C'est d'ailleurs la première question que je pose à un patient lorsque s'éveille en lui le soupçon d'une infidélité : quelqu'un aurait-il récemment épousseté l'épaule de votre conjoint ? Voilà le signe infaillible qu'une autre personne a commencé à s'occuper de lui. On ne tripote pas le col de son collègue dans la rue sans qu'il y ait anguille sous roche.
La vie n'est que souffrance et déception, il faut s'y résigner, c'est normal d'en baver et de gâcher sa destinée. (..) Les gens refusent de regarder en face ce monde truffé d'éclats de verre et d'admettre qu'une souffrance profonde aiguise la perception et donne de la valeur à l'existence.
Celui qui part n'est jamais le même que celui qui revient.
Non, je n'ai nullement éprouvé le besoin de rechercher mon père biologique, non, je ne suis pas d'avis que mon histoire soit amputée de moitié du fait que je ne connais pas mon père; on ne peut regretter ce qu'on n'a jamais eu et je ne vis pas avec le sentiment d'avoir à recouvrer une partie de moi-même. Pourquoi aurais-je besoin d'un père pour savoir qui je suis, d'ailleurs la biographie est le summum de la fiction et les souvenirs l'apogée de l'art poétique, de arte poetica. Il pourrait bien avoir travaillé dans un cirque et vivre dans une roulotte avec sa septième femme. Que dire à un homme qui disparu de la circulation juste après vous avoir fabriquée? Je me suis davantage intéressée à ma lignée maternelle. Quand on creuse assez loin dans la généalogie, on finit par voir émergér des cimetières glacés du nord du pays une aïeule "aimant la poésie mais de courte taille".
Une fois ou deux, je me suis demandé si nous n'étions pas en train de devenir un peu plus amis et un peu moins amants qu'au début. Sauf exception, je n'ai tout de même jamais eu l'impression de de vivre avec une bonne copine.
On se sent bien seul quand on partage sa vie avec des gens qu'on a, pour la plupart, soi-même inventés.
Il y a des gens qui passent leur vie à se demander quel sera le bon moment pour l'heure de vérité. Certains n'arrivent jamais à une conclusion. C'est comme dans la création romanesque, on est constamment confronté à la question de savoir quand ralentir le cours du récit et quand l'accélérer.
Personne ne dit tout à son conjoint.
Il faut du courage pour oser changer de vie [...].
Ce qui m'a sauvée, ça a été de penser hors des sentiers battus. Au lieu de me morfondre en m'apitoyant sur moi-même quand on me martyrisait, je me suis mise aussitôt à transformer en conte la réalité de ces moments. On peut dire que c'est l'écriture qui m'a fait passer par le trou de la serrure. « Je suis grande à l'intérieur » , a été ma réaction quand ma mère m'a expliqué que j'étais une naine et qu'on n'y pourrait rien changer. J'avais trois ans.