Ce tome fait suite à Children and monsters (épisodes 5 à 13). Il vaut mieux avoir commencé la série par le premier tome. Il comprend les épisodes 17 à 21 initialement parus en 2001/2002, tous écrits par
Mike Carey.
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- Épisode 14 – Mazikeen est bien déterminée à retrouver son visage défiguré. Elle se rend dans la demeure de Briadach pour demander audience. Il s'en suit un duel à mort avec Mahu. Épisode 15 – Elaine Belloc est bien déterminée à obtenir des réponses. Elle découvre qu'elle peut passer dans le monde des rêves (oui, celui de Morpheus), où elle croise Brute & Glob. Épisode 16 – Un nouvel univers est né. Une nouvelle genèse se déroule, avec une nouvelle Ève, un nouvel Adam, et un serpent bien sûr, dans un Éden.
Avec le tome 2,
Mike Carey avait dévoilé une partie de l'ampleur de son récit, la nature du caractère de Lucifer, ainsi que son mode narratif. Dans l'épisode 14, le lecteur se rend compte que Mazikeen refuse elle aussi toute autorité ou toute prédestination (comme Lucifer) et qu'elle a bien appris de lui en termes de manipulation et de prise de risque. Il se rend également compte que Carey utilise une large distribution de personnages intégrés au fur et à mesure du récit. Il est facile de resituer Ellaine Belloc ; par contre il faut un peu plus de temps pour se souvenir de Briadach, apparu dans la minisérie "The Sandman presents: Lucifer".
Avec ces épisodes, le lecteur a la confirmation que
Mike Carey a choisi une structure similaire à celle de "Sandman", dans la mesure où Lucifer n'apparaît pas dans tous les épisodes. Au cours de l'épisode 14, le lecteur apprécie de pouvoir en apprendre plus sur Mazikeen et de la voir en action. Il se rend également compte que l'histoire des Lilim peut avoir une incidence sur ce nouvel univers de manière naturelle et élégante. Il a aussi le plaisir de retrouver des personnages apparus dans Sandman, comme Brute et Glob (épisodes 11 &12 de "Sandman").
Le lecteur constate également pour son plus grand plaisir que
Mike Carey développe une mythologie aussi riche que celle de Sandman, sans être identique. Alors que Lucifer prend possession de la Terre dans ce nouvel univers, il y recrée un Éden. Il s'en suit une variation sur Ève & Adam, savoureuse, cultivée, malicieuse et inventive. Carey ne se contente pas de broder sur la version originale, il la réinvente en adéquation avec le caractère de Lucifer. Non seulement ce passage prouve la sensibilité, l'intelligence et la culture de Carey, mais en plus il permet de mieux saisir les motivations et le caractère de Lucifer. du grand art !
Dans la chronologie du récit, il faudrait ensuite lire le numéro spécial "Lucifer: Nirvana" qui a été réédité dans le tome 11 Evensong. Il a été correctement repositionné dans la réédition Lucifer, book two.
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- Épisodes 17 à 19 – Dans le royaume d'Effrul (une portion des Enfers), les démons se sont mis à la mode de la cour royale, adoptant l'apparence de courtisans. Dans cette ambiance d'intrigues feutrées et cruelles, le seigneur Arux (maître d'Effrul) doit écrire une réponse à une missive de Lucifer, et se préparer à le recevoir. Sa fille Lys a décidé d'adopter Christopher Rudd, un être humain damné, pour satisfaire ses plaisirs charnels. Mais un complot se trame.
Épisode 20 (dessiné et encré par
Dean Ormston) – Sherri et Erwan Whittle ont réussi à pénétrer dans la boîte de nuit sans porte de Lucifer à Los Angeles. Ils partent explorer les lieux. Dans le même bâtiment mais à un autre endroit, Lucifer reçoit en audience, à tour de rôle : Pharamond (personnage apparu dans Sandman 43), Misran (représentant des Lilim), Michael (un archange).
Après 3 épisodes s'attachant autant sur les personnages secondaires que sur Lucifer,
Mike Carey se lance dans une histoire en 3 épisodes se déroulant dans une région des Enfers. Dans un premier temps, le lecteur est un peu dérouté par cette représentation sous forme de cour royale du dix-huitième siècle. Mais bien vite, il voit les vilenies cruelles qui se dissimulent sous cette apparence policée. Cette société est effectivement un enfer rempli de tourments, sous le vernis d'une amabilité de façade, l'enfer des apparences sociales. Qui plus est, l'un des personnages donne une explication satisfaisante de cette apparence inattendue.
Avec ces épisodes,
Mike Carey raconte une histoire malicieuse, un conte cruel, une fable mordante, un thriller roublard, une réussite de bout en bout. L'épisode 20 est tout aussi réussi avec le sort à nouveau cruel de Sherri & Erwan, et avec les tractations implacables de Lucifer (à nouveau une mise en évidence de sa personnalité).
Pour illustrer ces 7 épisodes, la tâche se partage entre
Peter Gross (encré par
Ryan Kelly) et
Dean Ormston. Les premiers ont dessiné et encré les épisodes 15 à 19. Ormston a dessiné et encré les épisodes 14 et 20, et une partie de l'épisode 17. Ce qui frappe de prime abord dans la narration visuelle, c'est qu'il n'y a jamais de redondance avec ce que disent les personnages. Il n'est pas possible de comprendre le récit en ne lisant que les dialogues, ou en ne regardant que les images.
Peter Gross et
Ryan Kelly réalisent des images détaillées, assez jolies, séduisantes dans leur candeur (la nudité fade et chaste d'Adam & Ève), horribles ou séduisantes (parfois les 2 à la fois, en ce qui concerne les rapports entre Lys et Christopher Rudd), sans être racoleuses ou voyeuristes. Leur reconstitution de la vie de cour est vivante et agréable. le passage par le jardin d'Éden est archétypal sans être stéréotypé.
L'encrage de
Dean Ormston est moins régulier et moins arrondi que celui de
Ryan Kelly. le lecteur voit plus la souffrance dans les formes qu'il détoure, la saleté et la fatigue, sans qu'il n'en abuse pour autant. Il a l'art et la manière de faire affleurer en surface les tensions et les horreurs présentes en chacun des personnages.
Au cours de ces 7 épisodes,
Mike Carey,
Peter Gross,
Ryan Kelly et
Dean Ormston réussissent le pari osé de donner une personnalité à Lucifer qui le fasse sortir de la dichotomie bien/mal, tout en respectant son origine d'ange s'étant rebellé. Ils élargissent la mythologie infernale de manière sophistiquée et pertinente. Ils trouvent leur rythme narratif tant du point de vue visuel que de celui de l'intrigue, suscitant l'empathie du lecteur pour des personnages aussi divers que Mazikeen, Elaine Belloc, Christopher Rudd, ou Lucifer lui-même.