Citations sur Le monde dans la main (38)
d'une certains façon, la mort d'Alix a aussi contribué à la construction de ce présent. Elle en a été une brique. Une sale brique mais qu'il était impossible de supprimer une fois qu'elle était posée.Elle fait partie de l'édifice, de l'équilibre
-Tu ressens quoi ? m'a demandé ma soeur.
-C'est comme si le printemps était venu rien que pour moi.
-Poète en plus ?
-Fait pas chier. Tu me demandes, je te réponds. C'est...
Ces années m'ont appris qu'il faut prendre tout ce qui se présente, s'efforcer de vivre pleinement ce qui doit l'être, le bon comme le mauvais, chaque sourire, chaque larme.
Surtout, on ne ressemblait pas aux autres, qui, déjà, versaillais, ne ressemblait pas non plus tout à fait aux lycéens du reste de la France ! Le Versaillais est à part, un peu anachronique, et le musicien versaillais est carrément historique.
Celle qui m'avait fait ce compliment était mon amoureuse officielle, ce qui voulait dire que j'étais censé l'aimer mais que la réciproque dépendait des jours et de son humeur.
Du coup, on nous regardait comme des bêtes curieuses, ou pas du tout. Je crois qu'aux yeux des autres lycéens, on faisait un peu pitié. On dit que la musique adoucit les mœurs, mais je crois que c'est parce qu'elle est faite par des gens plutôt doux, au départ, qui vont vers elle par besoin de douceur, par fragilité. Et cette douceur, cette fragilité, comme la culture, la sensibilité au beau ou la bonne éducation sont tout sauf un atout dans la jungle d'un lycée. (p.114)
Je sentais monter en moi une humeur que je connaissais trop bien. J'étais en train de m'exclure de la soirée, de me refermer à double tour, d'endosser le rôle du mec différent qui se tient à l'écart parce que c'est dans sa nature profonde. Ben voyons ! J'aurais adoré être ce type que je voyais en train de faire rire deux filles, ou cet autre qui dansait, yeux fermés, un verre à la main tenu par le dessus entre ses doigts, ou celui-là encore, entouré d'une grappe de filles, qui se roulait un pétard. Mais moi, j'étais celui qui ne se sentait jamais à sa place et qui essayait, en vain, de se convaincre que c'était parce que l'attendait un destin extraordinaire. (p.166)
C'est une règle universelle, les mecs cool détestent les coincés, et vice versa. Sauf que les cool ont le mépris cool justement, détendu et élégant, alors que les coincés le sont encore plus quand ils sont en présence de quelqu'un qui ne l'est pas ! (p.161)
En prenant à gauche, je choisi sans le savoir une vie et je tourne le dos à une autre ! Comment savoir laquelle aurait été la meilleure, celle de la rue de gauche, ou celle de la rue de droite ?
- On ne peut pas savoir.
- Mais c'est des coups à rester au lit de peur de bouleverser l'avenir au moindre pas ! (p.134)
Encore un truc qui énervait ma sœur et qui lui donnait l'occasion de se moquer de moi et de me traiter de "jeune vieux" : j'aimais l'ordre et la propreté, parce que ça me rassurait. Ma chambre - sauf quand mon père y montait des meubles Ikea - était toujours rangée, le lit fait, mes CD classés par ordre alphabétique de compositeurs. Quand je me couchais le soir, je rangeais mes vêtements dans le placard que je fermais ensuite à clé, je repoussais bien tous les tiroirs de mon bureau sur lequel je ne laissais rien traîner et je disposais les doubles rideaux d'une manière particulière, toujours la même, qui laissait entrer un rai de lumière de l'extérieur. Je faisais certains gestes le soir comme un rituel sans lequel je n'arrivais pas à trouver le sommeil. (p.118)