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Critique de wellibus2


Dans ce tome 2, Frédéric Pajak parle de divers lieux et les dessine, d'une plume trempée dans la mémoire et l'encre de Chine.
C'est ainsi qu'il parle au tout début de ce tome 2 de Venise qui ne laisse personne indemne:

"Il est douloureux de revenir à Venise. Sa splendeur ostentatoire nous laisse à notre temps disgracieux. Nous errons entre ses canaux, dans l'enlacement indéchiffrable de ses couloirs au bout desquels surgissent des places sobres et dépeuplées. Venise a été bâtie pour punir les temps futurs - et les voilà punis."

Et, un peu avant la fin, de Berlin:

"Nombreux sont ceux qui, venus vivre à Berlin, avant la chute du Mur, n'y sont pas restés après. Berlin n'existe plus pour eux, et plus rien de ce qu'ils ont connus ne subsiste. La ville se meurt peut-être à trop vouloir vivre, à trop se reconstruire."

Mais c'est de Paris qu'il parle le plus et c'est la Ville Lumière qu'il dessine le plus, sans dissimuler ses coins d'ombre dans ces deux modes d'expression artistique.
Il n'emploie pas le mot de Paname, cher à Léo Ferré , à Jean-Roger Caussimon ou à Jean Ferrat, parmi bien autres, pour désigner l'agglomération parisienne. C'est pourtant, encore de nos jours, un mot de passe argotique que susurrent entre eux de vieux parigots tels que moi.
Cela n'est pas grave parce qu'il parle du Paris de Walter Benjamin - il "a aimé Paris, qui l'a si peu aimé en retour", de Ludwig Hohl - "son quartier de prédilection, c'est celui des Halles"- et d'André Breton, dont il raconte la courte liaison avec celle qui se faisait appeler Nadja - "elle aura duré dix jours, du désir à l'étreinte, de l'étreinte à l'abandon".
Frédéric Pajak a certainement encore connu - il n'a que quatre ans de moins que moi - le Parisien véritable, "celui du Paris populaire", mais il n'existe plus:
"Il a été rejeté derrière le périphérique, et le plus loin possible. Ceux qui habitent désormais la ville sont des provinciaux qui sont "montés à Paris" pour y gagner leur vie, dans des bureaux ou des magasins. Ils paraissent contrefaits dans leurs habits stéréotypés, parlant une langue artificielle, puisque personne, parmi eux n'a ni l'accent ni la gouaille des titis d'antan - et ils ne parlent pas non plus avec leur accent de province, qu'ils se sont empressés d'oublier."
La Parisienne a également disparu, comme le pressentait Léon-Paul Fargue:

"Bientôt, les dernières Parisiennes disparaîtront "pour céder la place aux femmes de Paris, ce qui n'est pas tout à fait la même chose"."

Frédéric Pajak n'est pas optimiste non plus pour ce qui concerne les bâtiments de Paris:

"La destruction de Paris n'est pas un résultat, c'est une activité. Paris n'a pas été détruit puisqu'il se détruit sans cesse. Et ce qui est détruit est aussitôt reconstruit, et ce qui est reconstruit sera détruit tôt ou tard."

La raison?

"Autant les bâtiments anciens, régulièrement ravalés, respirent l'éternité, autant les nouveaux sentent la fin."

Tout cela n'empêche pas l'auteur d'aimer Paris, comme je l'aime:

"J'ai besoin de ces façades salies. J'ai besoin de ce ciel de craie, de ce brouillard en poil de souris et de cette eau de pluie parcimonieuse et tenace. Et l'irritation qui vient du vent. Et le courant d'air qui vient de la bouche du métro. Paris a usé mille et mille têtes d'autant de joie, d'autant de peine."

J'aime également son évocation de l'Histoire qu'on efface en laissant dans l'oubli un Augustin Thierry (dont les ouvrages bannis des livres d'Histoire figuraient dans la bibliothèque de mon paternel...).

Cette citation, que Frédéric Pajak fait de l'historien de la première moitié du XIXe siècle, devrait donner matière à réflexion:

"Tous tant que nous sommes, Français de nom et de coeur, enfants d'une même patrie, nous ne descendons pas des mêmes aïeux. Dès les temps les plus anciens, plusieurs populations de races différentes habitaient le territoire des Gaules..."

http://www.francisrichard.net
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