Éden

- Il n'y a pas que des cétacés qui échouent sur les côtes de ton pays, il y a aussi des gens.

L'être humain n'a pas été créé pour se comporter de manière rationnelle. Personne ne peut se prévaloir de toujours agir dans son intérêt.

[…] la manière dont les cétacés utilisent leur chant pour se transmettre des informations l’ont passionné. Ils entonnent les mêmes chansons, les mêmes mélodies, que ce soit au large de l’Islande ou dans la mer des Caraïbes.

- Et les femelles n’ont pas les mêmes talents musicaux que les mâles parce que les mâles se servent de leur chant pour séduire les femelles. Pour y parvenir, ils doivent maîtriser toute une gamme de sons, des aigus, des graves, des longs, des brefs. Apparemment la femelle est capable de connaître la taille du mâle à partir de la puissance des notes les plus graves même s’il se trouve à plusieurs centaines de kilomètres. (p.172)

Je précise que je ne vis pas dans la maison, mais à Reykjavík. Il me demande ce que je fais dans la vie, j'enseigne la linguistique à l'université. Je me tiens au côté d'un jeune homme qui a traversé un océan blanc d'écume et va une fois par semaine consulter un psychologue pour parler de ce qu'on ressent quand on a survécu à des évènements qui mettent votre âme en péril mortel. Il veut être loin des vagues, des cris des oiseaux marins en quête de pitance et ne s'intéresse pas à cette immensité bouillonnante et salée qui ne prend fin qu'à l'horizon.

Pourquoi recourir à la virgule ? L'enseignante en moi répondrait : pour sortir de sa torpeur et respirer. Regarder autour de soi. Décider de la prochaine étape du voyage.

Il n'y a pas que des cétacés qui s'échouent sur les côtes de ton pays, il y a aussi des gens

J'ai lu ton article sur la valeur du silence dans la langue. Je n'avais pas conscience que le silence était en réalité un système complexe de communication, comme tu l'écris.
(P. 144)

Le silence a conquis le monde. C’est le monde avant que le langage n’apparaisse.

Il est bien possible que ce soit la fin des temps, que l'humanité vive ses derniers jours, mais je suis certaine que l'Apocalypse n'est pas pour ce soir parce que les ténèbres sont absentes, parce qu'il n'y a plus de nuit et plus aucun espace pour séparer les jours, et parce que le Temps n'est plus qu'une immense étendue de lumière.

Je quitte Reykjavik avec trois cent cinquante plants de bouleaux sur la banquette arrière. Chacun mesure trente centimètres. Bien que désigné sous le terme générique bouleau, ils portent individuellement l'appelation de bouleau pubescent. Le nom de famille de ma mère, Stella Bjarkan, est justement dérivé de bjork, birki - bouleau. Mon père a cru bon de se souvenir des répétitions de Macbeth quand je suis passée chez lui pour prendre les bottes de maman et la pelle qu'il m'avait préparée.