L'idéologie communiste aurait pu sonner le glas de l'asservissement de la femme. “Camarades”, travailleurs, au service d'un bien commun et d'un avenir lumineux, hommes et femmes pouvaient être membres des jeunesses communistes, faire des études, s'élever dans la hiérarchie du Parti et accéder aux honneurs… en théorie. Dans les faits, rien ne semble jamais pouvoir venir à bout d'une fatalité millénaire. Si Aliide ne trouve pas rapidement un mari, elle devra supporter les moqueries des villageois. Ses qualités ne seront jamais que celles qui brilleront au grand jour dans la tenue de sa maison, la qualité de sa cuisine, la réussite de ses conserves, la quantité de lait qu'elle fera jaillir du pie de la vache.
On comprend que Zara ait souhaité fuir un destin qui, 50 ans après, n'offrait rien d'autre à la jeunesse post-communiste. La jeune femme se trouve prisonnière d'un proxénète de la pire espèce, dans une capitale étrangère. Subissant les pires humiliations, privée des commodités primaires, violentée, battue, elle finit par s'échapper en s'étonnant de ne pas y avoir pensé plus tôt, et se réfugie chez Aliide.
Aucune brèche dans le récit, aucune faille dans la démonstration implacable de l'auteur: telle une araignée,
Sofi Oksanen tisse une toile qui se referme inexorablement sur le lecteur. Toutes les femmes subissent la domination masculine; la différence, finalement, réside en la petite part de liberté qu'elles parviennent éventuellement à conserver sans en avoir l'air.
Purge n'est pas une fiction, est-il besoin de le rappeler?