ma folie. Comment l’expliquer sinon par cette transe du Nord qui s’empare des rêveurs ? En temps ordinaire, je n’étais pas un abruti complet. Si je m’étais conduit comme tel cette fois, c’était pour avoir été la victime de ces mythologies boréales qui frappent les âmes sensibles dès qu’il neige.
Il fallait reconnaître que les lieux où je marchais étaient d’une beauté sidérante. Je n’étais cependant pas certain d’être prêt à mourir pour un paysage, fût-il superbe.
Jamais je n’aurais cru que l’ivresse sensuelle pouvait inspirer un tel tourment, une telle panique à l’idée de ne la plus éprouver. C’était une drogue si violente qu’une prise unique avait suffi à me rendre dépendant au degré le plus grave. Ce miracle avait dû me transfigurer. Je me levai pour aller me regarder dans le miroir qui surplombait le lavabo : mon visage me parut ordinaire