L'Embellie

Je me sentais bien dans la foule,serrée de près par des inconnus, à écouter la fanfare sous la pluie, pourtant je n'ai pas l'esprit grégaire. (...) Ce qu'il y a de bien à se serrer au sein du groupe, c'est qu'on devient quasiment invisible.

( Zulma poche, 2022)

- Nous illuminons la nuit d'hiver, dit le bonhomme de la boutique qui me vend du lait, du pain, du fromage et des bougies juste avant la fermeture.La plupart des gens ajoutent une guirlande par an, ainsi on peut voir à leur nombre, depuis combien de temps ils habitent ici.C'est comme avec la ramure des rennes qui indique leur âge.

( Zulma poche, 2022)

-Quel effet ça te fait d'être avec un enfant ?
- Tumi est très spécial, c'est un enfant adorable. J'ai commencé à apprendre la langue des signes, à me documenter, il m'enseigne, lui aussi, il m'indique les objets et me montre les signes.
- Serait-il en train de te changer ?
- Ça se pourrait bien.

( Zulma poche, 2022)

Ce qu'il y a de bien dans mon travail- particularité que je n'hésite pas à signaler à mes clients- c'est que je livre à domicile. Je prends la voiture pour apporter moi-même articles corrigés, mémoires et traductions, comme si c'étaient des nouilles sautées à la thaïlandaise ou des rouleaux de printemps. Ça peut paraître démodé, mais ça marche, les gens aiment bien palper des papiers et passer un bref moment avec une personne inconnue qui, dans certains cas, a entraperçu l'essence de leur vie spirituelle.

(Zulma poche, 2022)

Être mère, c'est se réveiller le matin, faire de son mieux, puis se coucher le soir en espérant que tout ira pour le mieux.

Je jauge chacun d'eux à l'aune de mon ex-mari, en commençant par la taille et le gabarit. Ne mesure-t-il pas un mètre quatre-vingt trois ? Tout à coup j'ai l'impression de ne plus me rappeler la couleur de ses cheveux ; ils sont bruns assurément, mais est-ce brun mousse ou brun algue, brun bruyère ou brun cannelle ? Le brouillard sur la lande a-t-il estompé ma vie antérieure ?

Qui je suis est indissociablement lié à où je suis et avec qui je suis.

En causant avec sa mère, on peut échapper au poids du présent pour rejoindre un temps plus originel. Je me sens à l'étroit dans les eaux amniotiques et j'ai les yeux gonflés.
- J'ai souffert énormément quand je t'ai eue, j'ai mis trente-six heures pour accoucher de toi, cinq seulement pour ton frère. Après ta naissance il m'a fallu quatre mois pour me remettre, rien que physiquement. A certains égards, j'avoue me sentir plus proche de ton frère, il me téléphone plus souvent aussi.

Je n'éprouve pas de doux sentiments au spectacle de petits bébés ; je flaire une odeur aigre, je me représente leur agitation constante, les gencives enflées, le bavoir mouillé, les joues poisseuses, le menton rouge, la bave refroidie sur le menton. Ce n'est d'ailleurs pas la chaleur maternelle que les hommes recherchent en moi, ni spécialement mes seins qui les attirent (...)
Certains de nos amis n'ont pas dormi une nuit entière depuis des années, ne font plus l'amour sinon à la va-vite une fois de temps en temps. Et quand l'un vient chercher en voiture au travail, ils ne s'embrassent plus, et se détournent pour regarder par la vitre. Ça je le sais, je l'ai vu. Il n'y a que très peu de couples qui résistent au fait d'avoir des enfants.

Prendre un enfant par la main
Avec ses différences et sa fragilité.
Prendre Tumi par la main
Pour l'emmener vers demain.
Prendre un enfant dans ses bras
Partir en voyage et faire grandir les adultes.
Voilà le programme de ce roman que je n'aurais peut-être pas lu sans mon défi lecture. Il m'est assez rare de choisir un ouvrage en fonction de la nationalité de l'auteur. Ce n'est pas comme ça que je suis. Je choisis surtout les livres par rapport aux titres. Les mots doivent résonner en moi.
L'histoire ici est bien écrite, originale. Elle ne va nulle part et n'a pas de véritable fin. Mais qui voudrait d'une fin à une vraie embellie? Cohérent donc.