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« Dites-nous comment survivre à notre folie » est en fait un recueil de quatre nouvelles :

- Gibier d'élevage
- Dites-nous comment survivre à notre folie
- Agwîî le monstre des nuages
- le jour où Il daignera Lui-même essuyer mes larmes.

* « Gibier d'élevage » a fait l'occasion d'une parution dans la collection Folio 2€ (j'y ai déposé là-bas ma critique)

* Comment ne pas voir dans « Dites-nous comment survivre à notre folie » un récit hautement biographique. le protagoniste voit sa vie bouleversée par la naissance de son fils. Mais le jour tant attendu de cette venue au monde, son univers s'écroule subitement. Son fils présente une grave anomalie et sera handicapé mentalement. Dès lors, il va se couper du monde tout en essayant de communiquer avec son fils simplement en lui tenant la main. Petit à petit, il va s'exclure du reste de la société pour pouvoir rester au plus près de son fils, quitte à approcher dangereusement la folie. Beaucoup d'amour et de tendresse dans cette nouvelle, mais une certaine rage apparaît contre l'incompréhension et la gêne qu'engendre la vision d'un handicapé. le regard des autres pèse lourd sur ce père et son fils qui n'ont comme seuls plaisir et communion de se tenir la main, de faire de la bicyclette et de manger un bouillon d'os aux nouilles avec un pepsi-cola.

* « Agwîî le monstre des nuages » est certainement l'une de ses nouvelles les plus personnelles. Un homme, musicien d'exception, s'écarte du monde social, s'enferme petit à petit dans un univers à lui, proche de l'autisme. Son problème : il discute avec un énorme nuage que seul lui est capable de voir et de ressentir. On pourrait le croire fou, mais est-ce réellement de la folie que de communiquer avec des êtres extérieurs...parce que Agwîî serait en fait la simple image de son fils mort dès sa naissance. Depuis, il s'est créé un imaginaire dans lequel il semble incapable d'en sortir, un nouveau monde dans lequel il peut communiquer avec son défunt fils.

Agwîî, c'est la plus belle et la plus émouvante des 4 nouvelles. C'est celle qui me donne envie de poursuivre le chemin de l'auteur pour comprendre et expliquer la folie tel qu'il la ressent, lui qui y est confronté au quotidien. C'est celle qui me fait comprendre que je ne suis au final pas grand-chose, qu'il y a autour de moi des êtres que je ne vois pas et qui pourtant mériteraient qu'on les regarde et qu'on veille sur eux, des forces ancrées dans l'imaginaire mais qui pourraient se révéler bien réelles lorsqu'on y croit fermement.

* « le jour où Il daignera Lui-même essuyer mes larmes » : le narrateur passe ses journées allongées sur un lit d'hôpital. Il est atteint d'un cancer et va mourir d'ici quelques jours, quelques heures même. Il en est persuadé comme il l'est d'être malade malgré toutes les contradictions de son médecin. Les autorités médicales et infirmières le prennent pour un fou ; mais qui sont tous ces gens qui pensent mieux savoir ce qui se passe à l'intérieur de son propre corps ?
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Pour avoir lu et apprécié quelques livres de littérature japonaise, "Dites-nous comment survivre à notre folie" m'a littéralement tapé dans l'oeil, pour son titre d'abord parce que la folie, je la sens s'insinuer dangeureusement tout autour de moi, et peut-être en moi aussi, allez savoir. Et par l'illustration de sa couverture, qui dénote bien l'atmosphère de ces nouvelles. Vaporeuses comme la légèreté de ces petites fleurs. Déroutantes comme le regard en coin de ce jeune garçon.

Quatre nouvelles qui m'ont toutes perturbées en fait. Les sujets traités ? le style ? Je ne sais trop.

- Gibier d'élevage : relate la relation d'enfants envers un Noir emprisonné dans une cave d'une des maisons du village, la "mairie" ne sachant quoi en faire et attendant les ordres d'en haut.

- Dites-nous comment survivre à notre folie est l'histoire d'un obèse et de son fils handicapé mental, du lien qui les unit et de la découverte par le père que son garçon n'a pas nécessairement besoin de lui pour vivre.

- Agwûû le monstre des nuages : ma préférée. le narrateur obtient un emploi : servir de "nounou" à un prodige de la composition musicale qui s'est retranché dans son monde, affublé d'un ami imaginaire.

- le jour où il daignera... Un homme parle à son cancer ou à son infirmière. Lecture abandonnée car je n'ai rien compris.

Trop intellectuel pour moi.
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Livre difficile composé de 4 nouvelles

La première intéressante nous parle d'un Japon méconnu (seulement abordé dans la tombe des lucioles)
Un Japon avant la fin de la guerre. Pauvre, dans la survie.
Un soldat américain tombe aux mains d'un village isolé.
Confrontation incroyable à l'issue dramatique tant les 2 mondes ne peuvent pas se parler.

La seconde tourne autour de la relation d'un père obèse et de son enfant handicapé avec en arrière plan la relation à son propre père.
Ce dernier sujet occupera presque toute la quatrième nouvelle.

La 3e énigmatique évoque avec pudeur la mort de l'enfant, la lâcheté et la culpabilité.

La quatrième est assez pénible
Elle tourne autour d'un père ayant vécu la fin de sa vie recluse et ayant traîné dans d'obscurs et pathétiques complots. Ce père est évoqué au milieu d'un monologue délirant alternant réalité et fabrication. le père a comploté. le père est revenu, mais il se cloître chez lui. Il est gros en pleine période de disette.
On ne sait pas où l'on va, et même si tout, y compris les autres personnes, ne sont pas le délire d'un malade sur son lit de mort

En tout cas, la relation à la mère (confiscatrice), au père (absent alors qu'il est là) et l'obésité sont clairement des thèmes qui pèsent gravement sur l'auteur et je dois le dire sur le lecteur.

Donc un livre pesant !
Lien : http://travels-notes.blogspo..
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L'interpellation désespérée de Kenzaburô Ôé est à la fois inclusive et exclusive : parce qu'on ne sait pas qui à qui s'adresse ce titre « Dites-nous comment survivre à notre folie », et parce qu'on ne sait pas qui est désigné par cette deuxième personne du pluriel, tout doute semble permis jusqu'à ce que l'on comprenne que, derrière cette interpellation, se cache un étrange paradoxe qui demanderait à cette « folie » de devenir guérisseuse. Mais ce n'est pas tout, car la richesse des thèmes évoqués par l'écrivain excède souvent ses intentions et donne à ses récits un mouvement de progression graduelle dont on ne peut jamais deviner par avance l'achèvement.


« Dites-nous comment survivre à notre folie » est le titre d'une des nouvelles qui compose ce recueil composé de trois autres textes. Il est le plus dense, et peut-être celui dans lequel Kenzaburô Ôé s'est le plus investi personnellement. Narré par un homme obèse –qui ne le sera plus par la suite mais qui continuera à garder ce qualificatif- souffrant de relations paternelles et maternelles morbides, si inauthentiques qu'elles virent souvent au grotesque théâtral, l'introduction de la nouvelle se construit progressivement pour faire éclater enfin son sujet primordial : celui de l'enfant handicapé. Kenzaburô Ôé, lui-même père d'un enfant handicapé, semble profiter de la marge de liberté laissée par l'écriture pour décrire des relations si intenses –dans les bons comme dans les mauvais sentiments- qu'elles virent au pathologique. le mot n'est pas mal choisi : dans l'oeuvre de l'écrivain, le corps et la vie spirituelle sont étroitement enchevêtrés. Il n'existe pas un sentiment, pas une angoisse, pas un désir qui ne finisse par se matérialiser à travers les proportions d'un personnage, d'un détail particulier de sa physionomie ou de ses maladies. La fusion du père et du fils est ici décrite de cette manière ; la relation est si intense qu'elle excède le stade des liens abstraits et devient parasitisme voire cannibalisme


« Dans un ouvrage sur les poissons, il était tombé sur un article consacré au célatius ; le mâle de ce poisson, qui vit en eau profonde près des côtes du Danemark, est minuscule et reste constamment collé comme une verrue au ventre de la femelle, laquelle est énorme. Et l'obèse s'était pris à rêver que lui-même était un célatius femelle croissant dans les profondeurs marines avec son fils enchâssé dans son corps, comme le petit célatius mâle ; et cette rêverie était si douce qu'il lui était douloureux d'en être arraché. »


Cet enfant handicapé est également évoqué dans une autre nouvelle du recueil : « Agwîî le monstre des nuages ». Cette fois, le lien ne sera pas matérialisé puisque l'enfant est mort. Variation autour du thème : comment la relation pourra-t-elle prendre forme malgré tout ? Peut-elle évoluer malgré l'absence d'un de ses membres ? Et si oui, au prix de quelles tortures, de quelle culpabilité de la part du membre restant ?


L'enfance est décidemment un monde à part, qu'elle soit constitutive ou qu'elle continue à enseigner l'homme adulte sur lui-même, par le biais des derniers éléments de sa génération. Ainsi, « Gibier d'élevage » s'inspire de l'enfance de l'auteur, qu'il a passée reclus dans un village cerclé par d'immenses forêts. Dans ce lieu de vie quasi-autarcique, où réclusion et promiscuité catalysent les énergies les plus inquiétantes des habitants, un soldat noir américain, rescapé d'un accident d'avion, se lève parmi les débris de la machine. Terreur, fascination et curiosité acharnée se mêlent dans les réactions des habitants face à cet homme avec lequel ils ne peuvent pas communiquer. Parce qu'il ne parle pas, parce qu'il se contente d'être sans vouloir affirmer sa force face aux japonais, parce qu'il leur est physiquement étranger, il perd son statut d'homme et devient à peine davantage qu'un animal évolué. On peut le torturer, personne ne peut comprendre ses mots ; on peut le tuer, sa mort ne causera de tort à personne. Jouet humain tombé du ciel, puissant de corps mais relié à la vie par une existence sans substance, d'une faiblesse animale, il est l'élément perturbateur du village. Il vient le sortir de sa léthargie ancestrale, au prix de doutes et de tensions qui n'avaient jamais pu prendre forme jusqu'alors. Les relations entre les villageois se matérialisent en se concentrant sur ce seul homme, étranger à tous les autres.


Dans la dernière nouvelle de ce recueil, au titre aussi énigmatique de « le jour où Il daignera Lui-même essuyer mes larmes », les conséquences historiques de la Seconde Guerre mondiale –et notamment les bombardements de Nagasaki et d'Hiroshima- prendront forme sur la seule personne du narrateur à travers son développement d'un cancer du foie. A la manière d'un Fritz Zorn, Kenzaburô Ôé projette dans ce cancer tous les sentiments dévastateurs qui ont été les siens au cours de son existence. Plus seulement considéré comme une excroissance morbide, le cancer devient personnage significatif à part entière, aussi bien intégré au corps du narrateur que son enfant handicapé dans la nouvelle qui donne son nom au recueil. le cancer semble lui donner enfin la possibilité de s'exprimer avec une rage et une passion qui virent au tragique, si grandiloquents qu'on n'oserait jamais penser que se glisse là la moindre once d'exagération.


La défaite du Japon face à l'Occident lors de la Seconde Guerre mondiale, les bombardements nucléaires, l'enfance isolée à la campagne, la complexité des relations familiales, la maladie, la déchéance du corps… la seule évocation de ces thèmes suffit à donner une idée de la densité des propos de Kenzaburô Ôé. Densité qui ne devient jamais lourdeur, car l'écrivain les traite principalement par le biais de leurs manifestations corporelles. le corps permet d'exprimer la complexité des processus psychologiques et devient également support d'écriture. En usant de ses difformités monstrueuses et grotesques, de l'absurdité de sa composition et de son rythme propre –incontrôlable, anarchique mais aussi fabuleusement foisonnant-, Kenzaburô Ôé permet aux émotions et aux sentiments de s'exprimer avec intensité et pertinence.


« Il en était fermement convaincu : son foie, appelé à se muer bientôt définitivement en une sorte de bloc de pierre, fonctionnait comme un véritable haut-parleur au-dedans de lui et, tout en répercutant à plein volume les notes les plus hautes, expulsait de la musique émanée de ses viscères les dissonances produites par des causes essentiellement organiques. »


On retrouve cette musique inquiétante tout au long de la lecture des quatre nouvelles qui composent ce recueil. Musique grave et austère, mais qui se perd parfois dans des digressions fantastiques et d'autant plus monstrueuses qu'on ne connaît jamais par avance le stade ultime de leur développement…

Lien : http://colimasson.over-blog...
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"Dites-nous comment survivre à notre folie », le titre m'avait frappé, mais ce recueil de quatre nouvelles de l'écrivain japonais Kenzaburo Oé est resté longtemps à m'attendre sur une vague liste de livres à lire. Ce n'est qu'après le décès de l'écrivain cette année et surtout après avoir écouté la très intéressante émission que France Culture lui a alors adressée ("Kenzaburō Ōe, écrivain abandonné ?" du 29/03/2023) que je me suis enfin décidé enfin à le lire.

Ces nouvelles publiées entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, narrent des histoires fictives mais non sans liens avec la biographie de l'auteur.

Le livre s'ouvre sur « Gibier d'élevage », un récit à hauteur d'enfant (l'auteur a lui-même 10 ans à la fin de la guerre) qui aborde la séquestration d'un soldat ennemi, un noir américain dans un petit village japonais pendant la seconde guerre mondiale. Durant la captivité du militaire se tisse une relation paradoxale qui mélange fascination, racisme et une forme d'affection mêlée de méfiance. Un texte marquant et réussi.

Vient ensuite, « Dites nous comment survivre à notre folie » qui donne son nom à l'ouvrage : un texte touchant et un brin mélancolique qui parle du lien entre un père et son fils. La détection d'une anomalie de vision du fils et l'indépendance relative de ce dernier grâce à de nouvelles lunettes va briser le lien de dépendance qui liait de manière fusionnelle le père et l'enfant. Une nouvelle poignante qui ne peut que rappeler le lien de l'auteur avec son fils handicapé de naissance.

« Agwîî le monstre des nuages » raconte ensuite l'histoire d'un étrange job étudiant : un jeune homme est embauché pour accompagner et surveiller un compositeur dérangé. Dans un style très prenant, Oé nous parle de la frontière entre raison et folie, réalité et mirage, vie et mort. Un sans-faute.

La dernière nouvelle, « le jour où il daignera », est la plus longue mais aussi la plus difficile d'accès. Plus cryptique que les précédentes (mêlant souvenirs de la guerre et réalité déformée), je m'y suis globalement ennuyé pendant une cinquantaine de pages avant d'en cerner véritablement les enjeux et de pouvoir l'apprécier. Contrairement aux trois premières j'en garde un gout mitigé.

Les nouvelles de ce livre nous décrivent réalité dure, crue, grotesque, drôle et triste à la fois. Des thèmes récurrents comme la relation à la mère (immanquablement dure et autoritaire) et au père (absent ou incapable), le rapport au handicap, à la dépendance et le glissement vers la folie jalonnent le livre. Ce fut mon premier livre de l'auteur mais cela ne sera pas le dernier : l'écriture est limpide et j'ai beaucoup aimé la manière dont Oé nous raconte ses histoires à la première personne avec des protagonistes et des sentiments souvent équivoques mais qui n'en sont que plus intéressants. Pour les amateurs de podcasts : n'hésitez pas à vous faire une idée via l'émission de France Culture citée plus haut qui vous donnera un intéressant aperçu de cet auteur.
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Dites nous comment survivre à notre folie" est peut être le livre le plus bouleversant que j'ai lu." Ce n'est que maintenant que je suis sur le point de le finir, que le sens du titre m'apparaît pleinement, sans que je puisse pourtant l'exprimer ou l'expliquer. Ce sont quatre nouvelles, complètement différentes les unes des autres, dont le fil conducteur apparaît au fur et à mesure ,bien qu'il soit d'emblée évident qu'il s'agit de ....la folie.....mais tout au long , on se rend compte que c'est trop réducteur de s'en tenir à cette réponse. Dans la première nouvelle, racontée par un petit garçon, vers la fin de la guerre, dans un village isolé du Japon, il s'agit de l'"arrivée" d'un soldat noir américain dans ce village, en fait capturé après le crash de son avion. Il est retenu prisonnier dans le village, en attendant que les autorités de la "ville" décident de son sort. le petit garçon découvre un nouveau monde d'émotions, les siens, ceux de son père, son petit frère, les villageois. Ils les perçoit et décrit avec les yeux et les connaissances d'un pré-adolescent qui s'éveille à la vie de manière presque animale, où les sensations sont primitives, charnelles, voire parfois érotiques. ici, on "découvre" que les enfants ont une "psyché, une vision et une analyse très pointues et personnelles de ce qui les entoure. Ils ne sont pas émotionnellement passifs. Dans la seconde, le personnage principal, se retrouve dans un état d'esprit inédit, qu'il semble accepter avec plaisir, peut être après l'avoir longtemps recherché, et qui est le résultat d'un incident plutôt traumatisant( il a failli être "jeté" dans la fosse aux ours polaires dans un zoo). de là, l'"obèse" ( c'est comme ça qu'il est présenté tout le long de la nouvelle), évoque plus ou moins chronologiquement sa vie depuis sa relation désastreuse avec sa mère, son père disparaissant brusquement, mais surtout le chamboulement de sa vie après la naissance de son fils, handicapé mental. Il y est question d'un lien plus qu'intense entre le père et le fils, lien construit par le père,tant physiquement que mentalement jusqu'à l'aliénation , perçu uniquement par le père.....jusqu'au dénouement final....libérateur? . La troisième nouvelle est l'histoire d'un jeune homme qui raconte son premier job d'étudiant comme "garde" d'un musicien célèbre qui a un ami imaginaire, une sorte de poupon-kangourou. Ce dernier rend visite au musicien, à des moments précis, et le jeune homme est chargé de s"assurer que cette "apparition" ne pousse pas le musicien à se comporter de manière scandaleuse. L'ambiance est un peu similaire à celle des oeuvres de Haruki Murakami, une sorte de flottement dans un entre deux mondes, et c'est ce flottement, cette indécision entre croire et ne pas croire qui "perturbe le narrateur. Dernière nouvelle....la plus longue, la plus bouleversante, la plus intéressante, le bouquet final du livre, qui l'éclaire. C'est l'histoire d'un homme de trente cinq ans, alité dans une chambre d'hôpital, qui attend de mourir d'un cancer du foie. Au début, il est très difficile de comprendre de quoi il s'agit. Il raconte- ou pas- des souvenirs, -ou pas- de sa vie, crées ou réels, à une sorte d'exécutrice testamentaire, chargée de retranscrire mot à mot, ce qu'il considère comme une "chronique du réel". On apprend qu'en fait il ne souffre d'aucun cancer....l'écriture, avec le récit devient à chaque chapitre un peu plus conventionnelle, et on comprend petit à petit que cet homme, âgé de dix ans vers la fin de la guerre, a vécu des événements plutôt tragiques, qu'il a peut être transformés et expliqués à sa manière, déformant ainsi le sens réel de ce qui s'est passé ce 15 août 1945.J'ai toujours eu un peu peur d'entamer un livre de Oé, les sujets qu'il aborde ne semblent pas "faciles", mais pourtant, il y rend l'accès aisé, sans les simplifier, bien au contraire. L'impression à la fin de la lecture qu'il y a plus à creuser, à voir, à sentir.....à" ressentir" persiste longtemps. On se sent spirituellement grandi, et l'étroitesse de point de vue du quotidien, la notre, celle des autres devient insoutenable. Les descriptions - des lieux, ambiances mais surtout des sensations et des états d'âme- sont saisissantes, particulières, inédites pour moi, obligeant à lire très attentivement. Lecture dont il est très difficile de revenir.....une douleur exquise.
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Ces quatre récits croisent des thématiques et des situations assez analogues. Les protagonistes sont souvent confrontés aux traumatismes et à la marginalité de leur origine, ainsi qu'aux "coups du sort" qui bouleversent les perspectives. Des vies chamboulées à l'image du Japon des années 1930 aux années 1950, qui passe radicalement de l'autoritarisme et du bellicisme les plus durs à la démocratie et à la pax americana. Enfin, la virtuosité littéraire de Oé fait merveille dans le dernier récit. Il s'amuse à brouiller les pistes et les voix narratives et nous laisse tâtonner un peu dans l'esprit égarés du héros. C'est magistral, c'est de la très grande littérature.
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Ce recueil est composé de 4 nouvelles ayant pour thème la folie.

Elles prennent naissance dans les expériences personnelles de Ôé : la guerre (L'auteur avait 10 ans en 1945) et la naissance de son fils Môri ( Eoyore) atteint d'une déficience mentale qui bouleversera sa vie en lui révélant le véritable chemin. 

GIBIER D'ÉLEVAGE est celle qui m'a le plus marqué (Chronique précédente).

DITES NOUS COMMENT SURVIVRE À NOTRE FOLIE, un père fait le lien entre notre monde et celui de son fils handicapé mental pour permettre à son fils de percevoir autrement, c'est la fusion entre les deux. Magnifique nouvelle d'amour et de tendresse d'un père qui cherche à atteindre et à attirer son fils.

AGWÎÎ, LE MONSTRE DES NUAGES, c'est l'histoire d'un musicien qui se retire du monde et qui discute avec un nuage que lui seul voit et sent et qui serait son fils mort à la naissance.

LE JOUR OÙ IL DAIGNERA LUI MÊME ESSUYER MES LARMES, Un homme est alité à l'hôpital, persuadé qu'il est atteint d'un cancer du foie et qu'il vit ses derniers jours. Les médecins le contredisent, le mal serait moins grand. Il est pris pour un fou. Je ne connaîtrais pas tout de suite le fin mot de cette nouvelle que j'ai lu à moitié,  trouvant que l'auteur tournait en rond. 

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Quatre nouvelles autour du thème de l'anormalité, du rejet, de la difficulté de vivre, de la souffrance par un écrivain traumatisé par la guerre et la naissance d'un fils handicapé mental. Un univers sombre, sans espoir, déroutant et oppressant et une lecture laborieuse par moments.
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Kenzaburō Ōe, lauréat du prix Akugawata (1958) et du prix Nobel de Littérature (1994) est un poids lourd de la littérature japonaise. Cet homme d'une immense culture (notamment française) a rencontré dans sa vie un accident qui l'a marqué à jamais: la naissance d'un fils anormal, thème qui revient dans son oeuvre littéraire.
Le monde de Kenzaburō Ōe est souvent empreint d'une profonde tristesse. Sous ce titre étrange et beau du présent recueil, ce sont quatre longues nouvelles écrites à des époques différentes qui nous sont proposées par Kenzaburō Ōe. Attention: lecteurs dépressifs, s’abstenir !
La première est, selon moi, la plus réussie. Pendant la guerre entre le Japon et les Etats-Unis (1941-1945), la vie d'une communauté villageoise est bouleversée par l'arrivée d'un soldat afro-américain dont l'avion s'est écrasé et qui est provisoirement enfermé dans une cave. Pour le narrateur, un très jeune garçon, cette rencontre est tout à fait extraordinaire: un géant étranger, de race noire, avec lequel il est impossible de parler ! On le traite comme du « gibier d'élevage » (c'est le titre de la nouvelle). Puis, quand les adultes ont reconnu sa condition d'homme et qu'une confiance s'est établie, il est autorisé à vaquer librement dans le village. Mais cet état de grâce finira tragiquement…
Le héros de la seconde nouvelle est persécuté par sa mère et souffre du handicap d'un de ses fils, qui est handicapé (on retrouve clairement une trace autobiographique); ce personnage complexe est finement décrit par l'auteur. le troisième texte est plus surprenant: le narrateur joue le rôle "d'homme de compagnie" auprès d'un artiste un peu fou qui a des visions. Quant à la quatrième et dernière nouvelle, je n'y ai rien compris, donc je n'en dirai rien…
Dans ce recueil, s'il y a une seule nouvelle à lire, c'est la première, écrite très simplement, mais qui éveille chez le lecteur des résonances profondes.
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