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3,39

sur 324 notes
Etrange roman, qui ne m'a pas convaincue.
Tout d'abord la première partie, bien que m'ayant fait rire par moment car vraiment loufoque, ne m'a pas vraiment intéressée, ne comprenant pas du tout où l'auteur nous emmenait et aussi l'intérêt de ces pages.
La deuxième partie, bien que plus dure, m'a parue plus intéressante, traitant de la perte de mémoire dans un EHPAD, l'écriture est brute voire violente notamment au tout début, ce qui m'a choquée, mais m'a aussi "remise dans le bain du livre" !
Les dernières pages sont elles plus profondes et plus belles, mais finalement trop brèves.
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La piscine
Les manies des uns et des autres
Les attentes des uns et des autres
Elle accueille chacun sans faire de différence
Chacun son couloir.

La fissure
Dans le monde d'en bas
Dans le monde d'en haut
Elle s'agrandit
Elle se multiplie.

La mémoire
Ce qu'il en reste détaillé jour après jour
Un peu beaucoup infiniment
Malheureusement dans l'autre sens
Infiniment aujourd'hui
Beaucoup demain
Un peu après-demain
Plus rien après après demain
Elle se délite
Elle disparaît.

Ce qui pourrait être un EHPAD
Un lieu sans passé
Un lieu sans avenir
Le lieu pour attendre le dernier jour.

La fin de vie
La lumière qui s'éteint
Le corps qui s'épuise
La parole qui disparaît
Reste en dernier le regard.

Que vous dire de plus
Un livre émouvant qui nous parle d'Alice, de la lente dégringolade de la vie.
Une écriture fournie, qui n'a pas peur des longues énumérations qui pèsent sur les mots pour mieux nous immerger dans l'atmosphère des lieux.
Un découpage en séquence brute pour suivre le passage du temps, les jours se précipitent de plus en plus rapidement sans laisser de répit, nous laissant impuissant pour revivre le passé.
Je penserai à vous Alice la prochaine fois que je rejoindrai mon couloir de nage.
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Un roman prêté par mon acolyte de lecture, sachant que j'avais apprécié Certaines n'avaient jamais vu la mer de l'autrice, mais qui malheureusement ne m'a pas convaincu. J'étais surprise par ce thème de la piscine, mais pourquoi pas. Cependant je n'ai compris qu'à la toute fin de cette partie qu'il s'agissait (je crois) d'une allégorie de la vie, de la perte d'autonomie et du placement en structure de soin). Je me suis énormément énuyée lors de la première partie sur la piscine, je ne comprenais pas l'intérêt de ce texte alternant les détails et points de vue sur le fait d'aller nager à la piscine. Etant de plus une piètre nageuse, je n'avais aucun point de comparaison pour comprendre la joie de se laisser porter (couler) par l'eau. J'ai enfin compris de quoi le roman parlait en arrivant à la seconde parti, qui m'a beaucoup plus intéressé. Néanmoins, j'ai eu du mal à trouver ma place dans cette partie. J'avais l'impression de lire le journal intime de quelqu'un, le récit est si agressif, violent, détaché, que j'avais l'impression de lire un texte personnel servant d'exutoire ou de support thérapeutique au proche d'un malade, n'arrivant pas à accepter la situation. La toute fin du récit m'a un peu réconciliée avec ce livre et m'a beaucoup plus parlé mais je n'ai pas apprécié pleinement ce roman que j'ai eu du mal à comprendre. Une rencontre ratée avec Julie Otsuka.
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Ils sont un certain nombre à se croiser ou pas à la piscine : "là en bas", chacun ses habitudes le matin le midi ou le soir, la ligne des rapides, des lents ou entre les 2...Alice fait partie de ceux là, y trouve un grand plaisir mais un jour la piscine doit fermer et c'est une déchirure pour Alice mais aussi le début d'une perte de mémoire.

Un cours roman d'une grande poésie. La vie de la piscine est racontée avec grâce et sensibilité, de manière imagée et sensorielle, comme la douceur de l'eau. On s'y voit avec ces nageurs, on y croit faire partie de cette "famille"

Puis lorsque la piscine doit fermer la vie bascule et là encore on est dedans auprès d'Alice ; la douceur et la poésie sont toujours là même si les propos sont de plus en plus graves.

Un roman surprenant je n'avais pas lu la présentation j'ai trouvé l'ensemble magnifiquement bien mené et merveilleusement lu.
Lien : http://keskonfe.eklablog.com..
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La ligne de nage de Julie Otsuka n'est pas un roman comme les autres. Et je ne sais pas vous, mais moi j'apprécie ces petites parenthèses littéraires, ces lectures qui ne ressemblent à aucune autre. Différentes et souvent inoubliables.

Des nageurs et des nageuses ont l'habitude de se retrouver dans une piscine située « là en bas ». Ils y viennent pour se libérer du « là-haut ». Ils ont leurs petites habitudes, leurs règles et l'une de celles-ci est de ne pas bousculer Alice. Et puis un jour, une fissure apparaît au fond de leur piscine. Et les fissures apparaissent à leur tour dans la mémoire d'Alice. Des souvenirs refont surface, d'autres s'effacent. Et sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du lien qui les unit.

La ligne de nage commence avec cette étrange histoire de piscine souterraine, ses habitués qui viennent le temps d'un instant échapper à là-haut. Ils se connaissent tous, forment une communauté, connaissent leurs habitudes et prennent tous soin d'Alice. Et puis, il y a cette fissure menaçante qui les force à remonter. Une brèche mystérieuse qui apparaît comme ça sans que personne ne sache d'où elle est venue.

SI cette histoire de piscine est étonnante et plutôt amusante, celle d'Alice est touchante. Vraiment touchante. Alice est un personnage plein de douceur et l'énergie avec laquelle sa fille se raccroche à leurs souvenirs, sa volonté de garder sa maman le plus longtemps possible avec elle définitivement, serre le coeur.

La romancière américaine Julie Otsuka a des origines japonaises. Je ne sais pas si cela a un lien, mais j'ai eu l'impression d'un flottement. Je ne savais pas vraiment où l'intrigue se déroulait. Même le prénom d'Alice m'a un peu perdue, mais qu'importe. C'était plaisant.

Je ne m'attendais pas à être aussi touchée par La ligne de nage et surtout à sentir une petite boule dans la gorge à la fin de ma lecture.

C'est un très joli roman sur la perte de la mémoire, la vieillesse et la relation entre une mère et sa fille. Cela me donne très envie de lire Certaines n'avaient jamais vu la mer de la même autrice. Si l'écriture est aussi tendre, cela devrait être un très joli moment de lecture.
Lien : http://mademoisellemaeve.wor..
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Voici un énième livre que je lis dans le cadre de la rentrée littéraire (même si cette dernière s'éloigne de plus en plus, tandis qu'approche peu à peu celle d'hiver !), encore une fois grâce à l'important choix de livres inspirants au catalogue de Lirtuel – la bibliothèque belge francophone gratuite virtuelle !
On commence par être interpelé par sa note assez faible (surtout chez Babelio), et le fait que les commentaires sont très contrastés : soit on adore, soit on déteste, et pour le peu de commentaires que j'ai survolés, c'est toujours pour des raisons très personnelles !

Alors, bien sûr, le but de cet avis n'est pas de faire un commentaire sur les commentaires – ce serait le comble ! – mais plutôt de m'inscrire dans cette continuité : si ce (petit) livre m'a tant touchée, c'est aussi pour des raisons, en partie du moins, assez personnelles.
C'est que ce livre se divise clairement en deux parties : la partie « nage » au sens propre, avec cette fissure incompréhensible et jamais expliquée qui apparaît dans le fond de la piscine, puis toute la partie métaphorique et la fin de vie d'Alice en maison de retraite – oui, oui, j'ai bien dit « maison de retraite », je reviens là-dessus plus loin ! Il est à noter cependant que, même si la plupart des lecteurs, y compris les avis « officiels » publiés ici ou là, voient un lien qu'ils tentent de décrypter entre ces deux parties, l'autrice quant à elle est extrêmement évasive sur un tel lien, ne le fait tout simplement pas ! Ce lien est comme « suspendu », et seul le lecteur peut l'interpréter selon son propre ressenti. La seule chose explicite qu'on a entre les deux parties, c'est que Alice, notre « héroïne », faisait partie du groupe des nageurs… et que, après son départ vers sa fin de vie, lesdits nageurs (qui dès lors ne sont plus nommés) font partie des derniers qui continuent à lui rendre visite… et rien que ça, c'est tout simplement beau !

Tout ça pour dire : il se trouve que je suis moi aussi nageuse, depuis l'enfance, et les piscines ont (presque) toujours fait partie de ma vie, de façon plus ou moins intensive selon les époques. de plus, je suis passée par plusieurs « profils » tels que décrits dans ce livre : nageuse compétitrice, nageuse loisirs qui allait au couloir des « rapides », puis à nouveau compétitrice en club pendant quelques années, et désormais nageuse loisirs occasionnelle mais encore au couloir des « moyens » (même si, parfois, je me dis que je devrais passer aux « lents »). Je peux donc dire que, à un moment ou un autre, j'ai vécu tout ce que l'autrice raconte ici, et notamment : ce sentiment, quel que soit notre profil ou la piscine qu'on fréquente, d'appartenir à un cercle particulier – ce fait, qui m'a bien fait rire, qu'on se reconnaît en tenue de nage, qu'on se salue, qu'on a nos petits rites… mais qu'on se sent presque perdus quand on se croise par hasard, ici ou là, en étant « habillés » ! Et ce n'était là qu'un exemple, parmi bien d'autres où je me suis tellement retrouvée !
Alors, soit Julie Otsuka est une sociologue particulièrement avertie, soit elle est tout simplement nageuse elle aussi (et bonne observatrice), pour avoir su rendre cela avec une telle justesse ! et un humour sous-jacent, notamment à travers ces « listes » qui rendent l'écriture assez nerveuse, un peu à la Amélie Poulain (certains parlent d'inventaire à la Prévert, mais j'avoue que je ne connais pas assez !), de façon toujours très maîtrisée, et qui m'ont fait sourire plus d'une fois.

Et puis on passe, presque abruptement, à l'histoire d'Alice. Elle faisait partie de ce « club » non-dit des nageurs de cette piscine fissurée, mais peu à peu elle oublie… jusqu'à ce que, désormais officiellement malade (d'une de ces nombreuses maladies proches d'Alzheimer, avec des symptômes semblables, mais qui n'est pas ça quand même), se voit conduite en maison de retraite par ses proches, qui ne peuvent plus la gérer, à la suite de trop nombreux petits incidents qui ont fini par s'accumuler.

Et c'est là que je m'agace une première fois ! Ce livre est américain, écrit par une autrice très clairement d'origine japonaise, et Gallimard le publie dans sa collection « du monde entier » : on est en plein international ! Alors, expliquez-moi pourquoi le lieu où Alice va désormais vivre a été traduit par un acronyme strictement franco-français ? Par « chance », j'ai déjà entendu ce mot (si l'on peut dire), car j'ai une amie infirmière française qui travaille avec des personnes âgées ; autrement, j'aurais été bien en peine de savoir de quoi on parlait…
Car, oui, Ehpad n'est même pas un substantif, c'est l'acronyme de (j'ai dû chercher) « Établissement d'Hébergement pour les Personnes Âgées Dépendantes » - qui le sait encore, d'ailleurs, même en France ? mais donc, c'est typiquement franco-français : en Belgique (et au Luxembourg semble-t-il), ce mot n'existe tout simplement pas! on parle de maison de retraite, on ajoute « et de soins » si c'est explicitement médicalisé ; on a aussi le terme « séniorie » (ou parfois « foyer seniors ») qui regroupe tous ces types d'établissements. Je serais curieuse de savoir comment on dit en Suisse, ou au Québec… (Je ne parlerai pas de l'Afrique francophone qui, je crois, compte beaucoup moins d'établissements du genre que dans nos pays occidentaux, mais c'est un autre sujet !). En outre, il paraît – ai-je lu sur l'un ou l'autre site - que « Ehpad » est différent de « maison de retraite », dans la mesure où ça désigne un établissement médicalisé – ce que ne dit pourtant pas l'acronyme, à moins que « (personnes âgées) dépendantes » signifie « ayant besoin de soins médicaux » ?...
Bref, je ne vais pas épiloguer plus longtemps là-dessus, mais je reste toujours profondément choquée quand une traduction, qui en plus ici se veut explicitement « du monde entier », s'adresse exclusivement à un lectorat hexagonal, au mépris de tous les autres francophones… du monde entier !

Cela étant dit, dans cette seconde partie, l'écriture de l'autrice perd de sa nervosité - même si elle garde une manie de lister certaines choses, mais désormais ça ne fait plus sourire, au contraire, on est bien plus proche d'une certaine émotion. Peut-être pas pour les personnages du livre, même si pour ma part j'ai trouvé Alice très touchante du début à la fin, mais parce que chaque situation décrite nous renvoie à notre propre vécu (et ici, plus besoin d'être nageur !) : on a tous eu un proche qui a peu à peu perdu de son autonomie, sa mémoire, et même son bonheur de vivre…
Ainsi, Julie Otsuka nous entraîne dans une espèce de mélancolie : dans le chef du mari qui se retrouve seul et voit sa moitié tant aimée s'étioler petit à petit, dans le chef de la fille qui s'est éloignée de sa mère depuis tant d'années, et oscille entre ce qui ressemble à de la culpabilité, et un vraisemblable désir de ne pas trop s'approcher quand même.

Les établissements précités y sont aussi très fortement dénoncés, de façon toujours indirecte mais tellement acerbe, pour leur souci commercial avant le bien-être des patients ; un « bien-être » qui est trop souvent asséné à coup de tranquillisants peu à peu déshumanisants. Les soignants en tant que personnes ne sont pas dénigrés, mais on entend clairement qu'ils ont des diplômes et compétences variables, et qu'ils sont choisis pour tel ou tel patient varie selon ce que la famille du veut bien payer.
Ici aussi, j'ai lu certains commentaires, notamment de personnes travaillant dans ce genre d'établissements, tout à fait outrés, disant que ça ne se passe pas comme ça, que c'est sans doute une particularité américaine, etc. J'espère tant qu'ils disent vrai ! Pourtant, des scandales récents ayant éclaté, en Belgique et en France, sur une « chaîne » (oups, pardon, on dit « groupe » ! je ne dirai pas le nom, qui commence par O.) ; bref, ce scandale récent dans certaines maisons de retraite semble prouver que cette réalité-là existe bel et bien ! Alors, est-ce vraiment une particularité américaine, ou un coup de malchance pour Alice qui s'est retrouvée justement dans le « mauvais » établissement ? Nous ne le saurons jamais, le traducteur s'étant cantonné à la facilité française de l'Ehpad, au lieu de creuser un peu les choses, et proposer une petite note ici ou là, qui aurait tranquillisé bien des lecteurs francophones, réellement soucieux du bien-être de l'une ou l'autre personne âgée de leur entourage !

Si ces deux parties font l'essentiel du livre, et devraient suffire pour mon commentaire, j'ajouterai toutefois un élément récurrent, qui me laisse quelque peu perplexe. Il s'agit de ces allusions, toujours discrètes mais assez nombreuses, à l'internement en camp dans le désert que la famille d'Alice – une famille japonaise vivant aux États-Unis, faut-il le préciser ? – pendant la deuxième guerre mondiale. Il est question, çà et là du désert, des scorpions, du départ obligatoire et quelque peu précipité, du voyage en train, des possessions perdues du jour au lendemain, des bijoux volés qui devaient pourtant assurer l'avenir, etc.
J'avoue que, pour ma part, c'est un épisode de la guerre dont on ne m'avait jamais parlé à l'école, par exemple, car on en parle assez peu de ce côté-ci du globe – et pourtant, c'est une période de l'histoire à laquelle je m'intéresse, mais en Europe, on est tellement plus centrés sur l'avancée nazie à travers nos pays, qu'aux événements « annexes » qui ont eu lieu ailleurs dans le monde… Je suppose que c'est normal ! Ainsi, ce n'est que très récemment, dans un documentaire vu à la télé (mais j'ai complètement oublié de quelle émission il s'agissait !), que j'ai appris que les citoyens américains d'origine japonaise avaient été internés dans des camps (Wikipédia parle explicitement de « camps de concentration » !) après Pearl Harbour, déracinant des familles entières dans des lieux éloignés - et, pour la famille d'Alice, carrément désertique.
Or, je n'ai pas bien compris l'intérêt de ces allusions dans ce livre – à part le fait qu'elles enracinent la famille d'Alice dans une Histoire bien précise, je ne vois pas ce que ça apporte réellement à l'histoire de notre héroïne, ni en tant que nageuse, ni dans le contexte de sa fin de vie, d'autant plus qu'elle ne se souvient peu à peu de plus rien, pas de ça davantage que du reste ! Ressentiment de l'autrice, qui dans sa culpabilité envers sa mère qui s'éloigne, ressasse aussi des souvenirs familiaux plus anciens ? Il y a là quelque chose qui continue de m'échapper…

Bref, ce livre est en quelque sorte « à tiroirs », en deux parties principales dont le lien subtil ne doit pas forcément être explicité : j'ai beaucoup apprécié et me suis reconnue dans bien des passages en tant que nageuse, avec en plus un humour à la Prévert assez nerveux mais toujours juste ; j'ai été touchée par toute la partie, beaucoup plus mélancolique, sur la fin de vie déshumanisée d'Alice. Je reste perplexe face aux allusions à l'internement des Nippo-américains, et je suis très déçue d'une traduction bien trop franco-française pour un livre « du monde entier ». Ça n'en reste pas moins une belle découverte, une plume à suivre !
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Très beau roman, émouvant et mélancolique, sur la glissement très lent vers la de fin et la perte de mémoire. L'auteure nous amène dans ses souvenirs, et ceux de sa mère, qui accompagne la perte de ceux-ci. Malgré une partie plus "molle" dans le roman, sur l'arrivé dans l'EPHAD et le descriptif acide mais nécessaire, ce récit vous plonge dans un cette univers de l'oubli, qui nous effraie tous.
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La piscine, en sous-sol, a ses habitués. Ils viennent pour enchaîner les longueurs, pour fuir le quotidien et leurs problèmes, pour lâcher prise. Quelque soit leur milieu social, les nageurs respectent les mêmes règles, les mêmes rituels. Mais un jour, une fissure apparaît au fond du bassin. Elle sera suivie d'autres fissures inexpliquées qui déclencheront la fermeture de la piscine. le monde harmonieux des nageurs n'existe plus ce qui perturbe énormément l'un d'eux : Alice, atteinte de démence sénile, qui perd encore un peu plus ses repères. 

"La ligne de nage" de Julie Otsuka s'ouvre sur le récit du quotidien des nageurs à la première personne du pluriel. Ce "nous" rappelle celui de "Certaines n'avaient jamais vu la mer", le précédent roman de l'autrice que je vous recommande fortement, et crée ainsi un lien entre ces deux textes. le "nous" incarne une communauté, un groupe dans un univers ritualisé qui va se fissurer. Ce qui se déroule au fond de la piscine est une métaphore de ce qui arrive à l'esprit d'Alice qui plonge petit à petit dans la maladie. 

La deuxième partie du roman, qui s'ouvre sur "Diem perdidi" à l'origine une nouvelle, passe à une narration à la troisième personne du singulier. Julie Otsuka s'amuse à modifier son mode narratif. le nous reviendra pour décrire les conditions de vie dans l'EHPAD qui accueillera Alice, le nous est alors celui de l'entreprise qui impose des règles drastiques à ses clients. L'autrice décrit cet univers glaçant avec beaucoup d'ironie.

Enfin, le texte passe à la deuxième personne du singulier pour décrire la relation d'Alice et de sa fille, faite de culpabilité et de regrets. Julie Otsuka s'est inspirée de l'histoire de sa mère, de ses souvenirs (l'enfance au Japon, l'arrivée aux Etats-Unis, les camps d'internement durant la seconde guerre mondiale, son mari, etc..) pour créer Alice. La relation mère-fille est très touchante et décrite avec beaucoup de pudeur.

Dans "La ligne de nage", Julie Otsuka nous offre une narration très originale, alternant les pronoms personnels et coupant son texte en deux parties très distinctes, ce qui peut surprendre le lecteur. Mais l'ensemble est extrêmement cohérent et m'a totalement séduite. 
Lien : https://plaisirsacultiver.com/
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« Certaines n'avaient jamais vu, la mer », ceux qui ont lu cet texte de Julie Otsuka, traduit en France en 2012, se souviennent sans doute avec ferveur de ces pages, au style incantatoire et envoûtant, dans lesquelles elle évoquait le voyage de ces japonaises en quête d'un mari américain au début du XXe siècle, leur déception rapide à l'arrivée et leur difficile installation aux Etats-Unis, le mépris, le racisme et les violences qu'elles allaient endurer. le nouveau roman de l'auteure, La ligne de nage, obéit à une structure différente, mais on y retrouve le même génie littéraire, un talent particulièrement affirmé pour faire naître d'une scène tout un tissu de réflexions et d'émotions, grâce à la scansion si particulière d'une prose aux effets de transe, composée de courts paragraphes, reprenant en le modifiant, comme dans une fugue de Bach, un même motif en le modifiant légèrement à chaque fois, selon un système récurrent .
Tout commence dans une piscine souterraine, un bassin dans lequel une petite coterie de nageurs alignent les longueurs, avec application et discipline. Parmi eux, fondue dans le groupe, discrète présence encore, Alice, qui se révélera, dans la seconde partie du roman, être la mère de la narratrice… Ils sont très différents socialement les uns des autres, ces nageurs, peu soucieux de partager le reste de leurs existences, mais ils se retrouvent dans un même amour des règles de l'établissement et des rituels qu'ils ont institués, une routine commune qui les oppose à ceux « d'en haut », les nageurs des autres piscines, mais aussi leur offre un bonheur de quelques heures loin de leur propre quotidien à la surface. Tant qu'ils suivent leur « ligne de nage » et se respectent mutuellement, la sérénité leur semble promise, même si le lecteur ressent très rapidement, derrière cette apparente tranquillité, une atmosphère étrange, voire angoissante, comme un calme kafkaïen, si l'on peut dire… Et un jour, une fissure, une petite fêlure de rien du tout, à l'instar d'un mince trait de crayon, apparaît sur le fond du bassin. Il n'en faut pas plus pour briser l'harmonie, entraîner les uns et les autres à multiplier leurs interprétations de l'événement, d'autant plus que, bientôt, les fissures elles-mêmes se mettent à proliférer, laissant envisager un « cluster » de fêlures. Toutes les explications possibles sont envisagées, et des remèdes sont essayés, mais rien n'y fait, et la direction de la piscine est contrainte d'annoncer sa fermeture, bouleversant par cette nouvelle la petite secte des nageurs…
La seconde partie du roman, avant que l'on ne comprenne pourquoi l'ordre régnant dans l'univers de la piscine et la fissure qui vient y mettre tragiquement fin peuvent être lus après-coup comme des métaphores du destin d'Alice, nous transporte dans un monde radicalement différent, celui d'un Ehpad spécialisé dans l'accueil des personnes atteintes d'Alzheimer et d'autres démences séniles. le quotidien des résidents y est réglé par un ensemble de lois strictes jusqu'à l'absurde, tandis que la télévision gronde en continu dans leur chambre et les espaces communs, et que l'on veille à ne leur laisser aucun espoir de rémission ou de retour à leurs vies antérieures. C'est là qu'Alice, quelques temps après la fermeture de la piscine, a échoué. Car Alice oublie, car Alice, si elle se souvient de détails et de situations de son passé le plus ancien, perd la mémoire de ses actions et des informations les plus récentes, et n'est plus capable, bien souvent, de reconnaître ses proches… Aux longueurs de nage et aux paragraphes rythmés à leur mesure des deux premiers chapitres, se substituent, dès lors, dans les suivants, les étapes de ce long voyage d'oubli, comme les stations d'un chemin de croix, un calvaire partagé ses proches, quand son mari voit ses attentions mal récompensées, quand la tendresse d'une fille se mue en culpabilité. Derrière cette Alice, d'ailleurs, et cette fille sans nom, certains détails (allusions à la carrière et aux livres de la romancière) laissent deviner toute la charge autobiographique de l'histoire… On ne sort pas indemne de ce texte, évoquant avec toute la magie efficace de l'écriture de Julie Otsuka, un drame aujourd'hui universel. Un bouquin olympique, un grand bassin d'écriture… Plongez-y !
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De la délicatesse jusqu'au bout de la route
L'écriture immersive du premier chapitre donne immédiatement l'idée de la fissure, celle de la piscine et celle de la mémoire de l'héroïne.
Alice petite fille a été déportée avec sa mère et son frère pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cela nous rappelle Certaines n'avaient jamais vue la mer et les lecteurs ne l'ayant pas lu seront peut-être désavantagés.
Dans cette piscine publique en sous-sol, tous viennent pour guérir de leurs maux qui se résument souvent en un seul mot : le vieillissement. Pour d'autres comme Alice les blessures sont plus profonde et la nage les hypnotise dans une mouvance bienfaitrice.
A la surface ils sont vieux dans le bassin de nage ils sont eux.
Mais tout est bouleversé, la piscine ferme.
« le lendemain matin, aussi soudainement qu'elle avait disparu, la fissure réapparaît, et à notre grande surprise, beaucoup poussent un soupir de soulagement. »
Pour Alice c'est le clap de fin, la fissure qui est en elle grandit et sa fille va essayer de sauver les lambeaux d'une vie pas comme les autres.
La dureté de sa mémoire qui fuit est aussi terrible que le camp qu'elle a connu.
Pour la fille c'est le symbole du temps qui a passé, des liens trop distendus car chacun vit sa vie.
Le basculement arrive avec l'obligation de la maison médicalisée. le monde devient encore plus brutal.
Alors écrire pour retenir le temps et l'histoire familiale.
L'écriture épouse les différentes phases comme l'eau qui s'ouvre et se referme sur la nageuse.
Toujours chez Julie Otsuka cette finesse d'analyse des traumatismes, de la résilience, de la mémoire. C'est une voix qui résonne longtemps après avoir fini la lecture.
De la délicatesse pour dire le chaos.
©Chantal Lafon


Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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