Voilà encore un roman marquant qui nous parle de l'enfance défavorisée et qui se lit comme un témoignage.
L'auteur, journaliste de métier, nous explique en fin d'ouvrage que son propre père était éducateur à la PJJ. Il nous raconte quel parcours professionnel et personnel il a suivi avant d'effectuer lui-même un stage de six mois, en immersion totale à la PJJ d'Auxerre. Ce qui devait être un simple article de journal est devenu ce roman.
Quand Wilfried naît, Louise sa mère est toute jeune et complètement paumée. Après mûre réflexion, Marc Winzembourg et son équipe qui la suit, et bien entendu la juge aux affaires familiales, décident de lui enlever l'enfant, alors âgé de 8 mois pour le placer dans une famille d'accueil.
Une décision difficile, un déchirement mais c'est dans l'intérêt de l'enfant. Au début sa mère vient régulièrement le voir mais un jour, elle ne donne plus signe de vie et personne ne peut alors l'obliger à le faire.
Wilfried grandit et se passionne pour le foot. En plus, il est doué et intègre un centre de formation. Mais alors qu'il a 15 ans, un jour de colère il se bat avec un autre joueur de l'équipe adverse. C'est l'exclusion définitive ! Son rêve de devenir un joueur professionnel s'effondre.
Le pire c'est qu'il ne sait même pas pourquoi il a fait ça !
Thierry et Anna, les parents d'accueil, cherchent à comprendre ce qui lui arrive tandis que Wilfried renoue avec certains ados du quartier, se fait renvoyer du lycée où il s'ennuie sans le foot, se détache de sa famille et tombe peu à peu dans la délinquance... C'est ainsi que l'équipe d'éducateurs dans laquelle Marc est toujours en activité, se penche sur le cas du jeune adolescent.
A la demande de Marc, c'est Nina, elle-même issue d'un milieu défavorisé, qui va s'occuper du jeune homme. Elle va tout faire pour l'aider.
Pendant ce temps, Thierry et Anna déposent une procédure d'adoption voulant prouver à Wilfried leur attachement, mais Louise, la mère est retrouvée : elle doit signer les papiers pour renoncer définitivement à ses droits...
Voici un roman très réaliste et totalement crédible écrit dans un style journalistique ce qui ne m'a pas gêné du tout. On sent bien que l'auteur sait de quoi il parle et par moment j'ai revécu avec lui la relation que nous avions avec certains de nos élèves de LEP, quand nous tentions de leur donner un cadre, des règles adaptées pourtant à leur âge, mais que dès la sortie du lycée ils oubliaient, le groupe reprenant tout son pouvoir... et le lendemain, il fallait tout recommencer.
Je l'ai lu d'une traite tant j'ai été touchée par ce jeune ado écorché vif qui se cherche, voudrait comprendre pourquoi il a été abandonné, qui sont ses parents biologiques et s'assurer que sa famille d'accueil ne lui donne pas de l'amour uniquement parce qu'ils sont payés pour ça.
Le lecteur a peur pour lui, peur qu'il n'y arrive pas, peur qu'il fasse de trop mauvaises rencontres.
Mais il n'y a pas que lui dans l'histoire, on croise d'autres jeunes perdus, des jeunes qui ne savent pas faire confiance à la vie, parce que de vie, ils n'en ont pas, ni d'amour, ni d'avenir, ni personne justement qui leur fasse confiance et leur donne une image positive d'eux-même.
Ce roman est aussi une plongée dans le quotidien de tous ces éducateurs qui se débrouillent pour essayer de sauver des enfants, et des ados en perdition. C'est en effet comme le dit la quatrième de couverture, une véritable course contre la montre pour les empêcher de tomber dans un engrenage irréversible, prendre les bonnes décisions face à une famille incapable de jouer son rôle dans une société inhumaine, où la pauvreté qui ne devrait pas être une fatalité, entraîne souvent des violences, et des actes répréhensibles. Les parents répliquent sans le vouloir, les violences qu'ils ont eux-même connus enfants et cela semble parfois inéluctable...
C'est une histoire contemporaine emplie de générosité et très émouvante qui à mon avis peut-être proposée aux lycéens et devenir l'objet de débats afin d'amener peut-être plus de tolérance et de compréhension.
Car c'est une histoire heureusement porteuse d'espoir qui fait réfléchir le lecteur sur tout ce gâchis humain, entièrement créé par notre société trop inégalitaire... mais moi je veux croire que tous ces jeunes diront un jour, comme le fait dans le roman, Viviane, dans la bouleversante lettre posthume adressée à sa mère : "Je te promets de faire mieux"...
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