Citations sur Sans nom (18)
Ne pas savoir où j’allais ne m’empêchait pas d’y aller.
J'ai toujours considéré la famille comme l'Armée du Salut : quand plus personne ne veut de vous, quand votre vie est un échec irrémédiable, quand vous n'avez plus un sou vaillant, quand vous crevez de faim et de solitude, alors je conçois que vous alliez dîner chez oncle Machin et tante Bidule. Sinon, je ne le conçois pas.
J'ai toujours considéré la famille comme l'Armée du Salut : quand plus personne ne veut de vous, quand votre vie est un échec irrémédiable, quand vous n'avez plus un sou vaillant, quand vous crevez de faim et de solitude, alors je conçois que vous alliez dîner chez oncle Machin et tante Bidule. Sinon, je ne le conçois pas.
La première des prisons, c'est de gagner sa vie.
La première des prisons, c’est de gagner sa vie. Ici, nous avons résolu ce problème. Les autres prisons sont matérielles et affectives : les gens sont prisonniers du logis dont ils paient le loyer et des êtres dont ils ont obtenu l’affection. Et toutes ces chaînes ne leur garantissent que des existences minables dans des lieux pas terribles et avec des amours médiocres.
Cette attitude devait s’expliquer entre autres par la géographie : quand on s’aventurait si loin dans les hivers du Nord, la solidarité devenait un devoir. À partir d’une certaine latitude, l’homme se débarrassait de son passé, de sa personnalité, de son identité, voire de son casier judiciaire, pour ne plus être qu’un homme, cette créature effarée, composée de cinquante pour cent de faim et de cinquante pour cent de froid.
Je poussai une porte et arrivai dans une autre pièce, vide également. Cette pièce donnait sur une pièce d’un vide comparable, qui elle-même débouchait sur le vide d’une pièce, et ainsi de suite. Il eût été impossible de nommer ces pièces en fonction d’une terminologie classique, de penser, par exemple, que ceci était le salon, la salle à manger, le bureau ou la chambre à coucher. Le seul terme vague qui eût pu convenir à chacune de ces pièces était le mot débarras. Car le vide de ces pièces n’était pas absolu. Il y avait toujours, dans un coin, un amoncellement de choses indéfinissables.
Pourquoi chercher à dire ce qui est de l’ordre de l’indicible ? Peut-être pour me prouver à moi-même que je n’ai pas inventé. Il m’est arrivé de penser que les évangélistes avaient écrit dans ce seul but.
N’en déplût à Purcell, il n’y avait pas de génie dans le froid. Il y en avait dans ses opéras, point final. Dans le froid, il y avait la souffrance abrutie des hommes que le gel avait restitués à leur animalité. S’il y avait un génie dans le froid, le fameux air n’eût pas été composé par un Anglais, mais par un Esquimau. Semblablement, s’il y avait eu tant de charmes aux voyages d’hiver, les fameux lieder n’eussent pas été l’œuvre d’un Autrichien, mais d’un Lapon. Les vrais Nordiques, eux, se terraient dans leur demeure pour ne pas s’exposer à ces risques inutiles.
L’un des maux de cette époque est que l’on ne peut plus demander aux gens ce qu’ils font. Cette question jadis innocente entraîne aujourd’hui un malaise trop profond. Le chômage y est pour beaucoup. Je trouve cela dommage. Si quelqu’un me disait très simplement qu’il ne faisait rien dans la vie, j’aurais pour lui de l’admiration. Il est magnifique de ne rien faire. Si peu de gens en sont capables.