Dans L'Enfant dans la neige avec un cartable et un fusil, son premier roman publié, Stéphane OKS nous convie à une réflexion sur ce qu'est devenue notre société et la vision cauchemardesque que nous pouvons en avoir parfois sans oser nous l'avouer.
Le récit se déroule près de Villard de Lans et met en scène des personnages dont les portraits sont très réalistes et rendus vraisemblables par une minutie remarquable dans la présentation de leur histoire personnelle, les lieux qu'ils fréquentent et leurs relations.
Le Maréchal des Logis chef Alexandre Kazan de la brigade d'Autrans, un français d'origine arménienne.
Sa collègue, le brigadier Souhad Amek, une beurette.
Jeff Casanova, un corse, et Catherine Durand, une fille de la montagne, ont repris la ferme des Prud'hommes, la ferme des Durand, et y élèvent des chevaux Merens. Leur fille Marie va s'installer avec eux à terme.
Les Barral, leurs voisins, sont éleveurs de porcs à la Combe des Epérières, Dédé, leur fils, un ancien camarade d'école de Kazan.
Sam, l'enfant autiste au syndrome d'Asperger vit avec ses parents, des médecins exerçant à Grenoble, dans la propriété des Achards sur la route de la Sûre.
Cette société vit en « harmonie » jusqu'à ce qu'un groupe terroriste, dirigé par un oranais, Abou Hamza el Ouarani de son vrai nom Abdelkader Toubal, composé de Kevin un jeune converti à l'Islam, Brahim, Mohamed le kamikaze, Omar, Tewfik et L'Emir qui tire les ficelles dans l'ombre, vienne mettre en évidence la fragilité de ce lien social et géographique.
J'ai apprécié ce récit très bien écrit, très bien documenté, qui joue à la fois des clichés que nous pouvons avoir sur les différentes communautés et sur la réalité des choses.
Il rappelle en creux les questions que nous nous sommes posées après le 7 janvier et le 13 novembre 2015. Traumatisés par l'irruption de ces drames et par notre incapacité à les anticiper, stupéfaits de découvrir que leurs auteurs étaient pour la plupart connus des services de police nous avons éprouvé un sentiment mêlé oscillant entre la colère et la volonté de ne pas céder à des dérives sécuritaires tout en réclament plus de sécurité.
Notre incompréhension, notre peur panique à imaginer des solutions mettant un terme définitif à ces carnages nous ont souvent réduits au silence.
La force du récit est d'imaginer ce qui pourrait se passer si une telle action se déroulait dans la période de Noël, dans une région d'accès difficile, bloquée par la neige, loin des centres de décision…L'action montre bien comment des processus de décision peu adaptés laissent, dans un premier temps, le champ libre aux terroristes, et montre au fond la différence entre des citoyens attachés à des valeurs humaines (mais est-ce aussi sûr ?), et des combattants prêts à tout.
Le temps de latence entre le moment des faits et la réaction qui conduit à l'élimination des auteurs, après que l'irréparable soit commis, est la source d'une insatisfaction coléreuse qui peut conduire à tous les excès.
La trame du récit repose sur le fait que chacun des personnages, enfermés dans la logique de ses propres convictions est incapable de saisir la réalité des choses. Quiproquo permanent qui conduit chacun d'eux à aller jusqu'au bout de sa logique erronée.
Ajoutez à cela la distance entre le pouvoir politique et ses représentants sur le terrain et vous obtiendrez ce qui fait l'intérêt de ce roman, qui parfois peut sembler se perdre dans les détails, mais revient toujours à l'essentiel : qui sommes-nous, et qui choisissons nous d'être, des bourreaux ou des victimes ?
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