Elle n’avait jamais fait confiance à ses instincts ni à ses impulsions. Parmi ses plus grandes angoisses, il y avait la hantise de ne jamais découvrir et exploiter ses talents ou ses intuitions les plus profonds. Ses dons uniques. Elle allait gâcher sa vie en courant après des objectifs fixés pour elle par d’autres personnes. Au lieu de ça, elle souhaitait détenir un pouvoir et une autorité – une force primitive, irrésistible – qui transcenderaient les rôles dévolus aux hommes et aux femmes. Elle rêvait de maîtriser une magie pure, plus ancienne que la civilisation elle-même.
Ses ambitions avaient été celles des femmes radicales un siècle auparavant : devenir avocate… pour affronter les hommes face à face. Mais comme toute ambition de seconde main, elle pesait sur ses épaules comme un fardeau. Ce rêve-là, dix millions d’autres femmes l’avaient exaucé.
La sphère publique était vide de femmes. Les personnes qui regardaient Penny se débattre – le juge, les jurés, les spectateurs – étaient toutes des hommes. Ce monde était un monde d’hommes.
Pour elle, les relations extraconjugales n’étaient pas un péché… Simplement, elle n’avait jamais connu les avantages de l’amour libre. Au cours de ses études sur le genre, elle avait appris qu’environ trente pour cent des femmes ne connaissaient pas l’orgasme ; apparemment, elle en faisait partie. Par chance, il y avait d’autres plaisirs dans la vie. La salsa, par exemple. Les glaces. Les films de Tom Berenger. Dans son esprit, risquer de se retrouver avec un herpès, des verrues génitales, une hépatite virale, le sida ou une grossesse non désirée à seule fin d’atteindre un épanouissement sexuel chimérique, tout ça n’avait pas grand sens.