Michel Onfray, philosophe à la folie d'écriture, tel
Balzac perdu dans sa condition humaine, un
Dostoïevski, esclave de ses pages à noirceur de son âme russe en peine, avec plus de 100 livres, s'emploie avec ardeur dans sa tâche d'apprivoiser le monde de son passé, de son présent et de l'avenir, cet hédoniste brule les pages de ces mots enflammant les idées, les adages, les légendes déchues, s'accrochant avec force dans ses convictions les plus intimes, il vient avec ce roman autobiographique, bousculer encore une fois le genre, avec ce manifeste au vitriol de son combat médicale, du trouble de sa vision, du vertige des sens et d'un diagnostic flou, trouble,
le deuil de la mélancolie caresse cette intimité où la mort sommeille près de nous, telle la joie de la vie.
Michel Onfray, dans une émission, narre son AVC, et de son livre qui en découle, comme une évidence, blessé dans sa chair d'homme d'avoir subi cet accident avec la rage de ne pas avoir eu le bon diagnostic par ces quatre médecins, et surtout aucun s'excusant de s'être trompé.
Michel Onfray décide d'écrire, un livre sur ce passage délicat de sa vie, cet AVC, aspirant le passé qu'il n'oublie pas, des passages précis surgissent au plus près de lui, l'accompagnant, le suivant, le touchant, le pénétrant, le happant dans une réalité ombragée d'un virgule oculaire, stigmate à vie du cadeau empoisonné de cet AVC.
Le début du livre est l'écoulement du flot de cet AVC rongeant petit à petit le corps et l'esprit, une sorte d'érosion physique, malmenant notre écrivain, naviguant dans les méandres de cet AVC sans le savoir, sans que viennent à le diagnostiquer les différents médecins, même celui surnommer Diafoirus, à la consultation de 250€, aux diplômes brillants comme dans la pièce le malade imaginaire de
Molière,
Michel Onfray s'amuse de ce clown, de ce pantin à la belle vitrine, se cachant de son diagnostic par une belle fumisterie, un mensonge au lieu d'avouer son erreur, qui, il me semble être humaine, l'orgueil et l'avarice sont les deux piliers de cet homme affable et si représentatif de notre société.
Puis comme un journal intime, Miche
Onfray poursuit son chemin dans l'hôpital le soignant, il a, sans retouche, retranscrit ses notes au jour le jour, ses réflexions, ses pensées, un récit instinctif, dessinant un
Michel Onfray au plus près de nous, impalpable aussi, errant de son regard, de ses pensées, de son être tout entier vers l'écriture comme un testament s'incrustant au fond de lui, pour rester encore vivant, regardant la vie fourmillant autour de lui, la happant, l'aspirant à lui, cette vie lui tendant la main de ses mots qu'il noircit sur son écran, son iPhone dans son esprit bouillant.
Michel Onfray laisse s'ouvrir en lui, une partie de sa vie s'évaporant dans la suite du livre, une intimité sombre, une brulure chaude qui ne sera jamais éteinte, la braise reste incandescente dans sa chair qui vient d'être marquée au fer rouge par cet AVC, où le souvenir de sa compagne morte d'un cancer l'accompagne dans cette maladie,
Michel Onfray n'oublie pas
Marie-Claude qui sera sa compagne durant trente-sept ans, combattant ce cancer pendant dix-sept ans. Cette émotion est vivace chez
Michel Onfray, nous livrant le texte qu'il a écrit lors des obsèques de sa compagne, une lettre ouverte pour cette femme aimée, où tous ses souvenirs lui survivront, leitmotiv de cet écrit, un refrain à chaque paragraphe « … lui survivre. », cette trace reste indélébile, une faille en lui de lui survivre, voulant un temps la rejoindre de l'absurdité Camusienne d'en finir avec la vie.
Michel Onfray critique amèrement l'amitié fausse, celle ; éphémère, profiteuse, maladroite, bancale, étroite et changeante. Dans son huit-clos à l'hôpital, les visites sont cruellement invisibles comme les prises de
nouvelles, mises à part les amis aimant le morbide, les amis s'amusant du malheur des autres, un sarcasme envahit
Michel Onfray, le laissant dans une réflexion amère et froide de l'amitié, n'oubliant pas la solitude lors de la mort de sa compagne, leur amis communs fuyant
Michel Onfray, laissant échappé l'anecdote du réveillon, le passant seul, sans
nouvelles de ses faux amis, habituellement les années auparavant, le fêtant ensemble ou encore un ancien éditeur prenant de ces
nouvelles, sachant qu'il l'avait insulté avant, pour encore une fois l'insulter ensuite.
Toute cette peine, soulagée de son autre compagne Dorothée,
Michel Onfray ayant cette liberté d'amour de vivre dans une trinité amoureuse, se dévoilant dans une liberté d'esprit qu'il a de son existence. La mort le suit depuis tout petit, narrant l'accident de sa mère, suivit du mépris de la petite classe bourgeoise, lui forgeant ce caractère fort précis et libertaire. J ‘aime cette phrase dans le livre l'amenant à raconter l'histoire de sa maman, c'est si vrai pour part, comme si
Michel Onfray avait écrit ce livre pour juste ce petit passage fort émouvant de sa vie d'enfant.
« La cristallisation du réel s'effectue par la narration qu'on en donne, elle le piège et le fixe, comme un coléoptère sur le liège d'une boîte d'entomologiste. Un mot entraîne l'autre, une phrase apporte l'autre, une histoire aspire l'autre, et la chose se trouve racontée selon un même découpage, dans un même scénario, pour un même film. »
C'est un livre intime, c'est un cri, c'est une cristallisation de son réel, une larme coulant sur les reliefs de son existence, une vie où la mort l'accompagne lui enfonçant un clou d'obsidienne dans son cerveau.
Michel Onfray raconte son AVC, se posant cette question :
« Personne ne m'aura demandé si mes morts ne tenaient pas trop de place dans mon coeur. »