Marcel Pagnol fait partie de ces auteurs que l'on commence à aimer un peu, et qu'on finit par aimer beaucoup, au point de vouloir tout lire de lui : pièces de théâtre, scénarios de cinéma, romans et nouvelles, souvenirs, essais…C'est qu'il a excellé dans tous les genres, et surtout que dans chacune de ses oeuvres, il nous fait partager un morceau d'humanité, comme on partagerait un morceau de fromage sur du pain, un bon bain de campagne, arrosé de l'eau de source, pure et rafraîchissante.
Après les Souvenirs d'enfance, après les romans, après le théâtre, voici donc maintenant que nous ouvrons le cycle des scénarios de cinéma. Vaste programme, tant
Pagnol s'est hissé, dans ce domaine-là aussi, au niveau des plus grands. Avec le Rouquier de « Farrebique », on peut considérer
Pagnol comme un des plus grands cinéastes qui aient su montrer le monde paysan dans sa vérité, bien avant
Raymond Depardon ou
Hubert Charuel (« Petit paysan »). le cinéma, pour
Pagnol, est une seconde nature, en tous cas un prolongement de son oeuvre littéraire.
le schpountz, à cet égard est significatif, car le cinéma est présent dans le film, dans la mesure où le sujet évolue de la « mise en boîte » d'un benêt de village à une réflexion sur le cinéma, et le rôle du comique.
Irénée travaille dans l'épicerie de son oncle Baptiste « entre la morue sèche et le roquefort humide », mais il sait qu'il a un don de comédien. Une troupe de comédiens de cinéma, menés par Dromard et la jolie Françoise, se joue de lui et lui fait signer un faux contrat. Mais Irénée, prenant tout pour argent comptant, monte à Paris. Les comédiens, confus, essayent de le faire changer d'avis, en vain. A force d'intervenir auprès de Meyerboom, le producteur, ils finissent par lui trouver un petit rôle. Et là, surprise, il se révèle un acteur exceptionnel. Et c'est triomphalement, avec Françoise qu'il a épousée, qu'il revient prouver à son vieil oncle qu'il avait raison de croire en son étoile.
Il y a deux façons de voir deux films dans le film : la première consiste à voir dans
le Schpountz, une partie « marseillaise », résidant principalement dans les scènes de l'épicerie et dans la rencontre du schpountz et des comédiens, et une partie « parisienne », dans les studios de la capitale avec les comédiens et le producteur. La seconde façon de voir
le schpountz, serait de voir à la fois l'histoire d'une mystification qui se retourne contre ses auteurs (l'arroseur arrosé en quelque sorte), et une réflexion-introspection sur le cinéma, vérité et mensonge, et aussi rôle de l'acteur et plus précisément de l'acteur comique.
Vous connaissez sans doute le film, vous savez déjà que Fernandel y est inoubliable.
On se souvient avec délices des scènes de l'épicerie :
L'ONCLE (
Fernand Charpin) : C'est toujours la même chose. Et ça sera toujours la même chose. On ne saura jamais, on ne saura jamais qui c'est qui a laissé la corbeille de croissants sous le robinet du bidon de pétrole. Non, ça on ne le saura pas. Et j'aurais beau faire une enquête policière, voilà une affaire dont je ne saurai jamais rien.
Ou plus loin
IRÉNÉE (Fernandel) : Je vois clairement où tu veux en venir. Tu vas me dire que je suis un bon à rien.
L'ONCLE : Oh que non ! Bon à rien, ce serait encore trop dire. Tu n'es pas bon à rien, tu es mauvais à tout. Je ne sais pas si tu me saisis, mais moi, je me comprends.
IRÉNÉE : Je te saisis, et je suis profondément blessé.
Et l'on n'a pas oublié non plus la tirade sur la loi du 25 septembre 1791 du code pénal qui indique dans son article 3 que « Tout condamné à mort aura la tête tranchée », phrase qu'Irénée déclame sur tous les tons.
Quel texte ! Quel auteur ! Quels acteurs ! et derrière tout ça quel amour du cinéma et des comédiens !