Aliide vit dans sa ferme, vieille femme méfiante quand arrive de nulle part cette jeune femme sale en guenilles rebutante qu'elle hésite à chasser. C'est peut-être une voleuse qui attend de pénétrer à l'intérieur pour que ses comparses la rejoignent.. Aliide a vécu le communisme et bien d'autres choses. On est en Estonie. Zara va chercher un moyen d'attirer la compassion chez cette femme et on va découvrir peu à peu son passé, "son histoire amoureuse, aigre et sacrificielle," des pans vont nous être révélés à travers des flash-backs.
Un livre où le style m'a un peu dérangé au début puis l'histoire a pris le dessus, prenante. Je le conseille. On apprend que la guerre de 45 ne s'est pas arrêtée à cette date pour les estoniens, des oubliés tantôt aux mains des allemands tantôt à celles des russes.
Ludique et divertissant. Une trame bien ficelée.
Voyez plutôt la très bonne critique de Marine Landrot:
En photo sur la couverture de l'édition française : la main crochue d'une vieille femme, tellement floue et tendue qu'on dirait un animal bondissant. L'ongle noir de l'index semble un museau doté d'un flair infaillible. La bague sur l'annulaire a l'air d'un oeil aux aguets. Sans doute s'agit-il des doigts d'Aliide, l'héroïne de ce livre flamboyant, une ancêtre estonienne que la vie a rendue cachottière, au propre comme au figuré. A l'orée des années 1990, lorsque son pays retrouve l'indépendance après un demi-siècle de chape soviétique, Aliide reste méfiante. Depuis toujours, elle peaufine l'architecture de sa maisonnette perdue dans la campagne, terrier aux cloisons amovibles et aux placards à double fond, pour accueillir les clandestins de l'histoire. Y compris ceux de son histoire amoureuse, aigre et sacrificielle, dont des pans secrets seront peu à peu révélés...
Lorsque Zara, une vamp en guenilles « dont la bouche ne contenait que du mucus et des dents sales, pas un mot pertinent », atterrit sans connaissance au beau milieu de sa cour, Aliide continue de jouer les familles d'accueil, malgré « le clapotis de l'aversion » qu'elle sent poindre en elle. Silencieusement compassionnelle, pleine de largesse sous ses airs étriqués, Aliide est un peu ce que
la logeuse de
Crime et châtiment aurait pu devenir si
Dostoïevski ne l'avait pas fait assassiner. Jeune Finlandaise portée aux nues dans les pays nordiques depuis ce troisième roman,
Sofi Oksanen (née en 1977) offre une seconde chance à cette vieille dame abîmée par
L Histoire, tout comme elle a l'audace lumineuse de réincarner le prince Mychkine de
L'Idiot en Zara, jeune réfugiée hagarde, sainte martyre de la prostitution des filles de l'Est.
Du stalinisme le plus étouffant au postcommunisme le plus avilissant,
Purge plonge les mains dans le sang poisseux et glacial qui fut versé en Estonie, ancienne république de l'URSS dont la mère de l'écrivain est originaire.
Sofi Oksanen incise le temps, avance et recule à coups de canif dans
L Histoire. Si fleurie, aimante, protectrice - traduite avec un beau sens de la grâce et de la vigueur par
Sébastien Cagnoli -, sa langue semble faite pour panser les plaies de générations entières.
Sofi Oksanen écrit comme Aliide concocte des potions médicinales dans son arrière-cuisine : crèmes de souci, prêle des champs, menthe, mille-feuille et carvi. Alors le titre prend une tout autre sonorité : éclaboussant d'espoir,
Purge décape, apaise et regénère.
Le 28/08/2010 - Mise à jour le 18/09/2013 à 17h31
Marine Landrot - Telerama n° 3163