“La fellation serait le ciment du couple, la bisexualité féminine serait swag, le sperme améliorerait l'éclat du teint, la levrette lutterait contre les lombalgies, la sodomie serait bonne pour le transit….” Voici le décor d'injonctions et représentations ultra-normées que plante Ovidie, la scénariste de la bande dessinée “Libres! Manifeste pour s'affranchir des diktats sexuels”, qu'elle va parvenir à décortiquer et à réduire à néant, grâce à l'aide de Diglee, la dessinatrice. Attention, ici le langage n'est pas cru, mais il est direct. Les deux féministes abordent la sexualité sur un ton franc et humoristique afin d'aider les femmes à s'affranchir. Une BD à lire, à offrir à votre nièce, votre soeur, votre mec (le mien a emprunté la BD pendant que je rédigeais ma critique. Il ne pas l'a pas quittée. Résultat : la chronique a attendu !). Une vraie lecture qui fait du bien et vous empêchera de culpabiliser la prochaine fois où votre maillot ne sera pas parfaitement épilé quand vous irez à votre cours d'aquabike, ou lorsque vos copines vous jugeront d'un air réprobateur accompagné d'un « Oh dégueu ! » lorsque vous expliquerez que vous utilisez une cup menstruelle.
DES INJONCTIONS ET REPRÉSENTATIONS SEXUELLES ULTRA-NORMÉES PASSÉES AU CRIBLE AFIN DE LES DÉMONTER AU MIEUX
Ovidie et Diglee plantent rapidement le décor : des injonctions et représentations sexuelles patriarcales ultra-normées nous entourent. Qui n'a jamais entendu dire que le sperme était bon pour la peau, qu'il n'y avait rien de plus sexy qu'une femme ouvertement bisexuelle, ou que le point G n'existait pas ?
Elles parviennent à démontrer l'absence de fondement de 15 injonctions choisies, découpées en 15 chapitres distincts, qui suivent la même trame. Ovidie nous explique l'injonction sans jugement, presque de façon scientifique, mais toujours pleine d'humour, en quelques pages, et Diglee résume le propos en fin de chapitre grâce à une planche de Diglee sur le sujet, le plus souvent à mourir de rire.
L'EXEMPLE DU TABOU ENTOURANT LES RÈGLES
Je vous livre un aperçu du chapitre relatif au sacro-saint tabou qui entoure les règles : « Pour les doubles pénétrations, les douches de sperme et les méga-dilatations, il y a du monde. Mais pour trois gouttes de sang, il n'y a soudainement plus personne. Même dans les publicités pour les serviettes hygiéniques, les règles sont encore et toujours illustrées par un ridicule liquide bleu, c'est dire. ». Je n'y avais jamais pensé, mais en effet, pourquoi ne pas représenter au moins ce liquide en rouge ? Continuons : « (…) Si le sang des règles est toujours aussi tabou, c'est avant tout parce qu'il effraie les hommes qui, en retour, tentent de nous faire culpabiliser. »
Je ne vous en dis pas plus : voyez ensuite vous-même la planche de Diglee illustrant la fin de ce chapitre.
© Éditions Delcourt, 2017 – Ovidie, Diglee
L'AFFRANCHISSEMENT ET LA DÉCULPABILISATION DES FEMMES PAR DES FEMMES
Qui de mieux placer qu'Ovidie pour nous parler de sexe de manière libre et décomplexée ? Ovidie, pour ceux qui ne la connaissent pas plus que cela, c'est une femme engagée depuis son plus jeune âge pour la libération des femmes. Réalisatrice, elle dirige son premier film pornographique à destination des femmes à 19 ans à peine. Auteure, elle rédige notamment son « Porno Manifesto » (Flammarion), dans lequel elle dénonce les idées reçues sur le cinéma porno.
Et qui de mieux que Diglee, que l'on connaît pour ses illustrations de femmes décomplexées sur son blog www.diglee.com ou sa BD Forever bitch (Delcourt), pour les illustrer ?
A deux, elles parviennent à nous faire déculpabiliser de ne pas être parfaite physiquement, super adroite au lit, ou parfaitement épilée le jour de notre rendez-vous chez le gynécologue.
Du point de vue des sujets, tout y passe : notamment goût du sperme (“Soyons honnêtes, cela a un gout de lait périmé dans lequel auraient infuse des asperges”), le tabou qui entoure les règles (“Pour les doubles pénétrations, il y a du monde. Mais pour trois gouttes de sang, il n'y a soudainement plus personne”), la bisexualité féminine (“Je rêverais d'observer un jour les visages décomposés des fans de Kanye West s'il chantait I kissed a boy”), le plaisir féminin (“Rappelons qu'un home peut prendre du plaisir sans bander, et qu'une femme est en capacité d'éjaculer'”), les poils (“Breaking news : les femmes aussi sont poilues”), etc. Mention spéciale pour les magazines féminins dits traditionnels qui s'en prennent un peu plein la tronche car ils véhiculent parfois eux-mêmes ces injections contre lesquelles ils prétendent lutter.
Cette BD est une perle du genre. Après sa lecture, on a envie de crier haut et fort « Je ne suis pas parfaite, et on s'en fout ! ». Un seul conseil : lisez-la, vous ne serez pas déçu.e !
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